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Notre véritable demeure

 
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fifi



Inscrit le: 18 Mai 2010
Messages: 173

MessagePosté le: Dim 08 Mai, 2011 23:38    Sujet du message: Notre véritable demeure Répondre en citant

Citation:
Notre véritable demeure

Par Ajahn Chah

Paroles adressées par le Vénérable Ajahn Chah à l’une de ses disciples âgée, proche de la mort.

Préparez-vous maintenant à écouter respectueusement le Dhamma. Tandis que je vous parlerai, soyez aussi attentive à mes paroles que si le Bouddha lui-même était assis en face de vous. Restez confortablement allongée, fermez les yeux et préparez votre esprit en le concentrant sur un point unique. Avec humilité, permettez au Triple Joyau de la sagesse, la vérité et la pureté de prendre place dans votre coeur, en témoignage de respect pour Celui qui est Pleinement Eveillé.

Aujourd’hui, je ne vous ai apporté aucun présent matériel, seulement le Dhamma, les enseignements du Bouddha. Écoutez attentivement. Il faut tout d’abord que vous compreniez que le Bouddha lui même, quel qu’ait été le nombre de ses vertus, n’a pu éviter la mort physique. Quand il atteignit un âge avancé, il abandonna son corps et se libéra de son poids. C’est à votre tour, aujourd’hui, d’apprendre à vous satisfaire des nombreuses années durant lesquelles vous avez dépendu de votre corps et sentir que cela suffit.

On peut comparer les parties de notre corps à des ustensiles de cuisine que l’on a depuis longtemps — tasses, soucoupes, assiettes, etc. Au début ils étaient propres et brillants, mais après avoir été longtemps utilisés, ils ont commencé à s’user. Quelques-uns se sont cassés, d’autres ont disparu et ceux qui restent sont abîmés, plus ou moins déformés — mais il est dans leur nature d’évoluer comme cela. Il en va de même pour votre corps. Il a subi des changements continus depuis le jour de votre naissance, en passant par l’enfance, la jeunesse et maintenant la vieillesse. Vous devez accepter cela. Le Bouddha a dit que les conditions (sa !kh !r !) — qu’il s’agisse d’états physiques ou psychiques — ne nous appartiennent pas en propre ; il est dans leur nature de changer. Méditez cette vérité jusqu’à ce que vous la compreniez clairement.

La masse de chair qui repose ici, sur le déclin, est elle-même saccadhamma, vérité. La vérité de ce corps est saccadhamma, tel est l’enseignement immuable du Bouddha. Le Bouddha nous a appris à observer le corps, à l’analyser et à en accepter la nature. Nous devons pouvoir être en paix avec notre corps, quel que soit l’état dans lequel il se trouve. Le Bouddha a insisté pour que nous veillions à ce que seul le corps soit prisonnier et que nous ne laissions pas l’esprit s’enfermer avec lui.

Aujourd’hui, tandis que votre corps commence à s’affaiblir et se détériorer avec l’âge, ne résistez pas — mais ne laissez pas non plus votre esprit se détériorer avec lui. Gardez-les séparés. Donnez de l’énergie à votre esprit en réalisant la vérité des choses telles qu’elles sont. Le Bouddha nous a enseigné que telle est la nature du corps et qu’il ne peut être autrement : étant né, il vieillit, tombe malade et puis meurt. C’est une grande vérité à laquelle vous faites face en ce moment. Observez votre corps avec sagesse et éveillez-vous à cette vérité.

Imaginons que votre maison soit inondée ou entièrement brûlée, quel que soit le danger qui la menace, veillez à limiter les dégâts à la maison seule. S’il y a une inondation, ne la laissez pas inonder votre esprit. S’il y a un incendie, ne le laissez pas brûler votre coeur. Que cela touche uniquement la maison, extérieure à vous. Permettez à votre esprit de se libérer de tous ses attachements. Le temps est venu.

Vous avez vécu longtemps. Vos yeux ont vu toutes sortes de formes et de couleurs, vos oreilles ont entendu tant de sons, vous avez vécu d’innombrables expériences. Mais voilà, c’est tout ce qu’elles étaient, de simples expériences. Vous avez mangé des choses délicieuses et tous ces goûts n’étaient que de bons goûts, rien de plus. Les goûts désagréables n’étaient que des goûts désagréables. Si l’oeil voit une belle forme, ce n’est rien d’autre qu’une belle forme. Une forme laide n’est qu’une forme laide. L’oreille peut percevoir un son féerique et mélodieux, mais ce n’est qu’un son, de même qu’un bruit grinçant et non harmonieux n’est rien que cela.

Le Bouddha a dit que, riche ou pauvre, jeune ou vieux, humain ou animal, aucun être en ce monde ne peut se maintenir longtemps dans un même état : tout doit subir un changement puis disparaître. C’est un fait de la vie contre lequel nul ne peut rien. Par contre, le Bouddha a dit que ce que l’on pouvait faire, c’est observer le fonctionnement du corps et de l’esprit afin de ne plus nous identifier à eux, de voir clairement qu’ils ne sont ni « moi » ni « miens ». Leur réalité n’est que provisoire. C’est comme cette maison : elle n’est vôtre que de nom, vous ne pourriez l’emporter nulle part avec vous. Il en est de même pour votre richesse, vos possessions et votre famille : ils ne vous appartiennent que de nom, ils ne sont pas vraiment à vous, ils appartiennent à la nature.

Cette vérité ne s’applique pas à vous seule, nous sommes tous dans la même situation, y compris le Bouddha et ses disciples éveillés. Ils ne différaient de nous qu’en une chose : ils acceptaient les choses telles qu’elles sont ; ils voyaient clairement qu’il n’y avait pas d’alternative.

Le Bouddha nous a donc enseigné à étudier et à observer de près ce corps, de la plante des pieds jusqu’au sommet de la tête et puis à nouveau de la tête aux pieds. Même si vous ne jetez qu’un bref regard à votre corps, qu’y voyez-vous ? Y a-t-il quoi que ce soit de fondamentalement propre en lui ? Pouvez-vous y trouver la moindre essence permanente ? Ce corps tout entier est en train de dégénérer lentement et le Bouddha nous a enseigné à voir qu’il ne nous appartient pas. Il est naturel que le corps soit ainsi, car tous les phénomènes conditionnés sont soumis au changement. Comment voudriez-vous qu’il en soit autrement ? En réalité, il n’y a rien de mal à cela. Ce n’est pas le corps qui vous fait souffrir, c’est votre façon de penser erronée. Quand vous percevez mal ce qui est juste, vous êtes inévitablement dans la confusion.

C’est comme l’eau d’une rivière. Elle coule naturellement dans le sens du courant, jamais à contrecourant, c’est dans sa nature. Si quelqu’un allait se tenir au bord d’une rivière et, voyant l’eau suivre rapidement son cours, souhaitait soudain qu’elle se mette à couler à contre-courant, cette personne souffrirait. Quelles qu’aient été ses intentions, sa façon erronée de penser ne lui permettrait pas de trouver la paix de l’esprit. Elle serait malheureuse à cause de sa façon de voir les choses, de penser à contre-courant. Si elle percevait bien les choses, elle verrait que l’eau doit inévitablement couler dans le sens du courant ; mais tant qu’elle n’aura pas réalisé et accepté cela, elle sera agitée et perturbée.

Or votre corps est comme cette rivière qui doit couler dans le sens du courant. Après avoir été jeune, il a vieilli et il s’achemine à présent vers la mort. N’allez pas souhaiter qu’il en soit autrement. Vous n’avez aucun pouvoir d’y remédier. Le Bouddha nous a dit de voir les choses telles qu’elles sont puis de cesser de nous y accrocher.

Trouvez refuge dans ce lâcher-prise. Continuez à méditer même si vous vous sentez fatiguée et épuisée. Que votre esprit reste attentif à la respiration. Prenez quelques inspirations profondes et puis posez votre esprit sur la respiration en utilisant le mantra « Bouddho ». Prenez l’habitude de pratiquer ainsi. Plus vous serez fatiguée, plus votre concentration devra être subtile et stable afin que vous puissiez supporter les sensations douloureuses qui apparaîtront. Quand vous commencerez à vous sentir fatiguée, arrêtez immédiatement toutes vos pensées ; laissez votre esprit se rassembler puis prenez conscience de votre respiration. Continuez simplement à réciter intérieurement « Bouddho, Boud-dho ». Abandonnez tout ce qui vient du dehors. Ne vous attachez pas à des pensées concernant vos enfants et vos parents, ne vous attachez absolument à rien. Laisser-aller. Que l’esprit se centre sur un point unique et que cet esprit unifié soit attentif à la respiration. Que la respiration soit le seul objet de sa conscience. Concentrez-vous jusqu’à ce que votre esprit devienne de plus en plus subtil, jusqu’à ce que les sensations deviennent insignifiantes et qu’une grande clarté et un éveil intérieurs vous habitent. À partir de là, quand des sensations douloureuses apparaîtront, elles disparaîtront progressivement d’elles-mêmes.

Peu à peu vous en viendrez à considérer la respiration comme un parent venu vous rendre visite. Quand un parent part, nous le suivons et le raccompagnons au-dehors pour lui dire au revoir. Nous le suivons des yeux jusqu’à ce qu’il disparaisse de notre champ de vision et puis nous rentrons chez nous. Nous observons le souffle de la même façon. S’il est lourd, nous sommes conscients de cette lourdeur ; s’il est léger, nous sommes conscients de cette légèreté. Il va s’affiner de plus en plus et nous continuerons à le suivre tout en éveillant simultanément l’esprit. Finalement, à un certain point, la respiration peut sembler disparaître complètement et la seule chose qui demeure alors, c’est la sensation d’éveil. C’est ce que l’on appelle « rencontrer le Bouddha ». Nous avons cette clarté d’éveil appelée « Bouddho », Celui qui sait, Celui qui est éveillé, le Radieux. C’est rencontrer et demeurer avec le Bouddha, dans la connaissance et la clarté. Car c’est seulement le Bouddha historique, de chair et de sang, qui est entré dans le Parinibb !na3. Quant au vrai Bouddha, celui qui est connaissance claire et radieuse, nous pouvons toujours le ressentir, entrer en contact avec lui et, quand nous y parvenons, le coeur est unifié.

Ainsi donc, lâchez tout. Déposez tout ce que vous êtes et tout ce que vous avez, sauf la connaissance. Ne vous laissez pas abuser par les visions ou les sons qui peuvent surgir dans votre esprit pendant la méditation. Laissez-les tous aller. Ne vous accrochez absolument à rien. Restez simplement avec cette conscience non duelle. Ne vous préoccupez ni du passé ni de l’avenir, contentez-vous de rester tranquille, et vous atteindrez ce lieu où l’on ne peut ni avancer, ni reculer, ni s’arrêter, où il n’y a rien à saisir et rien à quoi se raccrocher. Pourquoi ? Parce qu’il n’y a pas de soi, pas de « moi » ni de « mien ». Tout s’en est allé. Le Bouddha nous a appris à nous vider ainsi de tout, à ne rien transporter avec nous. Connaître pour pouvoir abandonner.

Réaliser le Dhamma, le sentier qui mène à la libération de la ronde des naissances et des morts, est un travail que nous devons tous accomplir seuls. C’est pourquoi vous devez continuer à essayer de lâcher prise et de comprendre les enseignements. Engagez-vous vraiment dans cette contemplation. Ne vous préoccupez pas de vos proches. Pour le moment, ils sont comme ils sont et, plus tard, ils seront comme vous aujourd’hui. Personne au monde ne peut échapper à ce destin. Le Bouddha nous a dit d’abandonner tout ce qui est dépourvu de réalité et de permanence. Si vous abandonnez tout, vous verrez la vérité, sinon, vous ne la verrez pas. C’est ainsi et il en est de même pour chacun en ce monde. Alors, ne vous faites pas de soucis et ne vous accrochez à rien.

Même si vous constatez que vous êtes dans les pensées, ce n’est pas grave à condition que vous pensiez sagement. Ne pensez pas sottement. Si vous pensez à vos enfants, pensez à eux avec sagesse. Quelle que soit la chose vers laquelle votre esprit se tourne, pensez-y et considérez-la avec sagesse, consciente de sa véritable nature. Si vous avez pris connaissance de quelque chose avec sagesse, vous pouvez l’abandonner sans souffrance. L’esprit est lumineux, joyeux, paisible et, se détournant des distractions, il est unifié. En cet instant précis, pour vous aider et vous soutenir, vous pouvez vous centrer sur votre respiration.

Voilà votre tâche, à vous et à personne d’autre. Laissez les autres faire leur travail. Vous avez vos propres devoirs et responsabilités, ne vous chargez pas de ceux de votre famille. Ne vous souciez de rien d’autre, lâchez tout. Ce lâcher-prise apaisera votre esprit. Votre seule responsabilité à l’heure actuelle est de concentrer votre esprit jusqu’à ce qu’il trouve la paix. Laissez tout le reste aux autres. Les formes, les sons, les odeurs, les goûts, laissez les autres s’en charger. Mettez tout cela derrière vous et accomplissez votre tâche, remplissez vos propres obligations. Quoi qu’il puisse surgir dans votre esprit, que ce soit la peur de la douleur, la peur de la mort, l’inquiétude pour les autres ou quoi que ce soit, répondez simplement : « Ne me dérangez pas. Cela ne me concerne plus. » Continuez simplement à vous dire ceci, à chaque fois que vous verrez surgir ces dhamma.

À quoi ce mot « dhamma » se réfère-t-il ? Tout est dhamma. Il n’y a rien que ne soit dhamma. Et le mot « monde » ? Le monde est précisément l’état mental qui vous agite en ce moment. « Que va faire celui-ci ? Que deviendra celui-là ? Qui s’occupera d’eux après ma mort ? Comment s’en sortiront-ils ? » Tout cela est « le monde ». La moindre pensée de peur de la mort ou de la souffrance est le monde.

Rejetez le monde ! Le monde est comme il est. Si vous lui permettez de surgir dans votre esprit et de dominer votre conscience, votre esprit s’obscurcit et ne peut plus se percevoir. C’est pourquoi, à tout ce qui apparaît dans votre esprit, répondez simplement : « Ceci ne me concerne pas. C’est impermanent, insatisfaisant et sans existence propre. »

Si vous vous laissez aller à penser que vous aimeriez vivre plus longtemps, vous souffrirez. Mais penser que vous aimeriez mourir tout de suite ou très rapidement n’est pas juste non plus — n’est-ce pas toujours une souffrance ? Les éléments conditionnés ne nous appartiennent pas. Ils suivent leurs propres lois naturelles. Vous ne pouvez rien à l’état de votre corps. Vous pouvez l’embellir un peu, le rendre momentanément propre et agréable à regarder — comme les jeunes filles qui se peignent les lèvres et se laissent pousser les ongles — mais, quand l’âge arrive, nous sommes tous dans le même bateau. Le corps est ainsi fait et vous n’y pouvez rien. Par contre, ce que vous pouvez améliorer et embellir, c’est votre esprit.

N’importe qui peut bâtir une maison en bois et en briques, mais le Bouddha nous a enseigné que cette sorte de maison n’est pas notre véritable demeure, elle ne nous appartient que de nom. C’est une maison du monde et elle suit les règles du monde. Notre véritable demeure, c’est la paix intérieure. Une maison matérielle extérieure peut très bien être belle, mais elle n’est pas très paisible. Il y a toujours ce souci qui apparaît et puis celui-là, cette angoisse et puis celle-là. C’est pourquoi nous disons que ce n’est pas notre véritable demeure. Elle est extérieure à nous et, tôt ou tard, nous devrons nous en séparer. Nous ne pouvons y vivre de façon permanente parce qu’elle ne nous appartient pas vraiment, elle fait partie du monde.

Il en va de même pour notre corps : nous faisons comme s’il était nous — « c’est moi », « c’est le mien » — mais en fait, ce n’est pas du tout le cas, il n’est qu’une autre maison du monde. Votre corps a suivi son cours naturel depuis la naissance jusqu’à maintenant, il est vieux et malade et vous ne pouvez empêcher cela, c’est ainsi. Vouloir qu’il en soit autrement serait aussi insensé que vouloir qu’un canard ressemble à une poule. Quand vous constatez que c’est impossible — qu’un canard doit être un canard, qu’une poule doit être une poule et que le corps doit vieillir et mourir — vous trouvez force et énergie. Vous pouvez toujours désirer que votre corps reste jeune et dure éternellement, cela n’arrivera pas.

Le Bouddha a dit :

Anicca vata sankhara
Uppada vayadhammino
Upajjhitva nirujjhanti
Tesam vupasamo sukho4

Le mot « sansara » se réfère au corps et à l’esprit. Les sa !kh !r ! sont impermanents et instables. Étant nés, ils disparaissent ; étant apparus, ils meurent et pourtant nous voudrions qu’ils soient permanents. C’est insensé. Regardez le souffle : une fois entré en nous, il ressort ; c’est dans sa nature, c’est ainsi que cela doit être. L’inspiration doit alterner avec l’expiration, il faut qu’il y ait changement. Les sa !kh !r ! existent par le changement, vous n’y pouvez rien. Réfléchissez un peu : pourriez-vous expirer sans inspirer ? Pensez-vous que ce serait confortable ? Ou bien pourriez-vous vous contenter d’inspirer ? Nous voulons que les choses soient permanentes, mais elles ne peuvent pas l’être, c’est impossible. Une fois que le souffle est entré, il doit ressortir, quand il est sorti, il entre à nouveau. N’est-ce pas naturel ? Étant nés, nous vieillissons, nous tombons malades et puis nous mourons et cela est absolument naturel et normal. C’est parce que les sa !kh !r ! ont fait leur travail, parce que les inspirations ont alterné avec les expirations, que la race humaine est encore là aujourd’hui.

Dès que nous naissons, nous sommes potentiellement morts. Naissance et mort ne sont qu’une seule et même chose. C’est comme un arbre : quand il y a des racines, il doit y avoir des branches et quand il y a des branches, il doit y avoir des racines. Les unes ne peuvent exister sans les autres. C’est plutôt drôle de voir comment, à l’occasion d’un décès, les gens sont accablés, fous de douleur, en larmes et tristes, alors qu’à l’occasion d’une naissance ils sont heureux et se réjouissent. C’est une illusion ; personne n’a jamais considéré cela clairement. Je pense que, si vous voulez vraiment pleurer, il vaudrait mieux le faire quand quelqu’un naît, parce qu’en réalité la naissance est mort, tout comme la mort est naissance, la racine est la branche et la branche est la racine. S’il vous faut pleurer, pleurez à la racine, pleurez à la naissance. Examinez les choses de près : s’il n’y avait pas de naissance, il n’y aurait pas de mort. Est-ce si difficile à comprendre ?

Ne pensez pas trop. Dites-vous simplement : « C’est ainsi et c’est tout. » Voilà votre tâche aujourd’hui, votre devoir. En cet instant, personne ne peut vous aider, il n’y a rien que votre famille ou vos trésors puissent faire pour vous. Tout ce qui peut vous aider maintenant, c’est l’attention juste. Alors, n’hésitez pas. Lâchez prise. Abandonnez tout.

De fait, même si vous n’abandonnez pas, tout commence à s’éloigner. Voyez-vous comment les différentes parties de votre corps vous lâchent peu à peu ? Vos cheveux, par exemple : quand vous étiez jeune, ils étaient noirs et épais ; maintenant, ils tombent. Ils s’en vont. Vos yeux étaient forts et perçants, maintenant ils sont faibles et votre vue n’est pas claire. Quand les organes en ont assez, ils nous quittent, ils n’étaient pas ici chez eux. Quand vous étiez enfant, vos dents étaient saines et solides ; maintenant elles tiennent à peine, ou peut-être avez-vous des fausses dents. Vos yeux, vos oreilles, votre nez, votre langue — tout est en train de vous lâcher parce que votre corps n’est pas leur maison. Vous ne pouvez bâtir une maison permanente dans un sa !kh !r ! ; vous pouvez y demeurer un certain temps, mais ensuite il vous faut la quitter. Comme un locataire qui surveillerait sa petite maison de ses yeux affaiblis : ses dents ne sont plus très bonnes, ses oreilles ne sont plus très fines, son corps n’est plus très sain, tout est en train de partir.

C’est pourquoi il est inutile de vous faire du souci : ceci n’est pas votre véritable demeure, mais plutôt un abri temporaire. Comme vous êtes venue dans ce monde, vous devez en étudier la nature. Tout ce qui existe se prépare à disparaître. Regardez votre corps. Y a-t-il aujourd’hui la moindre chose qui ait encore son apparence première ? Votre peau est-elle comme autrefois ? Quant à vos cheveux, ils sont différents aussi, n’est-ce pas ? Où tout cela s’en est-il allé ? C’est la nature, c’est ainsi que sont les choses. Quand leur heure est arrivée, les éléments suivent leur chemin. Ce monde n’offre aucune certitude. C’est une ronde sans fin de perturbations et de problèmes, de plaisirs et de chagrins. Il n’y a pas de paix.

Quand nous n’avons pas de véritable demeure, nous sommes comme un voyageur errant, suivant un moment ce chemin-ci puis celui-là, s’arrêtant un peu pour ensuite se remettre en route. Jusqu’à ce que nous retournions à notre véritable demeure, nous nous sentons mal à l’aise quoi que nous fassions, exactement comme celui qui a quitté son village pour partir en voyage : ce n’est qu’en rentrant chez lui qu’il pourra vraiment se détendre et retrouver ses aises.

On ne peut trouver de paix réelle nulle part au monde. Les pauvres n’ont pas de paix et les riches pas davantage. Les adultes n’ont pas de paix, les enfants n’ont pas de paix, les gens peu instruits n’ont pas de paix et les plus éduqués non plus. Il n’y a de paix nulle part. C’est dans la nature du monde.

Ceux qui ont peu de biens souffrent, de même que ceux qui en ont beaucoup. Les enfants, les adultes, les personnes âgées, tout le monde souffre. La souffrance d’être vieux, la souffrance d’être jeune, la souffrance d’être riche et la souffrance d’être pauvre — tout n’est que souffrance.

Quand vous aurez considéré les choses de cette façon, vous verrez anicca, l’impermanence et dukkha, l’insatisfaction. Pourquoi les choses sont-elles impermanentes et insatisfaisantes ? Parce qu’elles sont an !tta, sans existence propre.

Votre corps qui repose ici, malade et souffrant, de même que votre esprit qui est conscient de cette maladie et de cette douleur, sont tous deux appelés dhamma. Ce qui est sans forme — les pensées, les sentiments et les perceptions — est appelé n !madhamma. Ce qui est tourmenté par les maux et les douleurs est appelé r#padhamma. Le matériel est dhamma et le non-matériel est dhamma. Ainsi, nous vivons avec le dhamma, dans le dhamma, nous sommes dhamma. En vérité, on ne peut trouver de soi nulle part, il n’y a que le dhamma qui ne cesse d’apparaître et de disparaître, car telle est sa nature. À chaque instant, nous passons par la naissance et par la mort. C’est dans la nature des choses.

Quand nous pensons au Bouddha, à la vérité contenue dans ses enseignements, nous sentons combien il est digne de nos prosternations, de notre révérence et de notre respect. À chaque fois que nous voyons la vérité de quelque chose, nous voyons ses enseignements, même si nous n’avons jamais vraiment pratiqué le Dhamma. Pourtant, même si nous avons connaissance de ses enseignements, si nous les avons étudiés et pratiqués, mais sans en avoir encore perçu la vérité, sommes toujours errants, loin de notre véritable demeure.

Je vous demande à présent de bien comprendre ceci : tout le monde, toutes les créatures sont sur le point de partir. Quand les êtres ont vécu leur temps, ils s’en vont. Les riches, les pauvres, les jeunes, les vieux, tous les êtres doivent passer par ces changements.

Quand vous prendrez conscience que le monde est ainsi, vous vous direz que c’est un endroit sans intérêt. Quand vous verrez qu’il n’y a là rien de stable ni de substantiel sur quoi vous appuyer, vous vous sentirez lasse et désenchantée.

Être désenchantée ne signifie pas que vous soyez en conflit. Votre esprit est clair. Il voit qu’il n’y a rien à faire pour remédier à cet état de choses, c’est ainsi que le monde est fait. Sachant cela, vous pouvez abandonner tous vos attachements, les abandonner, l’esprit ni heureux ni triste, mais en paix avec les sa !kh !r !, ayant perçu avec sagesse leur nature changeante.

Anicca vata sa !kh !r ! — tous les sa !kh !r ! sont impermanents. Disons simplement que l’impermanence est le Bouddha. Si nous voyons très clairement un phénomène impermanent, nous verrons qu’il est permanent — permanent dans le sens qu’il est invariablement soumis au changement. Telle est la permanence que possèdent les êtres vivants. Il y a transformation continue de l’enfance, en passant par la jeunesse et jusqu’à la vieillesse, et c’est cette même impermanence, cette nature changeante qui est permanente et fixe. Si vous regardez les choses de cette façon, votre coeur trouvera la paix. Vous n’êtes pas la seule à devoir en passer par là, tout le monde y passe.

Quand vous considérerez les choses ainsi, vous les trouverez lassantes et le désenchantement apparaîtra. Votre attirance pour le monde et ses plaisirs des sens disparaîtra. Vous constaterez que si vous possédez beaucoup de choses, vous devrez en laisser beaucoup derrière vous, et que si vous en possédez peu, vous en laisserez peu. La richesse n’est que la richesse, une longue vie n’est qu’une longue vie. Il n’y a là rien de spécial.

Ce qui est important, c’est que nous suivions les enseignements du Bouddha et que nous construisions notre propre demeure, selon la méthode que je vous ai expliquée. Construisez votre véritable demeure. Lâchez prise. Lâchez prise jusqu’à ce que l’esprit atteigne la paix, cette paix qui est ni d’avancer, ni de reculer, ni de s’arrêter. Le plaisir n’est pas notre demeure, le chagrin n’est pas notre demeure. Plaisir et chagrin déclinent tous deux puis disparaissent.

Le Grand Maître a vu que tous les sa !kh !r ! étaient impermanents, c’est pourquoi il nous a enseigné de ne pas nous y attacher. Quand nous atteindrons la fin de notre vie, nous n’aurons pas le choix de toute façon ; nous ne pourrons rien emporter avec nous. Ne serait-il donc pas préférable de déposer tout cela avant ? C’est un lourd fardeau que nous transportons avec nous. Pourquoi ne pas nous débarrasser de ce poids dès à présent ? Pourquoi nous freiner en le traînant partout ? Lâchez, détendez-vous et laissez votre famille prendre soin de vous.

Ceux qui soignent les malades gagnent en bonté et en vertu. Quant au malade, qui donne à ses soignants cette occasion de croissance, il ne devrait pas leur rendre les choses difficiles. Si vous souffrez ou que vous avez un problème ou un autre, dites-le leur et gardez l’esprit sain. De son côté, celui qui soigne ses parents doit emplir son esprit de chaleur et de bonté, ne pas se laisser piéger par l’aversion. C’est une occasion unique qui lui est donnée de pouvoir s’acquitter de la dette qu’il a contractée envers eux. Depuis la naissance et tout au long de notre enfance, nous avons été dépendants de nos parents. Si nous sommes ici aujourd’hui, c’est parce que nos mères et nos pères nous ont aidés d’innombrables manières. Nous avons envers eux une énorme dette de gratitude.

Ainsi, aujourd’hui, vous tous enfants et parents ici rassemblés, voyez comment vos parents deviennent vos enfants. Avant, vous étiez leurs enfants, maintenant ce sont les vôtres. Ils vieillissent sans cesse jusqu’à redevenir des enfants. Leur mémoire s’en va, leurs yeux ne voient plus très bien et leurs oreilles n’entendent pas ; parfois on ne comprend pas ce qu’ils marmonnent. Que cela ne vous trouble pas. Vous tous, qui soignez les malades, vous devez apprendre à lâcher prise. Ne vous accrochez pas aux choses, détendez-vous et laissez les anciens faire à leur tête. Quand un jeune enfant est désobéissant, les parents le laissent parfois faire à sa guise, simplement pour avoir la paix, pour qu’il soit content. Aujourd’hui vos parents sont comme cet enfant. Leurs souvenirs et leurs perceptions sont confus. Il leur arrive de mélanger les noms ou bien de vous apporter une assiette quand vous leur demandez une tasse. C’est normal, ne vous laissez pas troubler pour autant.

Que le malade apprécie la gentillesse de ceux qui le soignent et endure patiemment les sensations douloureuses. Mentalement, faites de gros efforts ; ne laissez pas l’esprit se disperser et s’agiter, et ne menez pas la vie dure à ceux qui prennent soin de vous. Que ceux qui soignent le malade emplissent leur esprit de bonté et de gentillesse. Ne rejetez pas le côté déplaisant de la tâche, comme nettoyer la salive et autres mucosités, l’urine et les excréments. Faites de votre mieux. Que chacun dans la famille y participe.

Ce sont les seuls parents que vous ayez. Ils vous ont donné la vie, ils ont été vos maîtres, vos infirmiers et vos médecins, ils ont tout été pour vous. Qu’ils vous aient élevé, éduqué, fait partager leurs richesses et fait de vous leurs héritiers est la grande générosité des parents. C’est pourquoi le Bouddha nous a enseigné les vertus de kataññ# et katavedi qui consistent à être conscients de notre dette de gratitude envers nos parents et essayer de les payer de retour. Ces deux dhamma sont complémentaires. Si nos parents sont dans le besoin, s’ils sont malades ou en difficulté, nous devons faire de notre mieux pour les aider. C’est kataññ#-katavedi, une vertu qui soutient le monde. Elle empêche les familles de se séparer, elle les rend stables et harmonieuses.

Aujourd’hui vous êtes malade et je vous ai apporté le Dhamma en guise de cadeau. Je n’ai pas de biens matériels à vous offrir — il semble y en avoir déjà beaucoup dans cette maison — c’est pourquoi je vous offre le Dhamma dont la valeur est durable et inépuisable. L’ayant reçu de moi, vous pourrez le transmettre à tous ceux que vous voudrez sans qu’il ne perde jamais de sa force. Telle est la nature de la vérité. Je suis heureux d’avoir pu vous faire ce présent du Dhamma et j’espère qu’il vous donnera la force de faire face à votre douleur.

3 Parinibb !na : libération ultime qui se produit au moment de la mort du corps physique d’un être éveillé. 4 « Tous les objets conditionnés sont impermanents Il est dans leur nature d’apparaître puis de disparaître Étant apparus, ils disparaîtront Apaisement, cessation — véritable bonheur »


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Longchen



Inscrit le: 14 Jan 2011
Messages: 92

MessagePosté le: Lun 09 Mai, 2011 8:08    Sujet du message: Répondre en citant

merci pour ce texte.

J’utilise le mantra Bouddho dont il est question à un moment de cet enseignement ; en fait c’est juste un biais pour maintenir son attention, pas un mantra dans le sens où le Vajrayana définit un mantra.
Pour le Vajrayana le mantra d’une divinité de méditation est sa forme sonore et contient tout le pouvoir de la divinité en question ; je le précise car là c’est très différent même si le terme mantra est employé.

Je préfère Bou...ddho
à j’inspire...j’expire,
Car aussi c’est un rappel des qualités du Bouddha à travers son nom.

Ci-après un lien vers un thread consacré à Bouddho et que j’avais lu avec intérêt ; peut-être cela intéressera d’autres personnes (je pense que des membres doivent utiliser le forum seulement en lecture sans avoir nécessairement envie de participer, dommage mais c’est un choix aussi)
http://forumetta.free.fr/viewtopic.php?p=2847#2847

Avec metta
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fifi



Inscrit le: 18 Mai 2010
Messages: 173

MessagePosté le: Lun 09 Mai, 2011 21:15    Sujet du message: Répondre en citant

Merci Longchen

J'ai du temps en ce moment, ça tombe bien. Je ne connaissais pas le mantra budho. Je n'avais même pas osé demander, je trouve que je pose déjà assez de questions Embarassed Tu es arrivé au bon moment ce matin et ça a soulevé d'autres questions en moi. J'ai essayé de trouver un texte qui me parle bien. J'ai bien trouver celui-ci :
Citation:

La Clarté de la Vision Pénétrante

Ajahn Chah

Traduit par Jeanne Schut


Extraits d’un entretien avec des méditants laïcs à Bangkok en avril 1979.


Méditez en récitant « Bouddho, Bouddho … », jusqu’à ce que le sens de ce mot pénètre le cœur de votre conscience (citta). Le mot « Bouddho » représente l’attention et la sagesse du Bouddha. Dans votre pratique, vous devez vous appuyer sur ce mot plus que sur tout autre chose. L’attention ainsi éveillée vous conduira à la compréhension de la nature de votre esprit. C’est là un véritable refuge. En d’autres termes, la répétition de ce mot éveille aussi bien l’attention que la vision pénétrante.

Les animaux sauvages sont capables d’une certaine forme d’attention. Ils sont attentifs quand ils guettent leur proie et se préparent à attaquer. Le prédateur lui-même a besoin d’une vigilance sans faille pour maintenir entre ses griffes la proie qu’il a capturée et qui se débat pour échapper à la mort. Il s’agit là d’une certaine forme d’attention mais il en existe différentes formes que vous devez être capable de distinguer.

Le Bouddha nous a appris à méditer en utilisant le mot « Bouddho » pour y concentrer notre esprit. Quand vous concentrez consciemment votre esprit sur un objet, cette attention le maintient éveillé. Une fois qu’une certaine prise de conscience a émergé par le biais de la méditation, vous pouvez contempler clairement votre esprit. Mais tant qu’il reste privé de la conscience de « Bouddho », même si l’attention ordinaire est présente, il est comme endormi et privé de vision pénétrante. Il ne vous conduira nulle part. Sati, la vigilance, dépend de la présence de Bouddho, la connaissance. Cette connaissance doit être limpide et apporter de plus en plus de clarté et de luminosité à l’esprit. On peut comparer cette illumination de l’esprit qu’apporte la connaissance claire à l’illumination progressive d’une pièce sombre. Tant que la pièce est plongée dans l’obscurité, les objets qu’elle contient sont, soit difficiles à distinguer, soit complètement invisibles du fait de l’absence de lumière. Mais quand on commence à éclairer la pièce, la lumière pénètre et permet de voir de plus en plus clair, d’instant en instant, et donc de distinguer de mieux en mieux les détails de tous les objets qui l’habitent. Quand vous avez la conscience de « Bouddho », l’esprit est plus sage, il a un niveau de conscience plus raffiné que d’ordinaire. Cette conscience vous permet de voir les conditions de l’esprit ainsi que l’esprit lui-même ; vous êtes en mesure de percevoir l’état de votre esprit au cœur même de tous les phénomènes. C’est ainsi qu’il vous est tout naturellement possible d’employer des moyens habiles pour travailler sur votre esprit. Si vous êtes piégé par le doute ou tout autre obstacle, considérez-le simplement comme un phénomène mental qui s’élève dans l’esprit et qui doit être observé puis résolu par l’esprit.

La tâche ultime de l’esprit est d’appliquer tous ses efforts à vaincre les réactions engendrées par toutes les stimulations sensorielles ou mentales qui se présentent à nous. Il doit s’attaquer à chacun des objets qui entre en contact avec lui. Tous les sens et leurs objets convergent vers l’esprit. En concentrant toute son attention sur l’esprit et seulement l’esprit, on arrive à comprendre et à percevoir clairement comment fonctionnent les yeux, les oreilles, le nez, la langue, le corps, ainsi que l’esprit et toutes ses productions. L’esprit est déjà là, l’important est donc d’être bien centré en lui et prêt à tout observer. Plus votre observation de l’esprit sera profonde, plus la connaissance qui en émergera sera claire et pénétrante.

J’insiste sur ce point parce qu’il est crucial pour votre pratique que vous le compreniez bien. En temps normal, lorsque vous recevez un message de vos sens et entrez en contact avec différents objets, l’esprit non éclairé est tout prêt à réagir en termes d’attirance ou d’aversion. Il va être pris au piège de la bonne ou de la mauvaise humeur selon le type de stimulation qu’il aura reçu.

C’est à ce moment-là qu’il faut examiner le fonctionnement de l’esprit avec une attention ferme et inébranlable. Quand il entre en contact avec différents objets des sens, il ne doit pas se perdre dans la prolifération mentale, il ne doit pas se laisser piéger par un train de pensées erronées. Telle est la pratique de vipassana : elle s’appuie sur la sagesse de la vision pénétrante pour observer tous les objets des sens. La méditation vipassana développe la sagesse.

L’utilisation des différents objets de la méditation samatha — que ce soit la récitation d’un mot comme Bouddho, Dhammo, Sangho ou l’attention au souffle — a pour effet d’apporter à l’esprit le calme et la stabilité du samadhi. Dans la méditation samatha vous concentrez votre attention sur un seul objet et vous oubliez momentanément tout le reste. Dans un certain sens, la méditation vipassana est assez semblable dans la mesure où vous répétez « N’y crois pas » à chaque stimulation sensorielle. Dans la pratique de vipassana, vous ne permettez à aucun objet des sens de vous tromper sur sa nature réelle. Vous êtes conscient de chaque objet, dès l’instant où il entre en contact avec votre esprit — que ce contact se fasse par l’intermédiaire des yeux, des oreilles, du nez, de la langue, du corps ou du mental — et vous utilisez la formule « N’y crois pas », un peu comme un objet de méditation verbal que l’on répète encore et encore. C’est ainsi que chaque objet devient source de connaissance. Vous utilisez l’esprit fermement établi en samadhi pour observer la nature impermanente de toute chose. A chaque stimulation sensorielle vous répondez par une formule : « Ceci n’est pas réel » ou bien : « Cela est impermanent ». Si vous vous laissez piéger par l’illusion et que vous croyez en la réalité de l’objet dont vous faites l’expérience, vous souffrez parce que tous ces dhamma (phénomènes) n’ont aucune existence propre (anatta). Si vous vous attachez à un objet qui n’a pas d’existence propre et lui conférez une telle existence, il deviendra automatiquement une occasion de souffrance et de détresse et cela parce que vous vous serez attaché à des perceptions erronées.

* * *

Lorsque vous utilisez la méditation de la vision pénétrante pour observer les trois caractéristiques et pénétrer la véritable nature des phénomènes, il n’y a rien à faire de spécial. Inutile de pousser les choses à l’extrême. Ne vous rendez pas la tâche difficile. Concentrez directement votre attention sur vos perceptions, comme si vous accueilliez des invités dans une salle de réception où il n’y aurait qu’un seul siège, celui où vous êtes assis. Ainsi, les invités qui s’avancent vers vous ne peuvent pas s’asseoir, ils sont obligés de se présenter directement à vous et vous pouvez les identifier immédiatement. Même si deux ou trois visiteurs se présentent en même temps, vous ne pouvez pas les manquer et vous les reconnaissez immédiatement. De plus, comme ils n’ont nulle part où s’asseoir, ils ne s’attardent pas longtemps. Vous pouvez observer tous les visiteurs à votre aise parce qu’ils n’ont pas la possibilité de s’installer.

Vous concentrez votre attention sur les trois caractéristiques que sont l’impermanence, la souffrance et le non-soi et vous maintenez une attention sans faille à cette contemplation. Ainsi la vision de la nature impermanente, insatisfaisante et inexistante de tous les phénomènes deviendra toujours plus claire et plus vaste. Votre compréhension en sera plus profonde. Cette clarté de perception engendrera un sentiment de paix qui pénètrera votre cœur plus profondément que tout ce que vous pourriez expérimenter dans la pratique de samatha — la méditation de la tranquillité. C’est la clarté et la complétude de cette vision pénétrante de la nature réelle de toutes choses qui a une action purifiante sur l’esprit. La sagesse qui naît de cette vision profonde, aussi limpide que le cristal, est un agent de purification. Au fil du temps, d’investigations et de contemplations nombreuses et répétées de la vérité, votre façon de considérer les choses va changer et ce que vous perceviez autrefois comme attirant perdra peu à peu de son pouvoir tandis que sa nature véritable vous apparaîtra.

On observe les phénomènes pour voir s’ils sont vraiment permanents ou de nature éphémère. Au début on récite simplement l’enseignement selon lequel toutes les conditions sont impermanentes mais, au bout d’un moment, on le vérifie par soi-même, à partir de sa propre expérience. La vérité se tient à notre portée, précisément à cet instant d’observation. C’est cela le siège sur lequel vous accueillez vos visiteurs. Nulle part ailleurs pourrez-vous trouver un meilleur endroit pour développer la vision pénétrante. Il vous faut rester assis là, sur l’unique chaise du lieu. Quand les visiteurs y pénètrent, il vous est facile d’observer leur apparence et leur comportement puisqu’ils n’ont nulle part où s’installer ; ainsi pouvez-vous tout savoir d’eux. En d’autres termes, vous parvenez à une compréhension claire et lucide de la nature impermanente, insatisfaisante et non-personnelle de tous ces phénomènes, et cette vision est tellement saisissante et inébranlable qu’elle met un point final à tous les doutes que vous avez pu entretenir sur la véritable nature des choses. Vous avez la certitude absolue qu’il n’y a aucune autre façon de considérer les événements de la vie. Telle est la réalisation du Dhamma à son niveau le plus profond.

A ce stade, votre méditation consiste à maintenir cette connaissance et à la faire suivre d’un continuel lâcher-prise au fur et à mesure que vous contemplez les objets des sens par le biais des yeux, des oreilles, du nez, le la langue, du corps et de l’esprit. C’est tout ce qu’il vous reste à faire, inutile d’y ajouter quoi que ce soit.

* * *

Quand on commence à méditer, il semble que tout ce que l’on sache faire c’est douter et se poser des questions à tout propos. L’esprit ne cesse de s’agiter, de basculer de droite à gauche. On passe tout son temps dans des pensées qui ne cessent de proliférer. On remet absolument tout en question. Pourquoi ? A cause de l’impatience. Vous voulez connaître toutes les réponses tout de suite. Vous voulez obtenir une vision juste rapidement sans rien avoir à faire. Vous voudriez connaître la réalité des choses telles qu’elles sont mais ce désir est trop fort, plus fort même que la vision que vous espérez. C’est pourquoi la pratique doit avancer par étapes. Il faut y aller un pas après l’autre. Avant tout, il faut y investir un effort constant, de même que le soutien permanent de vos bonnes actions passées et le développement des dix perfections spirituelles ou parami*. Efforcez-vous toujours d’entraîner votre esprit. Cessez d’espérer des résultats rapides, c’est un piège. Vous n’en seriez que plus déçu et frustré si la vision pénétrante était longue à venir. De telles pensées ne vont aideront pas. Croyez-vous qu’il soit légitime de s’attendre à vivre, d’un seul coup, des expériences profondes et durables, libres de tout plaisir et de toute souffrance ? Ne vous inquiétez pas de ce que l’esprit vous renvoie. Au moment où vous êtes envahi par le plaisir ou la douleur engendrés par le contact entre l’esprit et les différents objets des sens, vous n’avez aucune idée du niveau atteint par votre pratique ; mais bientôt tous ces états d’âme perdront de leur pouvoir.

En fait, de tels obstacles peuvent s’avérer bénéfiques car ils sont un rappel à la vigilance. Vous apprenez à reconnaître dans votre esprit toutes les réactions engendrées par les objets des sens, les pensées et les perceptions. Vous savez quand elles vont entraîner l’esprit vers l’agitation et la souffrance et quand elles vont le laisser en paix. Certains méditants souhaitent uniquement observer les réactions de l’esprit au contact d’objets agréables ; ils ne veulent étudier que les humeurs plaisantes. Mais ce n’est pas comme cela qu’ils atteindront la vision pénétrante. Ils resteront limités. En vérité, il faut également savoir comment l’esprit réagit au contact d’expériences désagréables. En fin de compte, c’est comme cela que l’on doit s’entraîner.

Soyez vigilants et puis laissez les choses suivre naturellement leur cours. Alors votre esprit s’apaisera comme les eaux claires d’un étang de forêt. Toutes sortes d’animaux rares viendront s’y abreuver, vous verrez beaucoup de choses étranges et merveilleuses apparaître et disparaître, mais vous demeurerez dans la paix …


* Parami : Les dix perfections spirituelles comprennent : le don, la vertu, le renoncement, la sagesse, l’effort, la patience, l’honnêteté, la détermination, la bonté et l’équanimité.


http://www.dhammadelaforet.org/sommaire/ac/ac_clarte_vision_penetrante.html

Je vais l'imprimer et le lire tranquillement, peut-être qu'il vous parlera à vous aussi
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Les seules connaissances qui puissent influencer le comportement d'un individu sont celles qu'il découvre lui-même et qu'il s'approprie. (Carl R ROGERS)


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Adrien



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MessagePosté le: Lun 09 Mai, 2011 21:54    Sujet du message: Répondre en citant

Si ça t'intéresse, tu as ça aussi sur Buddho :

Citation:
BOUDDHO

L’apprentissage de la concentration

par le Vénérable Ajahn Tate



Traduction de Hervé Panchaud

Relecture et mise en page de Jeanne Schut





Si vous souhaitez étudier la méditation dans un groupe ou auprès d’un maître spécialisé dans une forme particulière de méditation, vous devez tout d’abord avoir une totale confiance en ce maître, être sûr qu’il est pleinement expérimenté dans cette forme de méditation et que la voie qu’il enseigne est juste. Lorsque, dans votre cœur, vous ressentez cette confiance pour un maître, vous pouvez vous rendre auprès de lui afin qu’il vous enseigne la forme de méditation qu’il maîtrise. Vous devez aussi faire montre de respect pour l’endroit qui vous accueille. Alors seulement pourrez-vous commencer à méditer.

Autrefois, les maîtres de méditation commençaient la pratique par une cérémonie de dédicace dont le but était d’éveiller l’inspiration et de renforcer la foi. Il s’agissait le plus souvent d’une offrande de cinq paires de bougies en cire d’abeille et de cinq paires de fleurs blanches symbolisant les cinq khanda. Le maître demandait ensuite au disciple d’évoquer les quarante thèmes de méditation enseignés par le Bouddha en les ressentant dans son corps et dans son esprit. Ce n’est qu’après cette cérémonie qu’il lui enseignait sa technique de méditation. Cette ancienne coutume a ses bons côtés. Il en existe beaucoup d’autres mais je ne vais pas les détailler ici. Je ne mentionnerai que l’une d’entre elles, très simple, un peu plus loin.

Si le maître que vous avez choisi pratique la répétition de « samma araham », il vous apprendra à répéter samma araham, samma araham, samma araham. Il vous dira ensuite de visualiser un disque clair et brillant situé six centimètres environ au-dessus de votre nombril et d’y concentrer votre attention tout en continuant la répétition, sans laisser votre esprit dévier de la visualisation du disque brillant. Autrement dit, vous devrez faire de ce disque le point de focalisation de votre esprit.

Si votre instructeur pratique la méditation où l’attention se concentre sur les mouvements de l’abdomen liés à la respiration, vous devrez méditer sur ce mouvement mais aussi porter votre attention sur tous les différents mouvements du corps. Par exemple, quand vous levez le pied, vous devez penser le mot « lever » ; quand vous posez le pied, vous pensez le mot « poser » ; et ainsi de suite. Ou bien le maître vous demandera de rester en permanence attentif aux phénomènes qui apparaissent et disparaissent dans chaque mouvement et dans chaque position du corps.

Si votre instructeur est un adepte des pouvoirs psychiques, il vous fera répéter un mantra et il vous demandera de fixer un unique objet jusqu’à ce que celui-ci vous amène à voir les sphères célestes et les sphères infernales, les déités de toutes sortes, au point d’être emporté par vos visions.

Si votre instructeur pratique la méditation basée sur la respiration, il vous demandera de fixer votre attention sur le va-et vient du souffle et de garder l’esprit fixé entièrement et uniquement sur ce va-et vient de la respiration.

Si votre instructeur pratique la méditation sur le mot « bouddho », il vous demandera de répéter « bouddho, bouddho, bouddho » et de maintenir l’esprit fermement centré sur cet objet de méditation jusqu’à ce que vous maîtrisiez parfaitement cette technique. Puis il vous demandera de contempler bouddho ainsi que ce qui dit « bouddho ». Quand vous aurez vu que ce sont deux choses distinctes, il faudra vous concentrer exclusivement sur « ce qui dit bouddho ». Quant au mot lui-même, il disparaîtra ; il ne restera plus que « ce » qui disait bouddho et, dès lors, c’est cela qui deviendra l’objet de méditation sur lequel vous vous concentrerez.

De nos jours, peut-être parce que nous vivons dans l’ère atomique, les gens sont pressés et se laissent attirer par toutes sortes de voies spirituelles pourvu qu’elles promettent des résultats rapides. Mais le bouddhisme nous apprend à observer en profondeur le cœur et l’esprit qui sont des phénomènes mentaux, ainsi que le corps qui, lui, est un phénomène physique, et insiste sur le fait que les phénomènes physiques doivent rester sous le contrôle des phénomènes mentaux. En pratiquant la méditation, nous entraînons notre esprit à trouver le calme et la paix. Avec un tel état d’esprit, nous ne pouvons faire de tort à personne. Si de plus en plus de gens se mettent à pratiquer de la sorte, la paix et le bonheur régneront dans le monde. Tant que l’esprit demeure parfaitement présent et vigilant, le corps demeure en paix mais, une seule minute d’inattention et le corps retourne à ses anciennes habitudes. Il faut donc entraîner l’esprit à rester vigilant — et je vous propose de le faire en répétant le mot « bouddho ».

Etape préliminaire à la pratique de la méditation

Avant de commencer la méditation sur le mot « bouddho », il est bon de commencer par une étape préliminaire qui a pour but de renforcer votre foi dans la pratique. Vous pouvez le faire en vous prosternant par trois fois et en récitant :
Araham samma-sambuddho bhagava, buddham bhagavantam abhivademi.
Le Bouddha est pleinement et parfaitement Eveillé par lui-même. Devant le Bouddha,
le pleinement et parfaitement Eveillé, je me prosterne (prosternation).

Svakkhato bhagavata dhammo, dhammam namassami.
Le Dhamma a bien été enseigné par le Bouddha.
Devant le Dhamma, je me prosterne (prosternation).

Supatipanno bhagavato savaka-sangho, sangham namami.
La Communauté des disciples du Bouddha est de bonne conduite.
Devant la Communauté, je me prosterne (prosternation).

Namo tassa bhagavato arahato samma-sambuddhassa (trois fois).
Hommage au Bouddha, le Bhagavat, l’Arahant, le pleinement et parfaitement Eveillé.

En disant ces mots, pensez aux vertus du Bouddha, maître insurpassé, libéré de toute souffrance car libéré des concepts erronés et de toutes les formes de pollutions mentales, toujours sage et en paix. Devant le Bouddha, prosternez-vous trois fois.

Cette récitation préliminaire n’est qu’un exemple. Rien n’empêche de réciter d’autres stances si vous le souhaitez mais, à moins que le lieu ne s’y prête pas, il est important que vous vous prosterniez en hommage au Bouddha à chaque fois que vous vous préparez à méditer.

Début de la méditation

Maintenant, asseyez-vous en position de méditation : le buste droit, le pied droit sur la cuisse gauche, les paumes des mains tournées vers le haut, la main droite sur la paume de la main gauche. Répétez silencieusement le mot « bouddho » en concentrant votre attention au milieu de la poitrine, au niveau du cœur. Ne laissez pas votre attention s’égarer dans le passé ou l’avenir. Soyez attentif à garder l’esprit fixé sur son objet unique, le mot « bouddho » et ainsi vous obtiendrez très vite un état de concentration.

Quand vous parvenez à la concentration, l’esprit peut se vider au point que vous perdiez toute notion du temps et qu’au moment de sortir de cet état de concentration, un long moment se soit écoulé. Pour cette raison, il n’est pas souhaitable de vous fixer une durée maximum quand vous vous asseyez pour une séance de méditation. Laissez les choses suivre leur cours.

Un esprit véritablement concentré est un esprit totalement focalisé sur un objet unique. Si l’esprit n’a pas atteint ce stade, c’est qu’il n’est pas encore parvenu à un véritable état de concentration car le véritable cœur est un cœur unifié. S’il y a de nombreux phénomènes mentaux qui défilent, vous n’avez pas encore atteint le cœur, vous en êtes encore au niveau de l’esprit.

Le Cœur et l’esprit

Toutes sortes d’idées, aussi bien sages qu’erronées, peuvent apparaître parce que l’esprit produit des pensées et se perd à vouloir les suivre. Vous serez capable de voir cela clairement lorsque l’esprit s’apaisera complètement et ne fera plus qu’un avec le cœur.

Le Bouddha a enseigné que l’esprit et le cœur étaient une seule et même chose. Sans le cœur l’esprit n’existerait pas. Simplement, l’esprit est un phénomène conditionné tandis que le cœur, lui, n’est conditionné par rien. Quand on pratique la méditation, quel que soit l’enseignant et quelle que soit la méthode enseignée, si celle-ci est correcte, elle saura atteindre le cœur. Voyez l’eau : par nature, elle est propre et limpide. Si on y ajoute un colorant, elle se teinte mais, une fois filtrée et distillée, elle retrouve sa limpidité. Il en va de même pour le cœur et l’esprit.

Quand vous pénétrez le cœur, vous pouvez voir tous les concepts erronés et toutes les pollutions qui habitent l’esprit car c’est là qu’ils sont rassemblés. A vous, ensuite, de voir ce que vous en ferez. Quand les médecins veulent soigner une maladie, ils commencent par en chercher la cause et puis ils la traitent avec le médicament approprié.

Concentration et patience

Au fur et à mesure que nous apprenons à méditer plus longuement, en répétant « bouddho, bouddho, bouddho », l’esprit se défait de ses distractions, de son agitation, pour s’unifier sur ce mot. Il pourra rester stable et concentré avec le mot « bouddho » pour seul objet jusqu’à ce que vous puissiez voir que, ce qui dit « bouddho », c’est l’esprit lui-même, et cela en toutes circonstances, que vous soyez assis en méditation, debout, en train de marcher ou allongé. Avec bouddho, quelle que soit votre activité, vous verrez que votre esprit sera limpide et lumineux. Une fois que vous avez atteint cet état, gardez l’esprit ainsi, aussi longtemps que vous le pouvez. Ne soyez pas impatient de voir ceci ou cela, car le désir est le plus sérieux obstacle au maintien de la concentration de l’esprit. Dès que le désir va apparaître, votre concentration va immédiatement se dégrader parce que la base sur laquelle elle repose – bouddho – n’aura pas été assez solide. Lorsque cela se produira, vous n’aurez rien à quoi vous retenir et vous en serez très perturbé. Vous ne penserez plus qu’à cet état de concentration qui vous apportait paix et bonheur, et cette pensée agitera encore plus votre esprit.

Il faut pratiquer la méditation comme le fermier fait pousser son riz : sans aucune hâte. Il laboure, sème le grain, recouvre les semences à l’aide d’une herse et, plus tard, repique les jeunes pousses. Il procède étape par étape, sans en omettre aucune. Il sait être patient et attendre que les plants se développent. Même lorsque le riz n’est pas encore visible, il a l’absolue certitude qu’il va apparaître dans les jours prochains. Et, une fois que le riz émerge de l’eau de la rizière, il sait qu’il pourra récolter le fruit de ses efforts. Il n’a pas besoin de tirer sur les plants pour les faire pousser plus vite. Quiconque agirait ainsi n’obtiendrait aucun résultat.

Il en va de même pour la méditation. Vous ne devez pas être impatient et sauter des étapes. Vous devez établir en vous la confiance et vous dire : « Avec ce mot de méditation, je suis certain de pouvoir concentrer mon esprit. » Vous ne devez avoir aucun doute sur le fait que ce mot est celui qui vous convient, vous ne devez pas penser : « Telle personne utilise ce mot pour se concentrer et elle obtient tel résultat, mais quand je pratique de cette manière, mon esprit s’agite sans cesse. Ce mot ne me convient pas du tout. » De fait, si l’esprit est fermement établi sur le mot que vous répétez — et quel que soit ce mot — cela fonctionnera sûrement car la répétition d’un mot a simplement pour but de stabiliser et d’apaiser l’esprit. Quant aux autres résultats que l’on peut escompter, ils dépendent du potentiel et des capacités de chacun.

Au temps du Bouddha, il y avait un moine qui s’asseyait en méditation près d’un étang. Là, il observait un héron qui plongeait pour attraper des poissons et les manger. Il décida de prendre cette image pour objet de sa méditation et c’est ainsi qu’il atteint l’Eveil. Je n’ai jamais vu mentionné dans aucun manuel de méditation, qu’un héron mangeant des poissons pouvait servir d’objet de méditation ! Et pourtant, c’est ainsi que ce moine est parvenu à l’Eveil.

Cela prouve bien, comme je le disais, que ce n’est pas l’objet de méditation qui importe. Quand l’attention contrôle l’esprit et le maintient sur son objet — pour nous, ici, le mot « bouddho » — la résistance de l’esprit ne peut que décroître. Pour trouver la paix et le contentement de l’esprit que nous recherchons, il nous faut entraîner l’esprit et apprendre à le contenir.

Les distractions de l’esprit

Par habitude, l’esprit a tendance à rechercher les distractions, en particulier quand nous commençons à méditer. Dès que nous focalisons l’esprit sur notre objet de méditation, il s’échappe. Il va, par exemple, commencer à penser au travail à venir ou à celui qui n’a pas été achevé ou bien à craindre que le travail fait ne soit pas couronné de succès. Il peut aussi se dire que le travail à faire sera une perte de temps ou une source d’humiliation s’il n’est pas réalisé comme demandé, et ainsi de suite jusqu’à en être tout retourné.

Voilà l’une des distractions qui empêchent le nouveau méditant d’atteindre la concentration. Il faut alors faire revenir l’esprit à la répétition du mot « bouddho » et se dire : « De telles pensées ne mènent pas à la paix. Pour trouver la paix, je dois maintenir mon esprit sur ‘bouddho’ et rien d’autre », puis recommencer à répéter « bouddho, bouddho, bouddho… »

Au bout d’un moment, l’esprit va s’égarer à nouveau, cette fois, peut-être, en pensant à la famille – les enfants, l’épouse ou le mari : comment vont-ils ? Sont-ils en bonne santé ? Mangent-ils bien ? Si vous êtes loin de votre foyer, vous allez penser à ceux qui sont restés à la maison. Ou bien vous allez penser à ceux qui ont quitté la maison et vous vous poserez mille questions à leur sujet : sont-ils en sécurité ? Sont-ils seuls ou ont-ils des amis ?… L’esprit peut imaginer toutes sortes de scénarios et déformer ou exagérer la réalité.

Si vous êtes encore jeune et célibataire, vous allez peut-être penser au bon temps que vous avez passé avec vos amis : les endroits où vous vous retrouvez, les choses que vous avez l’habitude de faire, les bons moments partagés … au point que ces pensées vous feront parler ou rire tout haut !... Cette forme d’égarement est sans doute la pire de toutes.

Quand vous méditez sur bouddho, les souillures qui obscurcissent votre esprit sentent qu’elles perdent le contrôle. Elles essaient alors de vous aveugler encore davantage. Jamais, de toute votre vie, vous ne vous êtes appliqué à pratiquer la concentration. Vous avez toujours laissé votre esprit errer au gré de ses pollutions mentales. Mais maintenant que vous avez commencé à pratiquer, quand vous répétez « bouddho, bouddho, bouddho » afin de le stabiliser et de l’éclaircir, l’esprit s’agite et se tortille comme un poisson jeté sur la rive qui tente de regagner l’eau. Voilà pourquoi vous devez sans cesse le ramener à bouddho.

« Bouddho » est quelque chose de frais et de calme. C’est la voie qui mène à la paix et au contentement, le seul chemin qui nous libèrera de la souffrance et des angoisses de ce monde. Vous recentrez donc l’esprit sur bouddho. Cette fois, il s’immobilise un moment et vous commencez à voir que, lorsqu’il est immobile, votre esprit est reposé et détendu, tout autre que lorsqu’il est agité et perturbé. Vous décidez d’être attentif et vigilant pour maintenir votre esprit ainsi … et voilà qu’il s’échappe à nouveau !

Cette fois, il prend pour prétexte vos intérêts financiers : il s’imagine qu’en ne faisant pas ceci ou cela, vous allez manquer une rentrée d’argent substantielle. Vous laissez alors votre esprit s’attacher à cette pensée au lieu de le fixer sur son objet de concentration. Le mot « bouddho » a disparu et vous n’avez aucune idée de l’endroit où il a pu s’en aller. Quand vous finissez par vous apercevoir qu’il a disparu, il est déjà trop tard. Voilà pourquoi il est dit que l’esprit est agité, fuyant et difficile à contrôler, pareil à un singe qui ne reste jamais en place.

Parfois, après être resté un long moment assis en méditation, vous commencez à vous inquiéter, imaginant que le sang ne circule pas bien, que vos terminaisons nerveuses sont en train de se nécroser, que l’engourdissement vous gagne et que vous allez finir paralysé. Si vous méditez loin de chez vous ou dans une forêt, c’est pire encore : vous allez vous imaginer qu’un serpent va vous mordre, qu’un tigre va vous dévorer ou qu’un fantôme va venir vous hanter en faisant d’horribles grimaces. Votre peur de la mort peut venir vous chuchoter des histoires effrayantes mais la réalité n’est en rien comme vous l’imaginez : vous n’avez jamais, de toute votre vie, vu un tigre dévorer quelqu’un ni rencontré de fantômes, vous ne savez même pas à quoi ils pourraient ressembler mais vous vous en faites une représentation qui vous terrifie !

Les obstacles à la méditation cités là ne sont que des exemples. Il y en a bien davantage et ceux qui méditent ne manqueront de les trouver par eux-mêmes !

Si vous gardez bouddho dans votre cœur et que vous employez votre attention à garder l’esprit centré sur rien d’autre que bouddho, aucun péril ne viendra en travers de votre chemin. Alors, ayez une foi inébranlable en bouddho ! Je peux vous certifier que vous ne rencontrerez aucun danger à pratiquer ainsi – à moins qu’un mauvais karma passé ne vous rattrape, ce dont nul ne pourrait vous protéger. Le Bouddha lui-même ne pourrait pas vous protéger des conséquences d’un mauvais karma.

La foi, base de la concentration

Au début de la pratique, la foi est bien souvent fragile. Quel que soit l’objet de méditation choisi, toutes sortes de pollutions mentales vont interférer, tout simplement parce que ces pollutions sont à la base même de l’esprit et du monde. Dès l’instant où nous commençons à méditer et à fixer notre esprit sur un seul objet, elles nous envahissent de toutes parts pour nous empêcher d’échapper au monde.

Quand nous voyons combien ces pollutions sont puissantes et dangereuses, nous comprenons qu’il nous faut fortifier notre esprit et raffermir notre foi. Nous réalisons que nous nous sommes laissé duper par le monde au cours de nombreuses existences et qu’il est temps maintenant d’accueillir les enseignements du Bouddha et de faire de bouddho notre refuge. Alors, avec une attention inébranlable, nous focalisons notre esprit fermement sur bouddho, nous remettons notre vie en bouddho, sans permettre à l’esprit de dévier. Quand la détermination est aussi ferme, l’esprit atteint rapidement une concentration intense, une présence totale à ce qui est.

Quand vous méditez pour la première fois, vous ne vous dites pas que la concentration sera comme ceci ou comme cela, vous n’imaginez pas comment vous aimeriez qu’elle soit, vous n’avez aucun apriori sur ce que l’on peut ressentir quand l’esprit se focalise sur un objet unique. Vous vous préoccupez simplement de maintenir votre attention fermement fixée sur un seul objet. La concentration suit son propre cours, personne ne peut la contraindre, mais la puissance de l’esprit ainsi focalisé vous conduit tout naturellement à un état de concentration. A ce moment-là, vous avez la sensation d’être dans un autre monde : le monde de l’esprit. Vous ressentez une impression de bien-être et de liberté comparable à rien d’autre au monde. Plus tard, quand l’esprit sort de cet état de concentration, vous regrettez de voir disparaître cet état et vous vous en souvenez très précisément.

Oublier les expériences de concentration passées

Tout ce que nous pouvons dire au sujet de la concentration est formulé par l’esprit après qu’il soit sorti de sa concentration mais, tant que notre esprit est plongé dans cet état, nous ne nous soucions pas de ce que les autres peuvent en dire ou en faire. Vous devez entraîner votre esprit à entrer souvent dans cette forme de concentration, afin de vous y familiariser, mais vous ne devez pas essayer de vous souvenir de vos états de concentration précédents ni espérer retrouver un état de concentration que vous avez déjà connu car il ne se répètera pas à l’identique et vous ne ferez que compliquer les choses. Observez simplement « bouddho, bouddho, bouddho » et maintenez votre esprit sur cette répétition. Vous n’avez que cela à faire ; le reste ne dépend pas de vous.

Après une première expérience de concentration, il ne faut pas s’attendre à connaître un état similaire la fois suivante, mais n’en soyez pas dépité. Quoi qu’il se présente, ne vous inquiétez pas. Contentez-vous de vérifier que vous êtes bien centré. Quand les résultats se produiront, de différentes manières, ils viendront enrichir votre compréhension et vous permettront d’élaborer de nouvelles techniques pour maîtriser votre esprit.

De même, lorsque vous lisez ces instructions, ne leur donnez pas trop d’importance sinon elles vous ramèneraient au passé et deviendraient une obstruction à votre méditation. Qu’elles vous servent simplement de points de repère quand vous aurez commencé à progresser dans la méditation.

Quelle que soit la méthode que vous employez – bouddho, l’attention au souffle ou samma araham – lorsque l’esprit est sur le point de se poser en concentration, vous ne devez pas penser qu’il est en train de se poser, qu’il est posé, ou quoi que se soit d’autre. La concentration s’établira d’elle-même. Vous pourrez même ne pas savoir à quel moment vous avez cessé la répétition du mot de méditation. L’esprit connaîtra simplement un calme et une paix qui ne sont ni de ce monde ni d’un autre. Il n’y a rien ni personne, simplement cet état particulier de l’esprit que l’on appelle « le monde de l’esprit » et qui est au-delà des concepts. La réalité conventionnelle du monde n’apparaît pas, de sorte qu’aucune compréhension profonde à son propos ne sera révélée à ce stade.

Il s’agit simplement d’entraîner l’esprit à se concentrer et puis de le comparer à un état d’esprit non concentré, de façon à voir en quoi ils diffèrent : en quoi l’esprit qui a atteint la concentration et puis en sort pour contempler les questions du monde et du Dhamma diffère-t-il de l’esprit qui n’est pas passé par cet état de concentration ?

Comment le Cœur se révèle

Permettez-moi de parler encore un peu du cœur et de l’esprit. Nous parlons de l’entraînement de l’esprit à la concentration mais il est important que vous compreniez bien la relation qui existe entre le cœur et l’esprit pour savoir où et comment pratiquer la concentration.

Tous les êtres humains ont un cœur et un esprit, mais le cœur et l’esprit ont des fonctions différentes. L’esprit pense, s’évade et conçoit des idées de toutes sortes en fonction des conditionnements et des pollutions qui l’agitent. Le cœur est « ce qui sait », il ne pense pas, il est neutre, « au centre ». Une attention neutre : voilà ce qu’est le cœur.

Le cœur n’est pas une entité physique, c’est un phénomène mental. C’est l’attention, tout simplement. Vous pouvez le situer n’importe où : il ne réside ni à l’intérieur ni à l’extérieur du corps. Ce que nous appelons le cœur, c'est-à-dire le muscle cardiaque, n’est pas le cœur véritable. C’est simplement un organe qui propulse le sang au travers du corps afin de le maintenir en vie. Si ce muscle cardiaque ne fait plus circuler le sang dans l’organisme, la vie cesse.

Il y a aussi le cœur dont les gens parlent souvent quand ils disent : « J’ai le cœur joyeux ou triste, lourd ou léger … » Pour eux, tout est une question de cœur. Par contre, les spécialistes de l’Abhidhamma parlent toujours de l’esprit : l’esprit est dans un état sain, malsain ou neutre ; l’esprit se situe au niveau de la forme, du sans-forme ou du transcendantal, etc. Mais aucun d’entre eux ne sait ce que sont le véritable cœur et le véritable esprit.

L’esprit est ce qui pense et conçoit des idées. Il est tributaire des six sens, ce sont ses outils. A chaque contact de l’œil avec un objet visuel, de l’oreille avec un son, du nez avec une odeur, de la langue avec une saveur, du corps avec une sensation tactile – froid, chaud, dur ou mou – ou à chaque fois qu’une idée apparaît en relation avec ses conditionnements, bons ou mauvais — à chacun de ces contacts, si la sensation est agréable, l’esprit éprouvera du plaisir, si la sensation est désagréable, l’esprit éprouvera de la répulsion. Tout cela concerne l’esprit ou les conditionnements qui le polluent. En dehors de ces six sens, il n’y a rien sur quoi l’esprit puisse s’appuyer. Dans les textes, on parle des six facultés, des six objets des sens, des six formes de contact et de toutes sortes d’autres choses, mais tout ceci reste du domaine des six sens. Telles sont donc les caractéristiques de l’esprit et les raisons qui font qu’il ne peut jamais rester tranquille.

Quand vous entraînez l’esprit – autrement dit, quand vous pratiquez la concentration – vous devez maîtriser l’esprit qui, autrement, s’agite à la moindre sollicitation des six sens. Vous devez parvenir à le garder focalisé sur une seule chose : son objet de méditation, bouddho. Ne le laissez pas se perdre dans le passé ou le futur. Apaisez-le et puis observez-le alors : c’est le cœur !

Le cœur n’a aucun lien avec les six sens, c’est pourquoi on l’appelle le cœur. Quand les gens parlent du cœur de quelque chose, en général, ils se réfèrent à son centre. De même, lorsqu’ils évoquent leur cœur, ils montrent le milieu de leur poitrine. En fait, comme je l’ai déjà expliqué, le cœur ne réside dans aucun endroit précis … mais il se trouve au centre de toute chose.

Si vous souhaitez comprendre ce qu’est le cœur, vous pouvez faire une expérience : inspirez profondément et retenez votre souffle. A ce moment-là, il n’y aura qu’une seule chose, une attention neutre : c’est le cœur, « ce qui sait ». Si vous essayez de saisir le cœur tel qu’il est là, vous ne pourrez pas le faire très longtemps – juste le temps que vous parviendrez à retenir votre souffle. Mais essayez tout de même, pour voir à quoi ressemble le cœur véritable !

(Soit dit en passant, retenir sa respiration ainsi peut permettre de réduire une douleur physique. Les personnes qui souffrent de douleurs aiguës devraient apprendre à retenir leur souffle. C’est une manière assez efficace de trouver un soulagement.)

Une fois que vous aurez compris que le cœur et l’esprit ont des caractéristiques et des fonctions différentes, il vous sera plus aisé d’entraîner l’esprit. En fait, le cœur et l’esprit sont une seule et même chose, comme le Bouddha l’a enseigné. Quand nous pratiquons la concentration, nous devons simplement entraîner l’esprit ; une fois qu’il est entraîné, le cœur se révèle de lui-même.

Le piège des expériences extraordinaires

Une fois que l’esprit a été pleinement entraîné à utiliser l’attention afin d’avoir bouddho pour seule préoccupation, il n’ira plus se perdre dans diverses pensées et restera unifié. Le mot de méditation disparaîtra de lui-même sans que vous ne le remarquiez, et vous aurez alors une sensation de sérénité et de bien-être que rien ne peut égaler. Ceux qui n’ont jamais fait l’expérience de ce bien-être et qui le ressentent pour la première fois sont incapables de le décrire parce que personne au monde n’a encore connu une telle paix et un tel bien-être. Bien sûr, d’autres ont déjà connu cette félicité mais elle est différente pour chacun, c’est pourquoi il est difficile de la décrire mais on peut se la représenter. Par contre, si on essaie de la décrire à d’autres, on doit employer des analogies et des comparaisons pour se faire comprendre. Ces choses-là sont très personnelles : vous seul pouvez les connaître par vous-même.

En outre, si vous avez des prédispositions héritées d’existences précédentes, des expériences étonnantes peuvent survenir. Vous pourrez, par exemple, apprendre toutes sortes de choses sur les habitants des sphères célestes ou infernales. Vous pourrez avoir connaissance de vos existences passées et futures et de celles d’autres personnes. Même ceux qui ne cherchent pas à obtenir de tels résultats ont parfois, quand la concentration atteint un certain degré, des révélations stupéfiantes.

Ce genre d’expérience fascine les méditants en herbe. Quand cela leur arrive, ils ne peuvent s’empêcher de s’en vanter auprès d’autrui. Mais quand ces autres personnes essaient à leur tour de méditer et qu’elles n’obtiennent pas les mêmes résultats, elles se découragent, pensant qu’elles n’ont pas la prédisposition ou le potentiel nécessaire pour méditer et elles perdent confiance en leur pratique.

Quant à ceux qui ont ces expériences, le jour où leurs capacités diminuent, ils n’ont plus rien à quoi se raccrocher parce qu’ils se sont laissé emporter par des éléments extérieurs et n’ont pas pris le cœur comme base de leur pratique. Au souvenir des expériences qu’ils ont connues, leur esprit est encore plus agité. Ceux qui aiment se vanter vont continuer à impressionner les autres en parlant de leurs anciennes expériences. Ceux qui sont avides de telles histoires aimeront les écouter, mais les méditants sincères ne seront pas impressionnés car ils ne s’intéressent qu’à ce qui est vrai ici et maintenant.

Le Bouddha a déclaré que son Enseignement se développera ou périclitera en fonction de ceux qui le mettront en pratique. L’Enseignement dépérit lorsque les méditants se contentent de miettes de connaissance et puis vont se vanter auprès d’autres personnes, parlant de choses du monde extérieur, sans aucune substance, au lieu d’expliquer les principes de base de la méditation. Quand ils agissent de la sorte, ils font dépérir le bouddhisme sans même s’en rendre compte.

Ceux qui font fleurir la religion sont ceux qui parlent de choses utiles et vraies, et pas seulement pour le plaisir. Ils parlent en termes de cause et d’effet : « Quand vous méditez de cette manière, en répétant le mot de méditation ainsi, cela permet à l’esprit de s’unifier et de chasser ce qui le pollue et l’agite … »

Patience, confiance et détermination

Quand vous méditez avec « bouddho » pour objet, il faut savoir être patient, ne pas être pressé. Ayez confiance dans votre mot de méditation et employez toute votre attention pour garder l’esprit centré sur bouddho. C’est votre confiance qui rendra votre esprit stable et serein, capable de se défaire de tous les doutes, de toutes les incertitudes. L’esprit s’unifiera autour du mot de méditation et l’attention le maintiendra concentré sur bouddho en permanence. Que vous soyez assis ou debout, en train de marcher ou allongé, quoi que vous fassiez, l’attention sera fixée sur bouddho uniquement. Si votre attention vacille, c’est que vous n’avez pas encore acquis assez de technique. Vous devez prendre bouddho pour base, sinon votre méditation ne progressera pas ou, si elle progresse, ce ne sera pas sur de bonnes bases.

Pour que la concentration soit forte, il faut que l’esprit soit déterminé. Quand l’attention est forte et l’esprit déterminé, vous pouvez décider : « Tant que je n’aurai pas focalisé mon esprit sur bouddho, ou tant que je ne verrai pas bouddho dans mon cœur, je ne quitterai pas la position de méditation, dussè-je en mourir. » Quand vous avez cette détermination, l’esprit se réunifie en un éclair. L’objet de méditation, de même que toute question qui pouvait vous perturber, va disparaître en un clin d’œil. Vous ne sentirez même plus votre corps, ce corps auquel vous êtes tellement attaché depuis si longtemps ! Tout ce qui reste, c’est le cœur – l’attention pure – frais, calme et serein.

Les gens qui pratiquent la méditation adorent voir apparaître cet état de bien-être. La fois suivante, ils chercheront à le retrouver mais rien ne se passera parce que ce désir lui-même empêchera que cela se reproduise. La concentration est quelque chose de très subtil et sensible. Vous ne pouvez pas la contraindre à prendre telle ou telle forme … pas plus que vous ne pouvez empêcher l’esprit d’entrer en concentration quand il est prêt.

Si vous êtes impatient, les choses n’en seront que plus confuses. Vous devez être très patient. Que l’esprit soit ou non sur le point d’atteindre la concentration, vous devez poursuivre la méditation sur bouddho, comme vous l’avez fait précédemment. Faites comme si vous n’aviez jamais médité sur bouddho auparavant. Maintenez l’esprit neutre et toujours égal, laissez le souffle aller et venir en douceur, et utilisez l’attention pour garder l’esprit sur bouddho et rien d’autre. Quand le temps sera venu, l’esprit entrera en concentration de lui-même. Vous ne pouvez pas planifier la façon dont cela va se produire. Si c’était possible, voilà bien longtemps que nous serions tous devenus des Arahants.

Savoir comment méditer mais ne pas le faire correctement, avoir pratiqué correctement une fois et vouloir que cela se reproduise à l’identique — autant d’obstacles à la pratique de la concentration.

Les fruits de la pratique

Votre pratique de la méditation sur « bouddho » doit vous amener à être vif et à vous adapter à toutes les circonstances. Quand une émotion, bonne ou mauvaise, vous étreint, vous devez être capable d’entrer en concentration immédiatement pour que l’esprit ne soit pas affecté par cette émotion. Chaque fois que vous pensez « bouddho », l’esprit doit se concentrer, s’unifier dans l’instant : quand vous y parviendrez, votre esprit sera stable et il pourra se fier à lui-même.

Lorsque vous aurez pratiqué suffisamment pour avoir l’expérience de cette agilité d’esprit, vous découvrirez, au bout d’un certain temps, que vos pollutions mentales et votre attachement aux choses vont s’estomper et progressivement disparaître. Vous n’avez pas à décider de vous défaire de telle ou telle pollution mentale avec telle méthode ou tel enseignement. Quelle que soit la méthode que vous aurez choisie, si elle fonctionne pour vous, soyez-en satisfait — c’est amplement suffisant.

Voir peu à peu disparaître les pensées et les émotions qui polluent l’esprit au moyen de la technique que je vous livre ici est certes mieux qu’essayer de suivre une voie artificiellement : entrer dans les quatre niveaux d’absorption, abandonner la pensée dirigée, l’évaluation, la félicité et le plaisir pour ne garder que la concentration et l’équanimité ; ou bien prétendre arriver au premier stade de l’Eveil en abandonnant l’idée de soi, le doute et l’attachement aux rites et aux règles ; ou encore observer ses pollutions mentales en se disant : « J’ai réussi à dépasser cette pollution mentale en contemplant les choses de telle et telle manière, c’est donc un succès. Il me reste à me libérer de toutes ces autres pollutions mais, si je médite de telle ou telle façon, elles disparaîtront toutes. » Malheureusement, vous n’avez pas conscience que ce qui veut voir, connaître et obtenir ces choses est une autre pollution, fortement ancrée dans l’esprit, de sorte que, quand vous terminez votre méditation, l’esprit se retrouve à son point de départ et n’a rien appris du tout. De plus, si quelqu’un a le malheur de dire une chose qui s’oppose à votre façon de voir, vous allez vous fâcher très fort, comme un feu sur lequel on jette de l’huile.

Veillez donc à toujours vous recentrer sur bouddho, votre objet de méditation. Même si vous n’obtenez rien d’autre, vous aurez au moins acquis des bases solides. Les nombreuses préoccupations de l’esprit vont décroître, voire même disparaître, ce qui est bien mieux que de ne pas avoir de bases du tout. Tous les méditants doivent s’appuyer sur leur objet de méditation, c’est ce qui donne ses fondations à leur pratique. Et si, un jour, leur méditation perd en qualité, ils sauront toujours à quoi se retenir.

Le Bouddha a dit que ceux qui font des efforts pour se libérer des pollutions mentales doivent se comporter comme les guerriers des temps anciens qui devaient construire des châteaux aux fortes murailles avec des douves, des pont-levis et des tours pour se protéger des attaques de l’ennemi. Quant un guerrier intelligent sortait pour se battre et voyait qu’il ne pourrait vaincre l’ennemi, il se repliait dans la forteresse et faisait en sorte que l’ennemi ne puisse pas la détruire. Dans le même temps, il rassemblait assez de troupes, d’armes et de nourriture (dans notre contexte : rendre sa concentration vive et forte) et puis, il sortait à nouveau pour reprendre le combat contre l’envahisseur (ici : le combat contre toutes les formes de pollutions mentales).

La concentration est une très grande force qui permet de développer la vision pénétrante et la sagesse. Sans elle, comment atteindriez-vous la connaissance de ce qui est ? Cette connaissance n’est pas quelque chose qui se modèle ou se décrète. Elle naît de la concentration quand celle-ci a été maîtrisée, qu’elle est devenue profonde et stable.

La concentration est nécessaire même à ceux dont on dit qu’ils ont atteint l’Eveil par la seule force de la vision pénétrante : comment auraient-ils pu connaître la vision pénétrante si leur esprit n’était pas calme ? Il est possible que le calme de leur esprit n’ait pas été pleinement maîtrisé mais ils avaient nécessairement atteint un certain niveau de concentration, sinon cela n’aurait aucun sens.

Concentration et Contemplation

Quand votre concentration est forte et stable au point que vous pouvez y entrer et en sortir à volonté, vous pouvez rester longtemps concentré et observer le corps dans tous ses aspects : voir les parties plus ou moins repoussantes qui le composent ; le voir comme un agrégat des éléments physiques de base : l’eau, l’air, la terre et le feu ; voir les êtres qui vous entourent comme des squelettes ambulants ; ou encore contempler le monde et voir sa vacuité …

Une fois que l’esprit est pleinement concentré, quelle que soit votre position, il restera concentré à tout moment et en tout lieu. Vous pourrez voir clairement comment les pollutions mentales – l’avidité, la colère, et l’ignorance – naissent de l’esprit à partir de telle ou telle cause et comment elles se développent, et vous saurez trouver le moyen de vous en libérer en utilisant la technique qui vous convient. C’est comme les eaux d’un lac qui seraient restées boueuses durant des centaines et des centaines d’années et qui subitement deviendraient claires au point que vous puissiez y voir tout ce qui y vit jusque dans le fond, des choses que vous n’auriez jamais soupçonnées d’être là. C’est ce que l’on appelle la vision pénétrante, c'est-à-dire voir les choses telles qu’elles sont réellement. Quelle que soit cette vérité, c’est la vérité que vous voyez, sans jamais en dévier.

Contraindre l’esprit au calme peut lui permettre de lâcher ses tendances erronées, mais seulement à la manière de l’herbe que l’on coupe en taillant la partie supérieure sans retirer les racines : inévitablement, ces racines vont permettre à l’herbe de repousser dès la prochaine pluie. Autrement dit, vous voyez le danger du désir et de l’aversion causés par les six sens mais, dès que vous le voyez, vous battez en retraite dans le silence, sans observer attentivement ces pollutions. En bref, vous voulez le calme mais vous ne voulez pas consacrer de temps à l’observation – comme un lézard qui se réfugie dans son trou dès qu’il sent un prédateur approcher, n’échappant ainsi que momentanément au danger.

Eradiquer les pollutions mentales

Si vous voulez éradiquer vos pollutions mentales, vous devez tout d’abord comprendre qu‘elles viennent des six sens : quand l’œil entre en contact avec un objet, que l’oreille perçoit un son, que le nez sent une odeur, etc. Ces contacts sensoriels vont vous causer plaisir ou déplaisir, joie ou tristesse, avidité ou répulsion, et ces réactions émotionnelles sont les pollutions qui vont assombrir votre esprit et le perturber, au point, parfois, que vous ne pourrez plus manger ni dormir — et même au point de pousser certains au suicide. Dès que vous voyez cela clairement, renforcez votre concentration et focalisez votre esprit exclusivement sur l’examen de cette réaction particulière. Par exemple, si l’œil est attiré par un objet qui vous est agréable, focalisez votre attention sur ce sentiment de plaisir pour comprendre s’il provient de l’œil, de l’objet ou d’autre chose.

Si vous examinez l’objet regardé, vous verrez que ce n’est rien de plus qu’un phénomène physique. Qu’il soit bon ou mauvais, il ne cherche pas à vous rendre heureux ou malheureux, à se faire aimer ou à se faire détester de vous. Ce n’est qu’un simple objet visuel qui apparaît et disparaît en fonction de sa nature. Si vous examinez ensuite l’œil qui a perçu cet objet, vous verrez que l’œil est à la recherche d’objets et, dès qu’il en a trouvé un, la lumière renvoyée par cet objet vient se refléter sur le nerf optique, ce qui occasionne l’apparition de formes diverses. L’œil ne cherche pas à vous rendre heureux ou malheureux, à vous faire aimer ou détester quoi que ce soit. Sa seule fonction est de voir. Une fois qu’il a vu une forme, cette forme disparaît. Chaque sens et chaque objet des sens, attirant ou déplaisant, devrait être examiné de cette manière.

Quand vous contemplez les choses de cette manière, vous voyez clairement que toutes les choses de ce monde qui deviennent des objets d’interprétation erronée et de pollution mentale, le deviennent du fait de nos six sens. Si vous êtes capable d’observer les six sens sans vous laisser entraîner par eux, les pollutions cesseront de vous envahir. Au contraire : la vision pénétrante et le discernement vont croître du fait de ces mêmes six sens. Les six sens sont les moyens d’expression du bien comme du mal. Nous irons vers une bonne ou une mauvaise destination selon l’usage que nous en ferons.

De l’esprit vers le Cœur

Le monde semble vaste quand l’esprit est dissipé et qu’on le laisser vagabonder parmi les objets des six sens. Le monde va rétrécir quand l’esprit aura été entraîné à rester concentré : il sera sous votre contrôle et pourra contempler les six sens dans son propre espace. En d’autres termes, quand l’esprit est parfaitement concentré, les sens extérieurs (l’œil qui voit des formes, l’oreille qui entend des sons, etc.) ne se manifesteront plus du tout. Les formes et les sons qui apparaîtront seront les phénomènes mentaux qui apparaissent uniquement dans cet état de concentration. Vous n’accorderez alors aucune attention aux phénomènes sensoriels du monde extérieur.

Quand votre concentration sera forte et bien stabilisée, vous serez en mesure de contempler ce monde de l’esprit où se développent les sensations, les perceptions, les pensées, ainsi que tous les concepts erronés et les pollutions. L’esprit s’effacera de toutes ces choses et il ne restera que le cœur, l’attention pure.

Le cœur et l’esprit ont des caractéristiques différentes. L’esprit est ce qui pense, qui crée les perceptions et les préoccupations et qui s’y attache au point de se les approprier. Quand il verra tout le mal et toute la souffrance qui découlent de cette attitude, il lâchera toutes les préoccupations, toutes les pollutions et se retirera. Alors, il sera le cœur. Voilà la différence entre le cœur et l’esprit.

Le cœur est neutre et paisible. Il ne pense pas du tout. Il est simplement conscient de son propre calme. Le cœur est véritablement un phénomène neutre ou « central ». Neutre, car il n’est attaché ni au passé ni au futur, ni au bien ni au mal. Ainsi est le cœur. Quand nous parlons du « cœur » de quelque chose, nous nous référons au centre de cette chose. De même pour le cœur humain en tant que phénomène émotionnel, nous disons qu’il se trouve au milieu de la poitrine. Mais où se trouve le cœur véritable ? Nous ne le savons pas. Focalisez votre attention sur n’importe quelle partie de votre corps et vous aurez conscience de cet endroit ; de même, si vous focalisez votre attention en dehors du corps – sur le mur d’une maison, par exemple – vous serez conscient de cet endroit. Mais ce n’est pas possible avec le cœur. Nous pouvons en conclure que le cœur véritable est une conscience neutre et paisible et donc que, partout où se trouve une conscience neutre et paisible, le cœur est présent.

Quand les gens parlent du cœur, en général il ne s’agit pas du cœur véritable, mais de l’ensemble de muscles et de valves qui envoie le sang au travers du corps pour le maintenir en vie. Si cette pompe cesse de fonctionner, le corps ne peut survivre et il meurt. Il en va de même pour le cerveau. L’esprit peut concevoir le bien et le mal grâce au cerveau qui est son outil. Le système nerveux du cerveau est un phénomène physique. Quand ses différents composants s’arrêtent de fonctionner, ce phénomène physique cesse. Le cerveau s’arrête. Mais pour ce qui concerne l’esprit, qui est un phénomène mental, le bouddhisme enseigne qu’il continue à exister et peut se loger dans un nouveau corps. Ce phénomène mental ne cessera que lorsque la vision pénétrante aura compris ses facteurs de causalité et déraciné ses causes sous-jacentes.

Le bout du chemin

Aucun sujet d’étude, aucune science du monde n’a de fin. Plus on l’étudie, plus on découvre de nouveaux horizons. Seul le bouddhisme peut vous conduire au bout du chemin. Dans un premier temps, il vous apprend à vous familiariser avec votre corps, à voir qu’il est composé de différentes parties ayant chacune sa fonction. Dans le même temps, le bouddhisme vous apprend à voir que le corps est intrinsèquement sans attraits, voire repoussant. Il vous apprend à prendre conscience que ce monde, le monde des êtres humains, est fait de souffrance et d’insatisfaction, et que tout y est voué, par nature, à la décrépitude et à la mort.

Ayant reçu ce corps — même s’il est plein de choses repoussantes et même s’il est la cause de toutes sortes de souffrances et d’insatisfactions — nous pouvons tout de même compter sur lui pour un certain temps et, tant que nous sommes en vie, l’utiliser pour faire le bien, en remboursement de notre dette envers le monde.

Le Bouddha a enseigné que, bien que la nature des êtres, comme celle du monde, soit de dépérir et de mourir, l’esprit — ce qui peut contempler ce monde — doit revenir et connaître de nouvelles naissances tant qu’il ne se sera pas libéré de toutes ses impuretés. C’est pourquoi il nous a enseigné la pratique de la concentration qui est du seul domaine de l’esprit. Une fois que nous aurons pratiqué la concentration, nous pourrons ressentir chaque contact des sens en nous-mêmes, au niveau de l’esprit. Nous ne serons plus inquiets de ce que l’œil verra ou de ce que l’oreille entendra mais serons simplement attentifs aux contacts des sens directement dans l’esprit. Voilà ce que signifie « rétrécir le monde ».

Les organes des sens sont le meilleur moyen de prendre la mesure de votre esprit. Quand un contact sensoriel atteint l’esprit, a-t-il un impact sur vous ? S’il a un impact important, cela montre que votre attention est faible et que vos fondations sont encore fragiles. S’il a peu d’impact ou pas d’impact du tout, cela montre que votre attention est forte, que vos fondations sont solides et que vous êtes en mesure de prendre soin de vous-même.

Ces choses sont comme Devadatta, ce cousin du Bouddha qui ne cessa de lui créer des ennuis. Sans Devadatta, le Bodhisatta (le Bouddha avant l’Eveil) n’aurait pas été en mesure de se forger une telle force de caractère. Une fois cette force arrivée à perfection, il a été capable d’atteindre l’Eveil et de devenir le Bouddha. Avant d’atteindre l’Eveil, il dut résister aux attaques nombreuses de la tentation et, juste après l’Eveil, il dut encore résister aux trois filles de Mara venues le mettre à l’épreuve. Mais le résultat fut que, depuis lors, il est loué pour être parvenu à se libérer définitivement de toutes les impuretés de ce monde.

Tant que les sens continuent à résonner en nous, les réactions mentales continueront à nous faire souffrir. C’est pourquoi ceux qui le savent et qui ont vu la souffrance qui en découle, sont prêts à se libérer de leur emprise pour ne laisser parler que le cœur qui est neutre, neutre, neutre … sans pensées, sans images, sans concepts d’aucune sorte. Dès lors, où le monde pourrait-il prendre forme ? … Voilà comment le Bouddha nous apprend à trouver le bout du chemin, là où le monde s’arrête.

source : dhammadelaforet
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fifi



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MessagePosté le: Lun 09 Mai, 2011 21:56    Sujet du message: Répondre en citant

Super !!! L'imprimante est encore chaude Wink

Merci Adrien
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fifi



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MessagePosté le: Lun 09 Mai, 2011 22:31    Sujet du message: Répondre en citant

Encore un texte un peu plus court toujours sur le même site du Dhamma de la forêt

Citation:
Pratiquez !

Ajahn Chah

Traduit par Hervé Panchaud


Préambule :

Cet enseignement sur le Dhamma a été donné par Ajahn Chah, en dialecte de l'Isan (nord-est de la Thaïlande) à une assemblée de moines nouvellement ordonnés au monastère Wat Pah Pong, à l'occasion de « Wan Khao Pansa » (jour d'entrée dans la retraite de la saison des pluies), en juillet 1978.

Cette date est l'une des plus importantes du calendrier bouddhiste. Elle marque l'entrée dans le « carême bouddhique » et correspond au lendemain de la pleine lune du huitième mois du calendrier lunaire qui commémore le premier sermon du Bouddha.La retraite prendra fin trois mois plus tard, le lendemain de la pleine lune du onzième mois lunaire (octobre).

Durant cette période, les moines ne sont pas autorisés à dormir à l'extérieur du temple où ils sont venus passer le pansa. C'est une période propice à l'étude du Dhamma et à la pratique intensive de la méditation. De nombreux moines choisissent de s'établir dans des monastères reculés afin de pouvoir se consacrer exclusivement à la méditation.
C'est aussi le moment que choisissent de nombreux jeunes hommes, encore célibataires, pour se faire ordonner. Ils s'engagent à rester toute la durée de la retraite, car il n'est pas permis de défroquer durant cette période. Il est fréquent que, parmi ceux-ci, certains décident de rester moines après la fin de la retraite des pluies.

Traditionnellement, les années de vie religieuse sont comptées en « pansa » et la biographie des maîtres raconte, l’une après l'autre, toutes les retraites de la saison des pluies car chacune d'elles marque une étape sur le chemin spirituel. L'enseignement donné par Ajahn Chah et reproduit ci-dessous, reprend de nombreux points sur la pratique de la méditation déjà abordés dans d'autres enseignements. Le ton et l'exigence d'Ajahn Chah quant au respect de la pratique pourront sans doute surprendre. Il faut comprendre que cet enseignement est donné à de nouveaux moines (thaïlandais, pour l'essentiel) ayant choisi de passer le pansa au monastère d’Ajahn Chah pour une pratique intensive. Ceci dit, la base de l'enseignement reste la même, à savoir, que la seule chose qui compte, c'est être attentif en permanence.

_____________________________________________________________


Voyez simplement votre souffle aller et venir. Ne soyez distraits par rien d'autre. Même si quelqu'un près de vous se tient sur la tête avec les pieds en l'air, ne vous en occupez pas ! Restez seulement avec votre inspiration et votre expiration. Concentrez toute votre attention sur la respiration. Concentrez-vous.

Ne vous attachez à rien d'autre. Ce n'est pas la peine de chercher à obtenir quoi que ce soit. Ne vous occupez de rien d'autre. Voyez simplement l'inspiration et l'expiration… l'inspiration…l'expiration. Prononcez les syllabes : « Boud- » sur l'inspiration et « -dho » sur l'expiration. Restez ainsi seulement avec votre inspiration et votre expiration, jusqu'à ce que vous soyez conscients de votre inspiration et conscients de votre expiration… conscients de l'inspiration… conscients de l'expiration. Soyez attentifs de cette manière jusqu'à ce que l'esprit soit apaisé, sans irritation, sans agitation — juste le souffle qui entre et qui sort. Laissez votre esprit dans cet état de paix. Vous n'avez, à ce stade, besoin d'aucun but. C'est cet état qui est le premier stade de la pratique.

Si votre esprit est à l'aise, s'il est en paix, alors il sera naturellement attentif. Tandis que vous poursuivez ainsi, la respiration ralentit, devient plus légère. Le corps devient souple, l'esprit devient souple. C'est un processus naturel. L'assise est confortable : vous ne ressentez pas d'ennui, vous ne dodelinez pas de la tête, vous ne vous assoupissez pas. L'esprit est naturellement fluide quoi qu'il arrive. Il est immobile. Il est en paix. Alors, lorsque vous quittez samadhi, vous vous dites : « Oh ! C'était quoi çà ? ». Vous vous remémorez la sensation de paix que vous venez d'expérimenter — et vous ne l'oublierez jamais.

Cette chose qui nous accompagne en permanence s'appelle sati, le pouvoir de l'attention, de la mémorisation, et sampajañña, qui est la conscience de soi. Quoi que nous disions ou faissions, où que nous allions, pour quêter notre nourriture ou dans tout autre activité, quand nous mangeons, lavons nos bols, quoi que nous fassions, nous sommes parfaitement conscients de tout. Etre constamment dans la pleine conscience.

Soyez attentifs en permanence. Suivez l'esprit

Quand vous pratiquez la marche méditative (cankama), choisissez un chemin de méditation, par exemple d'un arbre à un autre, sur environ une quinzaine de mètres. Pratiquer cankama est semblable à la méditation assise.

Focalisez votre attention : « Maintenant, je vais redoubler d'effort. Grâce à ma concentration et ma pleine conscience, je vais calmer mon esprit. » L'objet de la concentration dépend de chacun. Trouvez celui qui vous convient. Certaines personnes envoient du metta (amitié bienveillante) vers tous les êtres vivants puis lèvent le pied droit et commencent à marcher à une allure normale, tout en utilisant le mantra « BOUDDHO » en coordination avec la marche. L'essentiel est de rester constamment attentifs à l'objet choisi. Si l'esprit devient agité, alors arrêtez-vous, apaisez l'esprit, puis reprenez la marche. Gardez en permanence cette attention. Conscients au début du chemin, conscients de chaque étape du chemin, le début, le milieu et la fin. Maintenez constante cette attention.

Pratiquer cankama est l’une des manières de pratiquer. La marche méditative, c'est faire des allers et retours. Ce n'est pas aussi facile qu'il y parait. Certaines personnes nous voient marcher ainsi et pensent que nous sommes fous. Elles ne comprennent pas que la marche méditative peut faire croître la sagesse. Aller et venir. Et si vous êtes fatigués, restez debout et rendez votre esprit immobile. Centrez-vous sur votre souffle, apaisez-le. Quand la respiration redevient douce, alors ramenez l'attention sur la marche.

Les postures changent. Méditation debout, marche méditative, méditation assise, ou allongée. Alternez. Nous ne pouvons pas rester en position assise tout le temps, pas plus que debout ou allongés. Nous devons répartir notre temps entre ces différentes postures pour que chacune de ces quatre postures nous soit bénéfique. C'est un exercice. Vous devez le faire. Ce n'est pas facile.

Afin de mieux comprendre, voici un autre exercice : voyez le verre qui est près de vous, prenez-le et déplacez-le ici pendant deux minutes. Les deux minutes écoulées, déplacez-le à nouveau et recommencez deux minutes plus tard. Continuez à faire cela, persévérez. Encore et encore jusqu'à ce que vous commenciez à ressentir la souffrance, jusqu'à ce que le doute s'installe, jusqu'à ce que la sagesse surgisse. « Mais que suis-je en train de faire : déplacer un verre d'avant en arrière comme un fou ? » L'esprit recommencera à penser suivant ses habituels schémas. Il ne s'occupe pas de ce que les autres disent. Toutes les deux minutes, d'accord ! - ne vous laissez pas aller à la rêverie, deux minutes ce n'est pas cinq ! Dès que les deux minutes sont écoulées, déplacez le verre encore une fois. Concentrez-vous là-dessus. C'est un exercice.

Observez l'inspiration et l'expiration de la même manière. Asseyez-vous avec votre pied droit sur votre jambe gauche, tenez votre dos droit, regardez l'inspiration dans son entier jusqu'à ce qu'elle ait rempli l'abdomen. Quand l'inspiration est complète, laissez le souffle ressortir jusqu'à ce que les poumons soient vides. Ne forcez pas. Peu importe que le souffle soit long ou court, il doit juste vous convenir. Soyez assis et voyez votre respiration qui va et vient, soyez à l'aise avec vous-mêmes. Ne laissez pas votre esprit divaguer. Si votre esprit s'égare, regardez, faites un arrêt, regardez où l'esprit est allé se perdre et pourquoi il n'est pas resté concentré sur le souffle. Allez le chercher et ramenez-le. Faites-le rester avec la respiration, ne vous laissez pas aller au doute. Un jour, vous aurez la récompense de vos efforts. Poursuivez ainsi. Faites-le comme s'il n'y avait rien à atteindre, comme si rien ne devait se produire, comme si vous ne saviez pas pourquoi vous faites cela. Comme le riz dans le grenier à grains. Vous le prenez et le semez dans la rizière, vous le lancez sans vous soucier de l'endroit où tombent les grains. Ensuite, le riz va germer, les pousses vont sortir, vous replanterez les jeunes plants et vous obtiendrez du beau riz vert. C'est ainsi.

Il en va de même avec la méditation. Asseyez-vous là. Parfois, vous pouvez vous demander : «Pourquoi suis-je là, à regarder ma respiration avec une telle attention. Même si je ne l'observais pas, elle continuerait à aller et venir. »

Bon, vous allez toujours trouver une pensée pour vous occuper. C'est une vue de l'esprit. C'est une expression de l'esprit. Oubliez-la. Essayez de passer au-delà encore et encore, afin de rendre l'esprit calme.

Une fois que l'esprit sera calmé, le souffle va s'adoucir, les tensions dans le corps vont se relâcher, l'esprit va devenir plus subtil. Tout va atteindre un état d'équilibre où il vous semblera que le souffle s'est arrêté, que plus rien ne se passe en vous. Quand vous parvenez à ce point, ne paniquez pas ! Ne vous relevez pas pour partir en courant parce que vous pensez que vous avez cessé de respirer. Ceci vous indique seulement que votre esprit est en paix maintenant. Vous n'avez rien à faire. Juste rester assis et voir ce qu'il se passe dans le moment présent.

Quelquefois, vous pouvez vous demander : « Hé ! Est-ce que je respire encore ? » C'est la même erreur : l'esprit est en train de penser. Quoi qu'il arrive, permettez que cela soit et que cela suive son cours. Peu importe la sensation qui vient. Regardez-la, prenez-en connaissance, mais ne vous laissez pas tromper par elle. Poursuivez encore et encore. Faites-le souvent. Après le repas, suspendez votre vêtement sur un fil, et dirigez-vous vers le chemin de méditation. Continuez à penser « Bouddho, Bouddho ». Pensez à cela tout au long de votre méditation marchée. Concentrez-vous sur le mot ‘Bouddho'. Usez le chemin, usez-le jusqu'à creuser une tranchée qui vous arrive à mi-mollets ou aux genoux. Continuez à marcher !

Mais il ne s'agit pas de déambuler en pensant à ceci ou cela tout au long du chemin, et puis de regagner votre hutte pour regarder avec envie votre matelas en vous disant : « Que c'est tentant ! » et finir par vous allonger et ronfler comme un cochon ! Si vous vous comportez ainsi, vous ne retirerez aucun bénéfice de la pratique de la méditation.

Poursuivez jusqu'à en avoir assez et jusqu’à ce que vous voyiez toute l'étendue de votre paresse. Continuez à regarder jusqu'à ce que vous voyiez la fin de la paresse. Si c'est cela que vous vivez, vous devez poursuivre le chemin jusqu'à surmonter votre paresse. Ce n'est pas comme si vous pouviez répéter en vous-mêmes le mot « paix », puis vous asseoir et attendre que la paix soit en vous, comme on tourne un interrupteur et puis, si cela ne se produit pas, on se relève. Cela, c'est de la paresse. S'il en est ainsi, vous ne trouverez jamais la paix.

La méditation, c'est comme pour tout : il est très facile d'en parler, mais c’est plus difficile à faire. C'est comme si des moines pensaient à quitter la communauté en se disant : « Cultiver le riz ne me semble pas bien compliqué. Nous serions sûrement mieux si nous nous étions fermiers. » Ils se lancent dans l'agriculture sans aucune connaissance de quoi que ce soit : les vaches, les buffles, les herses ou le labourage… Puis, ils se disent que, lorsqu'ils discutaient entre eux d'agriculture, tout paraissait facile mais, maintenant, ils se rendent compte que c’ est bien plus difficile que prévu.

Chacun aimerait chercher la paix de cette manière. En réalité, la paix est déjà présente, mais vous ne le savez pas encore. Vous pouvez aller à sa poursuite ou en parler autant que vous voulez, mais vous ne connaîtrez pas ce qu’elle est.

Alors, faites ceci: observez votre respiration, évaluez son rythme et concentrez-vous dessus en utilisant le mantra « BOUDDHO ». Rien que cela. Ne laissez pas l'esprit s'échapper où que ce soit. A ce moment-là, n'ayez que cette connaissance : le souffle et le mantra. Faites-le. N'étudiez que cela. Poursuivez ainsi, continuez de cette manière. Si vous commencez à penser que rien ne se produit, ne vous souciez pas de cette pensée. Continuez seulement sans vous en soucier et vous finirez par connaître le souffle.

Eh bien donc allez-y ! Essayez ! ! Si vous restez assis comme je vous l’ai dit, l'esprit va lâcher prise et il va atteindre un état de plénitude, l'état juste, correct. Quand l'esprit est dans cet état de calme, l'attention croît naturellement. Alors, si vous souhaitez restez assis toute la nuit, vous pourrez le faire, vous ne ressentirez rien parce que l'esprit est dans cet état de plénitude. Quand vous êtes arrivés à ce stade, quand vous vous sentez si bien, il est possible que vous ayez le désir de parler, de transmettre le Dhamma à vos amis « jusqu'à ce que les vaches reviennent à la maison », comme on dit. De telles expériences arrivent parfois.

C'était au temps où le vénérable Sang était encore novice. Une nuit, après avoir pratiqué en marchant, il vint s'asseoir pour poursuivre sa méditation. Son esprit devint lucide et aiguisé. Il se mit alors à exposer le Dhamma sans plus pouvoir s'arrêter. J'entendais quelqu'un qui donnait un enseignement sur le Dhamma dans le bosquet de bambou et je me demandais : « Est-ce bien quelqu'un qui enseigne ou est-ce une personne qui se lamente ? » Le bruit ne cessait pas. Alors, j’ai pris ma lampe torche et je suis allé voir ce qui se passait. J'avais raison : là, au milieu des bambous, assis jambes croisées, à la lueur d'une lanterne, se tenait Por Sang. Il parlait si vite que je ne pouvais pas suivre ce qu'il disait.

Aussi, je lui demandai : « Por Sang, vous devenez fou ou quoi ? »

Il répondit : « Je ne sais pas ce qui m'arrive. Je dois enseigner le Dhamma, c'est tout. Je m'assois et je dois exposer le Dhamma. Je marche et je dois exposer le Dhamma. Je dois exposer le Dhamma, quelle que soit la position dans laquelle je me trouve … Je ne sais pas quand cela va s'arrêter ! »

Je me dis alors : « Quand les gens pratiquent le Dhamma, il n'y a plus de limites ; tout peut arriver.»

Vous aussi, continuez à pratiquer ainsi. Ne suivez pas vos humeurs, bonnes ou mauvaises. Pratiquez quand vous vous sentez paresseux et pratiquez quand vous êtes dans de bonnes dispositions. Pratiquez quand vous êtes assis et pratiquez quand vous marchez. Quand vous êtes allongés, concentrez-vous sur votre respiration et dites-vous : « Je ne vais pas m'accorder le plaisir de m'étendre ». Eduquez votre cœur ainsi, forgez-le ainsi.

Poursuivez ainsi jusqu'à épuisement et, parvenus à ce stade, intensifiez encore votre effort !

Quand vous mangez, dites-vous ceci : « Je mange cette nourriture, non pas par faim, mais comme un médicament, afin d'alimenter mon corps pour une nouvelle journée et une nouvelle nuit, afin que je puisse poursuivre la pratique. »

Quand vous vous couchez, entraînez votre esprit. Quand vous mangez, entraînez votre esprit. Maintenez une attention constante. Si vous vous apprêtez à vous lever, soyez conscients de cela. Si vous vous apprêtez à vous allonger, soyez-en conscients de même. Quoi que vous fassiez, soyez attentifs. Quand vous vous couchez, allongez-vous sur le côté droit et concentrez-vous sur votre respiration, en vous aidant du mantra « BOUDDHO » jusqu'à ce que vous vous endormiez. Alors, quand vous vous réveillez, c'est comme si le mantra « BOUDDHO » ne vous avait pas quittés, qu'il avait été là tout le temps de votre sommeil, sans interruption. Pour que la paix véritable s'établisse, il faut que la pleine attention soit présente en permanence. Ne regardez pas les autres. Ne vous intéressez pas aux autres personnes. Ne vous occupez pas des affaires des autres, ne vous intéressez qu'à votre propre concentration.

Quand vous pratiquez la méditation assise, ayez le dos droit ; n'ayez pas la tête trop en avant, ni trop en arrière. Gardez une posture bien équilibrée comme une représentation de Bouddha. Ainsi, votre esprit sera lucide et lumineux.

Gardez votre posture autant que vous le pourrez avant de changer de position. Si cela fait mal, cela fait mal ! Ne soyez pas pressés de changer de posture. Ne pensez pas : « Oh ! C'en est trop ! Il faut que je me repose ». Patiemment, supportez votre douleur jusqu'à ce qu'elle ait atteint son paroxysme — et alors… endurez encore un peu !

Endurez, endurez jusqu'à ce que vous ne puissiez même plus vous fixer sur le mantra « BOUDDHO ». Alors, prenez le point où la douleur est la plus aiguë, et faites-en votre objet de méditation : « Douleur ! Douleur ! Oh douleur réelle !». Vous pouvez prendre la douleur pour objet de médiation à la place du mantra. Concentrez-vous sur elle en permanence. Restez assis. Quand la douleur aura atteint sa limite extrême, voyez ce qui se produit.

Le Bouddha a dit que la douleur arrive par elle-même et disparaît par elle-même. Laissez-la mourir d'elle-même, ne vous en souciez pas. Parfois, vous pourrez être pris de grosses suées. Des gouttes de sueur, grosses comme des grains de maïs, pourront vous dégouliner sur la poitrine. Mais quand vous aurez passé au travers de la sensation de douleur, au moins une fois, alors vous comprendrez sa vraie nature. Poursuivez ainsi. Mais n'allez pas trop loin. Pratiquez fermement, c'est tout.

Soyez attentifs pendant que vous mangez. Mâchez et déglutissez. Demandez-vous où vont les aliments. Voyez les aliments qui vous conviennent, ceux qui ne vous conviennent pas. Essayez d'estimer la nourriture qui vous est nécessaire. Quand vous mangez, restez attentifs, et quand vous pensez qu'après encore cinq autres bouchées vous serez rassasiés, alors arrêtez, buvez une gorgée d'eau et vous aurez mangé juste ce qui convient.

Essayez ! Voyez si vous pouvez le faire ou non. Mais, bien sûr, ce n'est pas ce que vous avez l'habitude de faire. En général, quand vous êtes rassasiés, vous avalez encore cinq bouchées. C'est ce que l'esprit vous incite à faire. Il ne sait pas comment se contrôler ; il ne sait pas s'autoréguler.

Le Bouddha nous a enseigné à rester attentifs lorsque l'on mange. Arrêtez de manger cinq bouchées avant d'être rassasiés, buvez un peu d'eau et ce sera parfait. Si vous pratiquez la méditation assise ou la marche méditative, vous ne vous sentirez pas trop lourds. Votre méditation ne s'en portera que mieux. Mais nous ne voulons pas procéder ainsi. Nous avons l’estomac déjà bien plein et nous reprenons encore cinq bouchées. C'est la voie de l’avidité et des impuretés, ce n'est pas la voie de l'enseignement du Bouddha. Quelqu'un qui n'a pas une véritable volonté d'entraîner son esprit ne sera pas capable de pratiquer ainsi. Continuez à observer votre esprit.

Soyez vigilants quand vous dormez. Votre succès dépend de votre capacité à être attentifs aux méthodes de pratique que vous mettez en œuvre. Parfois, lorsqu'il est l'heure de vous coucher, essayez de varier : certaines nuits, allez vous coucher de bonne heure ; d'autres nuits, veillez tard. Mais essayez de pratiquer de la sorte : quelle que soit l'heure où vous allez dormir, ne restez pas plus longtemps que le temps d'une sieste. Prenez la ferme résolution de vous lever dès que vous vous réveillez, même si vous n'avez pas eu votre dose de sommeil. Levez-vous, passez-vous un peu d'eau sur le visage, et commencez à pratiquer la méditation marchée ou asseyez-vous pour méditer. Voyez comment vous êtes en train de vous entraîner. Ce n'est pas quelque chose que vous pouvez apprendre en écoutant quelqu'un d'autre ; vous ne pouvez comprendre que par votre propre entraînement, votre propre pratique, des exercices que vous ferez vous-mêmes. Aussi, je vous demande de pratiquer.

Cette forme de pratique est difficile. Quand vous êtes assis en méditation, votre esprit ne doit avoir qu'un seul objet. Laissez-le concentré sur l'inspiration et l'expiration, et alors, vous sentirez votre esprit se calmer. Si votre esprit est agité, il sautera d'un objet à un autre. Par exemple, dès que vous êtes assis, pensez-vous à votre maison ? Certaines personnes ne pensent qu'à manger des nouilles chinoises ! Comme vous êtes nouvellement ordonnés, je suis sûr que vous avez faim, n'est-ce pas ? Vous voulez boire et manger. Vous pensez à toutes sortes de nourritures. Rien qu'à penser à la nourriture, votre esprit devient fou. Si c'est cela que vous ressentez, ne le rejetez pas. Mais, dès que vous aurez pu dépasser cette sensation, vous verrez qu'elle disparaîtra.

Pratiquez ! Avez-vous déjà pratiqué la méditation en marchant, marché en pleine conscience ? Comment était-ce ? Votre esprit vagabondait-il ? Si c'est le cas, il faut vous arrêter et ramener l'esprit. Si l'esprit ne cesse de papillonner, arrêtez de respirer. Bloquez votre respiration jusqu'à ce que vos poumons soient sur le point d'exploser. Vous verrez, votre esprit reviendra. Peu importe son état, peu importe son humeur, s'il repart courir un peu partout, bloquez à nouveau votre respiration. Quand vos poumons seront sur le point d'éclater, votre esprit sera de retour. Vous devez fortifier votre esprit. Vous devez le dompter comme on dresse un animal. L'esprit est difficile à dompter. Ne vous découragez pas. Si vous arrêtez de respirer, vous ne serez plus capables de penser à quoi que ce soit et l'esprit reviendra de son propre chef.

C'est comme de l'eau dans une bouteille. Quand vous inclinez la bouteille doucement, l'eau commence à couler goutte après goutte … tip… tip… tip… tip… Mais si vous inclinez davantage la bouteille, l'eau va couler plus abondamment, l'espacement entre les gouttes va diminuer jusqu'à produire un filet d'eau constant. Il en va de même avec notre esprit. Si nous soutenons notre effort et pratiquons de façon continue, l'attention sera ininterrompue comme un filet d'eau qui coule sans discontinuer. Peu importe que nous soyons debout, en marche, assis ou étendus, la conscience reste ininterrompue, coulant comme un filet d'eau.

Notre pratique est ainsi. Après un moment, nous pensons à ceci, nous pensons à cela. L'esprit est agité, la conscience n'est pas continue. Mais quoi que nous pensions, cela n'a pas d'importance, poursuivons notre effort. Ce sera comme des gouttes d'eau qui vont tomber de plus en plus rapidement jusqu'à former un filet d'eau continu. Alors notre conscience deviendra omniprésente. Debout, assis, marchant, étendus, dans quelque position que vous soyez, la pleine conscience sera avec vous.

Commencez maintenant ! Essayez ! Mais ne soyez pas pressés. Si vous vous asseyez seulement pour regarder ce qui va se passer, vous allez perdre votre temps. Soyez vigilants. Si vous vous y mettez trop brutalement, vous n'aurez pas de résultats, mais si vous ne vous y mettez pas, vous n'aurez pas de résultats non plus.


http://www.dhammadelaforet.org/sommaire/ac/AC%20-%20pratiquez!%20par%20ajahn%20chah.html
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Adrien



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MessagePosté le: Lun 09 Mai, 2011 23:28    Sujet du message: Répondre en citant

Citation:
Source et Courant
Luang Poo Sim
Traduit par Jeanne Schut

Extrait des Enseignements sur le Dhamma de Luang Poo Sim.



C’est le moment de la méditation en position assise. Asseyez-vous jambes croisées. Placez la jambe droite sur la jambe gauche et la main droite sur la main gauche. Fermez les yeux et récitez silencieusement le mot « Bouddho » au rythme de votre respiration [Boud- sur l’inspiration et –dho sur l’expiration.] Concentrez votre esprit sur Bouddho. S’assoir en méditation est une manière essentielle de rendre hommage au Bouddha.

Le Bouddha a dit que toutes nos expériences antérieures, bonnes ou mauvaises, n’étaient plus, dans l’instant présent, que « des pensées du passé ». Alors, en cet instant, ne laissez pas de telles pensées agiter votre esprit. Laissez-les toutes aller. Concentrez votre esprit sur la récitation intérieure du mot Bouddho et laissez l’esprit s’apaiser dans l’instant présent, dans la réalité immédiate. C’est cet instant présent qui importe. Ce qui nous attend, bon ou mauvais, n’existe pas encore car, par définition, le futur se réfère à des choses qui ne se sont pas encore produites. Le méditant doit poser son esprit dans l’instant présent. Si une pensée fait surface, rappelez-vous simplement qu’il ne s’agit que d’une pensée du passé – ou d’une pensée du futur, selon le cas. Mais n’y ajoutez rien ! N’encouragez pas ces pensées. Mettez les bonnes pensées de côté pour l’instant et abandonnez complètement les mauvaises.

Assis comme nous le sommes en ce moment, notre corps est dans une position de détente. Notre cœur est habité par « ce qui sait » en nous et chacun de nous est conscient. Ce qui sait en cet instant, c’est notre véritable esprit. L’esprit conditionné rempli de pensées et de proliférations mentales est presque comme un démon. A travers lui, les phénomènes extérieurs ont tendance à devenir des préoccupations qui viennent entraver ou anéantir la méditation. Mais si le méditant s’enracine dans l’instant présent, il est en mesure d’utiliser les différentes techniques de méditation. Il peut, par exemple, développer la récitation intérieure ou encore focaliser son attention sur certaines parties du corps comme les cheveux, les poils, les ongles, les dents, la peau, la chair et les os. Quand, suite à cette contemplation, le méditant perçoit l’aspect repoussant du corps ou bien les éléments qui le constituent – la terre (la dureté), l’eau (la cohésion), le feu (la température) et l’air (les vibrations) – il s’agit bien de méditation. Quand l’esprit trouve la paix dans la récitation de Bouddho, c’est aussi de la méditation … et le méditant est l’esprit.

L’esprit lui-même n’a ni couleur, ni forme mais il a une énergie. Il est de notre devoir de lâcher, d’écarter l’esprit conditionné qui ne cesse de penser. Mais l’esprit qui a la connaissance de l’instant présent, celui qui se concentre sur le Bouddha, qui écoute le Dhamma et réfléchit à sa signification, cet esprit-là doit être clairement observé puis développé. Développer l’esprit, cela veut dire lui accorder soin et attention pour l’établir dans la paix. La paix arrive quand on va à l’encontre du courant des pensées tourné vers l’extérieur et que l’on pénètre dans la connaissance de l’instant présent.

L’esprit normal, non contenu, se laisse absorber par la conscience des pensées qui cherche la distraction. Allez à contre-courant en regardant la source de l’activité mentale : elle part de cette connaissance. La source de l’esprit dort en nous et, pourtant, cette connaissance n’a rien de substantiel ; elle n’a ni couleur ni forme comme en ont les objets matériels – c’est un élément sans forme. En termes des cinq agrégats, on dit qu’il y a :

*

rūpa : ce corps que nous avons ;
*

vedanā : le ressenti des objets comme étant agréables ou désagréables, confortables ou inconfortables ;
*

saññā : la connaissance basée sur la mémoire. Par exemple : ceci est un être humain, cela un animal ; ceci est rouge, cela est noir ;
*

sankhārā : l’activité mentale conditionnée et qui conditionne à son tour ;
*

viññāna : la capacité de reconnaissance conditionnée par l’activité mentale.

Les quatre agrégats sans forme que sont vedanā, saññā, sankhārā et viññāna apparaissent à l’intérieur même de « ce qui sait ». Le Bouddha nous a enseigné que, pendant la méditation en position assise et en marchant, nous devions faire converger « ce qui sait » en lui-même et ne pas lui permettre de se tourner vers l’extérieur. Penser à ce qui est bon et à ce qui est mauvais, c’est se préoccuper de questions extérieures – et c’est sans fin. Quand nous pensons et que nous reconnaissons, nous devons savoir qui est le penseur, qui est celui qui sait. Tous les mouvements partent de cette connaissance présente. Alors, ne vous laissez pas tromper par les différentes manifestations de l’esprit ; ce ne sont que des ombres qui s’envolent vers le passé et le futur, qui spéculent indéfiniment sur les choses que vous aimez et celles que vous n’aimez pas. Cette prolifération mentale est ce qui conditionne l’esprit.

Qu’est-ce qui, en nous, reconnaît le véritable esprit et qu’est-ce qui reconnaît l’esprit conditionné ? C’est toujours « ce qui sait », le même que ce qui entend le son de mes paroles et qui médite sur Bouddho. Comme il n’y a qu’une seule et même chose qui « sait », mobilisez vos énergies et prenez un engagement ferme : « Je ne vais pas me laisser piéger par les pensées. Je vais regrouper toute mon énergie mentale en ‘ce qui sait’ ». Ne pas permettre à l’esprit de s’évader, c’est le maintenir dans Bouddho. Par conséquent, tout ce que vous avez à faire, c’est maintenir la récitation de Bouddho.

« Bouddho » est le nom de Celui qui est Pleinement Eveillé et il mérite que l’on médite dessus. Le fait que nous soyons entrés en contact avec le bouddhisme, avec le Bouddha, le Dhamma et le Sangha, et que nous soyons venus pratiquer, est dû au Bouddha. C’est lui qui, après avoir réalisé l’Eveil suprême, a donné au monde les enseignements du Dhamma-Vinaya que nous appelons le bouddhisme. Les grands maîtres d’autrefois et les quatre assemblées de bouddhistes [moines, nonnes, hommes et femmes laïcs] ont perpétué l’étude et la pratique des enseignements jusqu’à ce jour. En Thaïlande, aujourd’hui, partout où nous allons, nous voyons des monastères, des moines et des novices, des hommes et des femmes laïcs qui observent les huit préceptes et des gens dans la société qui ont foi dans le bouddhisme et qui y puisent une inspiration. Tout cela, c’est grâce au Bouddha. Cela fait longtemps, plus de 2.500 ans, que le Bouddha est entré dans le nibbāna suprême, et pourtant le Dhamma et le Vinaya – les enseignements et le code de discipline monastique basé sur les 5, 8, 10 et 227 préceptes – sont encore là.

Nous nous remémorons les vertus du Bouddha de façon à pouvoir le prendre comme exemple dans notre pratique. D’où venait le Bouddha ? Il venait de l’esprit qui avait pris la ferme résolution d’atteindre l’Eveil et de montrer la voie du nibbāna à tous les êtres. Dès l’instant où il prit cette résolution, quelle que fût la vie dans laquelle il renaissait, à chaque fois qu’il pratiquait des actes charitables, qu’il s’efforçait d’agir et de parler avec bonté ou qu’il pratiquait la méditation, sa motivation était toujours d’atteindre l’Eveil. Quand il naissait en tant qu’être humain, il accumulait la vertu et, finalement, la force de la bonté créée par sa pratique de dāna, sīla et bhāvanā [générosité, vertu et entraînement de l’esprit] menée jusqu’à la perfection fut assez puissante pour qu’il trouve l’Eveil. Aujourd’hui, en évoquant le Bouddha, nous prenons ses vertus comme objets de méditation.

Le mot « Bouddho » fait référence au Bouddha et celui qui récite Bouddho intérieurement, c’est simplement cet esprit. C’est simplement cet esprit qui répète Bouddho, qui connaît Bouddho, qui est conscient de la respiration et qui sait qu’en agissant ainsi il développe la vertu. Cet esprit a toujours été là. « Ce qui sait » est né dans le monde un nombre incalculable de fois mais l’ignorance et le désir l’ont submergé et nos dāna, sīla et bhāvanā étaient insuffisants pour nous libérer de la masse de souffrance qui parasite l’organisme humain. Nous devons donc mobiliser notre énergie avec une ferme résolution et nous enraciner pour cela dans le calme méditatif. Les principes qui nous permettront de sortir de ce monde et de sa masse de souffrance sont ceux de la méditation samatha (calme) et vipassanā (vision intérieure profonde). L’esprit doit être fermement focalisé sur un point, paisible, frais, et détendu dans samatha avant que vipassanā puisse être pratiqué. Si l’esprit est encore en mouvement, vagabond, ni paisible ni immobile ni concentré, il est impossible que la compréhension de la nature des choses se révèle.

Prenez comme exemple le fondateur de notre religion, le Bouddha pleinement éveillé par lui-même. Avant son Eveil, il pratiquait la méditation du calme en utilisant la respiration comme objet d’observation. Le jour de son Eveil, il pratiquait ainsi. A l’inspiration, il se concentrait intensément sur l’inspiration ; à l’expiration, il se concentrait intensément sur l’expiration. Toute agitation mentale, tout mouvement de l’esprit cessa, ne laissant place qu’à l’inspiration et l’expiration. L’esprit de celui qui allait devenir le Bouddha était intensément concentré sur la respiration jusqu’à ce que son esprit devienne parfaitement calme, frais et détendu, jusqu’à ce qu’il atteigne la stabilité de khanika-samādhi [calme momentané], d’upacara-samādhi [calme d’accès] et enfin la parfaite immobilité d’appana-samādhi [absorption méditative]. C’est seulement alors que vipassanā s’est manifesté : il a pu voir clairement que le corps et l’esprit sont impermanents, que tous les êtres et les phénomènes sont éphémères. Il a vu la souffrance inhérente au fait d’être né avec un corps et un esprit, et il a vu qu’il n’y avait pas de « soi » personnel. Il a compris que la perception d’un soi durable est basée sur une erreur de perception.

Pour avoir une claire vision de ces trois caractéristiques d’impermanence, de souffrance et de non-soi, l’esprit doit être immobile. C’est pourquoi faire l’effort d’amener l’esprit à un état de calme paisible et stable, et lui éviter d’être attiré par les formes, les sons, les odeurs, les saveurs, les sensations physiques et les phénomènes mentaux est l’essence des techniques de méditation ; c’est une chose que nous devons tous développer. Quand les yeux voient une forme, veillez à ne pas laisser l’esprit s’évader en maintenant la récitation intérieure de Bouddho. Veillez à ne pas vous laisser tromper quand vous entendez des sons : qu’ils soient beaux ou laids, ce ne sont que des phénomènes du monde. Maintenez la stabilité de l’esprit. Soyez conscient des odeurs plaisantes et déplaisantes qui entrent en contact avec votre nez et ne vous laissez pas tromper par elles. Quelle que soit la saveur d’un mets sur votre langue, restez détaché. Soyez impassible face aux différentes sensations physiques de chaud ou de froid, de dur ou de doux. Telle est la pratique suprême dans le bouddhisme. Alors, mobilisez vos énergies et posez votre esprit dans l’instant présent !

En général, l’esprit des méditants n’est pas unifié et paisible dans l’instant présent. Il vagabonde devant et derrière, il s’intéresse à des histoires qui concernent d’autres personnes et s’y attache, et il trouve plaisir et satisfaction à des états d’esprit agréables. Il est complètement piégé dans des préoccupations superficielles. Bien que l’esprit qui « sait simplement » soit déjà présent en nous, si nous ne lui donnons pas la première place grâce à la méditation, nous serons incapables de percevoir la vérité de la souffrance.

Quand la souffrance apparaît dans le corps, contemplez-la jusqu’à ce que l’esprit l’accepte pour ce qu’elle est. Quand une maladie physique se présente, l’esprit avide se saisit de l’idée que l’on est malade. En réalité, c’est l’élément terre qui ne va pas bien. Si l’esprit du méditant est stable et voit clairement les trois caractéristiques de l’existence, il considèrera simplement la maladie comme une question de déséquilibre dans les éléments. Il sait que l’esprit est sans forme et que, par conséquent, il ne peut être sujet à ce type de douleur. C’est parce que l’on s’attache à l’idée d’un « soi » – à l’idée que ce corps appartient à « quelqu’un » – que la souffrance mentale apparaît. En fait, ce corps est simplement constitué d’éléments, et ce sont ces éléments qui sont malades. Ce sont les éléments de la terre, de l’eau, du feu et de l’air qui sont perturbés. Si on parvient à faire la part des choses de cette manière, l’esprit demeure en paix. Quoi qu’il advienne au corps physique, on ne s’y attache pas comme s’il nous appartenait. On voit qu’il s’agit simplement d’une question d’éléments, d’une question d’aniccam dukkham anatta – c’est la nature des choses. Ainsi « ce qui sait » dans le présent voit la réalité des choses clairement et en permanence. L’esprit est frais ; il ne brûle plus, il ne s’attache plus.

Imaginons que quelqu’un nous parle durement ou dise du mal de nous. Même s’il nous insulte ouvertement, si nous ne nous y attachons pas, tout s’arrête là – ce qui est apparu disparaît. Mais si « ce qui sait » ne voit pas les choses clairement, il va s’attacher à ce corps et à cet esprit comme étant siens, et si quelqu’un nous parle durement, nous nous mettrons en colère : « Ce n’est pas de ma faute ! » A cause de l’attachement, il y a « moi » et « mien ». C’est précisément cet attachement qui est la cause de la souffrance, de l’agitation, de la confusion et de la maladie.

Le Bouddha nous a appris à lâcher tout ce qui concerne le monde extérieur pendant que nous méditons. Quelle que soit la détresse physique ou mentale qui apparaît, ce n’est que la souffrance des agrégats ; alors ne permettez pas que « ce qui sait » en souffre. Méditez pour affaiblir les pollutions mentales que sont l’avidité, l’aversion et la vision erronée des choses, et continuez jusqu’à y mettre un terme définitif. Quand « ce qui sait » est encore dans l’erreur et s’attache à l’idée d’un soi, il reprend naissance. Il peut devenir un animal, un être humain, un être céleste, Indra ou un dieu Brahma mais, quoi qu’il devienne, il souffrira dans cet état. Tant que l’on s’attache aux éléments et aux agrégats, au nom et à la forme, et que l’on n’a pas conscience de la façon dont on peut se défaire des pollutions mentales, la souffrance règne dans le monde. On dit des cinq agrégats qu’ils sont « la souffrance du monde » car, quand on s’y attache comme étant « moi » et « miens », c’est justement là que la masse de souffrance apparaît. Nous sommes assis juste sur le monceau de souffrance, au milieu du feu de l’avidité, de l’aversion et de l’ignorance. Le feu embrase et brûle notre cœur en permanence.

Nous méditons en ce moment pour rassembler notre esprit en « ce qui sait », de façon à éteindre les feux qui brûlent notre cœur. Ne gardez pas en vous le feu de la colère. Lâchez-le. Il est inutile de vous mettre en colère contre qui que ce soit. Si vous ressentez de la jalousie ou de l’animosité envers quelqu’un, abandonnez-la. Ne permettez pas à l’esprit de se laisser aller à ces sentiments. Ainsi vous veillerez à la pureté de « ce qui sait » de jour comme de nuit et dans toutes les postures – assis, debout, en marchant ou couché. Ainsi vous ne vous attacherez pas au « moi » et au « mien ». Les agrégats n’appartiennent à personne ; ce sont des phénomènes naturels du monde. Dès que « ce qui sait » prend naissance avec un nom et une forme, il a tendance à se saisir de ce nom et de cette forme comme lui étant personnels. Mais un nom et une forme peuvent-ils durer indéfiniment ? Si c’était le cas, personne ne mourrait, personne ne tomberait malade, personne n’aurait mal ou ne vieillirait parce que les agrégats feraient ce qu’on leur demanderait. C’est parce que les agrégats ne font pas ce qu’on leur demande que le Bouddha nous a appris à ne pas nous y attacher et à les voir clairement avec une sagesse pénétrante. Sans vision pénétrante de leur nature réelle, nous souffrons. Alors, ne tombez pas bêtement dans le piège de l’attachement ; c’est la souffrance du monde. Quand « ce qui sait » a lâché toute saisie, il est vacuité, il est en méditation, il est frais et détendu.

Toutes les différentes formes de confusion mentale viennent de notre compréhension erronée des choses. L’esprit agité se bat pour posséder ; il veut avoir, il veut être – en d’autres termes, il désire. Libérez votre esprit du désir et de l’attachement. Essayez d’éviter d’y accumuler quoi que ce soit. Faites en sorte que « ce qui sait » dans l’instant présent soit rayonnant et pur. Méditez. Enracinez fermement votre esprit. Rassemblez « ce qui sait » en lui-même et n’essayez pas de savoir ce qui se passe à l’extérieur. Que la connaissance intérieure habite votre cœur. Quelle que soit la position du corps, que « ce qui sait » soit conscient de lui-même à tout moment.

Si une mauvaise pensée apparaît, lâchez-la. Si une bonne pensée apparaît, développez-la. Ici, la bonne pensée que nous décidons de développer est exemplifiée par la répétition de Bouddho. Nous la développons ou nous nous concentrons dessus intérieurement pour que notre esprit soit paisible et heureux. Nous évitons toute agitation et inquiétude à propos des éléments et des agrégats, à propos du corps et de l’esprit des autres. Nous ne les laissons pas pénétrer en nous. Quand l’esprit est ainsi, paisible et heureux, on dit que « Bouddho » règne dans le cœur. Autrement dit, « ce qui sait » est présent et éveillé.

Pour obtenir un calme intérieur aussi ferme et durable, il faut aller à contre-courant et se tourner vers l’intérieur. Vous comprendrez alors la pratique du Dhamma avec l’attention et la sagesse qui sont présents dans le cœur. Si on ne va pas à contre-courant et que l’on ne se tourne pas vers l’intérieur, la recherche de la vertu à l’extérieur est sans fin. La vérité et la vertu ne se trouvent pas sous la terre ou la mer, pas plus que dans les cieux ni l’espace. Elles se trouvent dans notre bonne volonté, quand l’esprit fait l’effort d’abandonner le mal et de développer le bien. Quand l’esprit se retrouve là, il devient vaste, frais et détendu, il est établi dans la pratique du Dhamma. Assis, on est en méditation en posture assise ; debout on est en méditation en posture debout ; quand on marche, on est en méditation en marchant, et, couché, on est en méditation jusqu’au moment où on s’endort. Dès que nous nous réveillons, nous reprenons la récitation silencieuse de Bouddho, nous faisons de Bouddho le centre de notre attention. Où que l’esprit aille, nous ne le suivons pas. Nous abandonnons toutes les allées et venues du mental et nous nous posons pour demeurer dans le présent.

« Ce qui sait » est là, en nous ; tout le reste ne fait que passer. La vérité est en « ce qui sait ». Voyez clairement que, depuis notre naissance dans ce monde, « ce qui sait » a toujours été présent dans le corps. Où que nous allions, le corps y va aussi. « Ce qui sait » ne peut échapper au corps et à l’esprit. Il entraîne le corps ici et là. Quand nous nous asseyons, c’est le corps qui s’assoit et quand nous nous allongeons, c’est le corps qui s’allonge. C’est ainsi que « ce qui sait » est amené à croire qu’il est le nom et la forme et il s’y attache alors que ce ne sont que des réalités provisoires du monde. Comme il ne comprend pas comment il peut s’en extirper et les lâcher, les pollutions de l’avidité, de l’aversion et de la pensée erronée ne cessent de s’accumuler.

Alors, quand nous étudions le bouddhisme – que ce soit au travers du Dhamma ou de la discipline monastique – après avoir étudié, nous devons mettre ces enseignements en pratique. Nous devons fermement poser « ce qui sait » en lui-même. Nous devons garder l’esprit tourné vers l’intérieur, ne pas lui permettre de vagabonder ni laisser une vision erronée et brouillée des choses être attirée par les objets du monde matériel.

Prenez la ferme résolution de faire l’effort qu’il faudra pour cela. Aspirez à vous libérer des pollutions mentales. Avidité, aversion et ignorance de ce qui est sont toutes présentes dans l’esprit, alors faites l’effort de les abandonner ici-même. Soyez vigilant et veillez sur votre esprit dans cet instant présent. Récitez Bouddho ici-même. Posez-vous en « ce qui sait ». Quand nous avons ainsi établi la connaissance intérieure, quelle que soit notre position, nous sommes toujours en méditation. Assis ici, nous pouvons réciter Bouddho en silence sans être distraits, sans être trompés par l’extérieur. Nous avons été dupés par le monde extérieur pendant un nombre incalculable de vies. Ne le soyons plus à présent.



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Citation:
Réapprendre à méditer
Ajahn Mahā Boowa

Traduit par Jeanne Schut

Extrait du livre intitulé Arahattamagga Arahattaphala, la Voie de l’Arahant.


Ajahn Mahā Boowa est l’un des grands disciples d’Ajahn Mun, ce vénérable maître qui redonna toute sa force à la Tradition de la Forêt thaïlandaise au début du XXe siècle. Il transmet ici sa propre expérience de méditant sur la Voie du Bouddha.



De nos jours, tout ce qu’il reste du bouddhisme, ce sont les paroles du Bouddha. Seuls ses enseignements – « les Ecritures » – demeurent. Je vous demande d’être bien conscient de cela. A cause de la corruption due à la nature trompeuse des kilesa [les pollutions mentales que sont l’avidité, l’aversion et les concepts erronés], les authentiques principes spirituels ne sont plus pratiqués aujourd’hui. Nous permettons constamment à notre esprit d’être agité et confus, submergé par les pollutions mentales qui nous assaillent de toutes parts. Elles dominent tellement notre esprit que nous ne nous élevons jamais au-dessus de ces influences contagieuses, même si nous essayons – et la grande majorité ne s’y intéresse même pas assez pour essayer. Les gens ferment simplement les yeux et laissent l’assaut les envahir sans essayer d’y résister le moins du monde. Comme ils n’ont pas la claire conscience qui leur permettrait d’être attentifs aux conséquences de leurs pensées, tout ce qu’ils pensent et tout ce qu’ils font et disent sont des manifestations des kilesa qui les assaillent. Il y a tellement longtemps qu’ils se sont soumis à la puissance de ces forces néfastes qu’ils n’ont plus, maintenant, de motivation pour retenir leurs pensées égarées. En l’absence de l’attention, les kilesa agissent impunément, jour et nuit, dans toutes les sphères d’activité. Ce faisant, ils ne cessent d’alourdir et d’oppresser le cœur et l’esprit des gens, partout dans le monde, avec dukkha [le mal-être, la souffrance].

Au temps du Bouddha, ses disciples directs étaient de vrais pratiquants. Ils renoncèrent au monde dans le but précis de transcender dukkha. Quel que fût leur statut social, leur âge ou leur sexe, quand ils se firent ordonner sous la direction du Bouddha, ils changèrent leurs façons habituelles de penser, d’agir et de parler pour se conformer au Dhamma [la vérité de ce qui est, de la nature]. Rejetant les kilesa, les disciples cessèrent de les suivre dès ce moment-là. Avec sérieux, effort et détermination, ils mirent toute leur énergie à purifier leur cœur, à le nettoyer de la contamination des kilesa.

Pour un méditant, le sérieux dans l’effort signifie principalement essayer de maintenir une attention présente et consciente, stable et continue, s’efforcer de veiller constamment sur tous les mouvements de l’esprit. Quand l’attention préside à toutes nos activités mentales et émotionnelles, à tout moment et dans toutes les postures, cela s’appelle « l’effort juste ». Que nous soyons en train de méditer ou pas, si nous nous efforçons sérieusement de garder notre esprit fermement centré sur l’instant présent, nous repoussons constamment la menace que représentent les kilesa. Les kilesa travaillent sans relâche à éveiller en nous des pensées relatives au passé et à l’avenir, ce qui distrait l’esprit, l’éloigne du moment présent et de la présence attentive qui maintient notre effort.

C’est pour cela que les méditants ne doivent pas laisser leur esprit vagabonder dans des pensées sur le monde, le passé et l’avenir. De telles pensées sont inévitablement liées à des kilesa et, par conséquent, elles entravent la pratique. Au lieu de suivre la tendance des kilesa à se tourner vers les affaires du monde extérieur, les méditants doivent se tourner vers l’intérieur et devenir conscients du monde de l’esprit. C’est essentiel.

C’est en grande partie parce qu’ils ne sont pas suffisamment déterminés à appliquer les principes de base de la méditation que beaucoup de méditants ne parviennent pas à obtenir des résultats satisfaisants. Je demande toujours à mes étudiants d’être très précis dans leur quête, et d’avoir un point de focalisation clair et spécifique dans leur méditation. De cette façon, ils sont sûrs d’obtenir de bons résultats. Il est important de trouver un objet d’attention approprié pour préparer correctement l’esprit à ce genre de travail. Je recommande généralement un « mot de méditation » préparatoire. La répétition mentale continue de ce mot agit comme une ancre qui pose rapidement l’esprit du méditant dans un état de calme méditatif et de concentration. Si le méditant se contente de concentrer son attention sur la présence d’une conscience dans l’esprit, sans un mot de méditation pour l’ancrer, les résultats seront inévitablement décevants. La présence connaissante de l’esprit est trop subtile pour offrir une base d’attention suffisamment ferme, de sorte que l’esprit ne tarde pas à vagabonder dans les pensées et les distractions, attiré par l’appel des sirènes des kilesa. A ce moment-là, la pratique de la méditation devient irrégulière. Par moments, elle semble progresser facilement, presque sans effort, pour soudain devenir étrangement difficile. Elle vacille et tout progrès semble perdu. Sa confiance ébranlée, l’esprit reste embourbé là. Par contre, si on utilise un mot de méditation comme une ancre qui retient solidement notre attention, l’esprit ne peut manquer d’atteindre un état de calme méditatif et de concentration dans les plus brefs délais. Il lui sera également possible de maintenir aisément cet état de calme.

Je parle par expérience personnelle. Quand j’ai commencé à méditer, ma pratique manquait de fondations solides. Comme je n’avais pas encore trouvé la bonne méthode pour veiller sur mon esprit, ma pratique était dans un état constant de flux et de reflux. Elle progressait régulièrement pendant un temps pour ensuite décliner rapidement et retomber dans son état originel de confusion. Comme je déployais des efforts intenses, mon esprit parvenait à atteindre un état de samādhi, calme et concentré, qui me semblait aussi stable et solide qu’une montagne. Cependant, n’ayant pas la méthode adéquate pour maintenir cet état, je me détendais, me reposais sur mes lauriers … et ma pratique déclinait. Or, quand elle commençait à se détériorer, je ne savais pas comment renverser le processus. Alors, j’ai longuement réfléchi pour trouver une base ferme sur laquelle je pouvais espérer stabiliser mon esprit. J’ai fini par conclure que l’attention m’avait déserté parce que mes bases étaient mauvaises : il me manquait un mot de méditation pour servir de point de focalisation à mon attention.

Je dus reprendre ma pratique à zéro. Cette fois, je commençai par enfoncer profondément un pieu dans le sol et je m’y attachai fermement quoi qu’il arrivât. Ce pieu, cette fondation, c’était bouddho, le mot qui rappelle la présence du Bouddha. Ce mot de méditation bouddho devint le seul objet de ma concentration mais je veillai aussi à ce que l’attention préside toujours à cet effort. Toute pensée de progrès ou d’échec fut mise de côté ; j’étais décidé à laisser advenir ce qui devait advenir. J’étais déterminé à ne pas me réfugier dans mes modes de penser habituels : revenir sur le passé, comme penser au temps où ma pratique était bonne et comment elle s’était détériorée ; imaginer l’avenir, comme espérer que, grâce à mon puissant désir de réussite, le sentiment de contentement que j’avais autrefois referait surface de lui-même. En laissant mes pensées s’évader de cette manière, je n’avais pas réussi à créer la « condition » qui aurait pu entraîner les résultats désirés ; tout ce que je voulais, c’était constater un progrès mais, à chaque fois, j’avais été déçu car ce progrès n’arrivait pas. Car, il faut le dire, le désir de réussite n’engendre pas la réussite ; seul un effort plein de présence attentive y parvient.

Cette fois, je résolus de laisser arriver ce qui arriverait. M’inquiéter d’un progrès ou d’un échec avait été source d’agitation et m’avait distrait, m’éloignant de l’instant présent et de la tâche à accomplir. Seule la répétition pleinement consciente de bouddho pouvait empêcher ma méditation d’avoir des hauts et des bas. Il était capital que je centre mon attention sur la conscience de l’instant présent. Les pensées vagabondes ne devaient plus être autorisées à perturber la concentration.

Pour pratiquer la méditation sérieusement dans le but de mettre un terme à toute souffrance, vous devez être entièrement engagé dans ce que vous faites, à chacune des étapes du chemin. Rien de moins qu’un engagement total permettra d’y parvenir. Pour aller jusqu’aux niveaux les plus profonds du samādhi [la méditation de la concentration] et toucher aux niveaux les plus profonds de la sagesse, vous ne pouvez pas vous permettre d’être « tiède » et indolent, toujours hésitant parce qu’il vous manque les principes fermes qui doivent guider votre pratique. Les méditants qui ne sont pas fermement engagés dans les principes de leur pratique peuvent méditer leur vie entière sans obtenir les résultats recherchés. Dans les premières étapes de la pratique, vous devez trouver un objet de méditation stable qui va ancrer votre esprit. Ne vous fixez pas négligemment sur un objet ambigu comme la conscience toujours présente en tant que nature intrinsèque de l’esprit. Sans un objet d’attention précis pour soutenir votre esprit, il sera pratiquement impossible d’empêcher votre attention de s’échapper. C’est la formule garantie pour l’échec. Au bout du compte, vous serez déçu et vous n’aurez plus envie d’essayer.

Quand l’attention perd son point d’ancrage, les kilesa s’engouffrent pour attirer votre attention vers un lointain passé ou un futur à venir. L’esprit s’agite et vagabonde dans le paysage mental sans jamais rester un instant calme ni satisfait. Voilà comment les méditants perdent pied en voyant leur pratique de méditation s’effondrer. Le seul antidote est un point d’attention unique et simple comme un mot de méditation ou la respiration. Choisissez celui qui semble vous convenir le mieux et puis concentrez-vous fermement sur cet unique objet à l’exclusion de tout autre chose. Un engagement total est essentiel à cette tâche.

Si vous choisissez la respiration comme point d’ancrage, prenez pleinement conscience de chaque inspiration et de chaque expiration. Soyez attentif à la sensation créée par le mouvement de la respiration et fixez votre attention sur le point où cette sensation est la plus clairement perçue, où la sensation de la respiration est ressentie le plus fort – par exemple, au bout du nez. Assurez-vous que vous êtes conscient de l’instant où l’air entre et de l’instant où il sort mais ne le suivez pas tout le long – restez simplement centré sur le point par lequel l’air passe. Si cela peut vous aider, ajoutez à cette observation la répétition silencieuse du mot bouddho en pensant boud- au point de l’inspiration et –dho au point de l’expiration. Ne permettez pas à des pensées vagabondes d’interférer dans votre pratique. Il s’agit d’un exercice d’attention à l’instant présent, alors demeurez vigilant et pleinement attentif.

Tandis que l’attention se stabilise peu à peu, l’esprit va cesser de prêter attention aux pensées et aux émotions négatives. Il va perdre tout intérêt pour ses préoccupations habituelles. N’étant pas distrait, il se stabilisera de plus en plus dans le calme et la tranquillité. En même temps, la respiration qui, au début, était assez grossière, va devenir plus fine au point même de disparaître complètement de votre conscience. Elle devient si subtile et fine qu’elle finit par disparaître. A ce moment-là, il n’y a pas de respiration consciente ; seule demeure la nature connaissante essentielle de l’esprit.

Mon choix fut de méditer avec bouddho. Dès l’instant où je pris cette résolution, j’empêchai mon esprit de s’éloigner de la répétition du mot bouddho. Depuis le moment où je me réveillais le matin jusqu’au moment où je m’endormais le soir, je m’efforçais de ne penser qu’à bouddho. En même temps, je cessai de me préoccuper de notions de succès ou d’échec : si ma méditation devait progresser, elle progresserait avec bouddho ; si elle devait échouer, elle échouerait avec bouddho. Dans tous les cas, bouddho était ma seule préoccupation. Tout le reste ne me concernait plus.

Maintenir une telle concentration sur un seul objet n’est pas chose facile. Je dus littéralement forcer mon esprit à rester lié à bouddho à tout moment et sans interruption. Que je sois assis en méditation, en train de marcher en méditation ou simplement en train d’accomplir mes tâches quotidiennes, le mot bouddho résonnait profondément dans mon esprit à tout moment. De par ma nature, j’ai toujours été extrêmement déterminé et de caractère entier ; dans la situation, cette tendance fut un avantage. Je finis par être si sérieusement engagé dans cette tâche que rien n’aurait pu ébranler ma résolution. Aucune pensée vagabonde ne pouvait séparer mon esprit de bouddho.

Travaillant à cette pratique jour après jour, je veillais constamment à ce que bouddho résonne en harmonie avec ma conscience de l’instant présent. Bientôt, je vis les résultats de calme et de concentration apparaître clairement dans le citta, la nature connaissante essentielle de l’esprit. C’est à ce stade que je commençai à voir la nature très fine et très subtile du citta. Plus j’intériorisais bouddho, plus le citta devenait subtil jusqu’au moment où la subtilité de bouddho et la subtilité du citta se fondirent l’une dans l’autre pour ne faire qu’une seule et même essence de connaissance. Je ne pouvais pas séparer bouddho de la nature subtile du citta. J’avais beau essayer, je ne parvenais pas à faire apparaître le mot bouddho dans mon esprit. Grâce à mon application et à ma persévérance, bouddho était devenu si étroitement unifié au citta que le mot lui-même n’apparaissait plus dans ma conscience. L’esprit était devenu si calme et paisible, si profondément subtil, que rien, pas même bouddho, ne résonnait en lui. Cet état méditatif est similaire à la disparition du souffle mentionnée ci-dessus.

Quand cela se produisit, je me sentis désorienté. J’avais basé toute ma pratique sur le maintien incessant de la répétition de bouddho mais, maintenant que bouddho n’était plus apparent, où allais-je poser mon attention ? Jusqu’à ce moment-là, bouddho avait été mon point d’ancrage et, maintenant, il avait disparu ! J’essayai de toutes mes forces de retrouver ce point de concentration mais il était perdu. J’étais dans une impasse. Tout ce qui restait, à ce moment-là, c’était la nature connaissante profondément subtile du citta, une conscience pure et simple, brillante et claire. Il n’y avait, dans cette conscience, rien de concret à quoi m’attacher.

Je réalisai alors que rien n’envahit la sphère d’attention de l’esprit quand la conscience – sa présence connaissante – atteint un niveau aussi subtil et profond. Je n’avais plus de choix : ayant perdu bouddho, il ne me restait qu’à concentrer mon attention sur le sentiment essentiel de conscience et de connaissance qui était omniprésent et prépondérant à ce moment-là. Cette conscience-là n’avait pas disparu ; au contraire, elle pénétrait tout. Toute l’attention qui avait été concentrée sur la répétition de bouddho se concentra alors fermement sur la très subtile présence connaissante du citta calme et focalisé. Mon attention demeura fermement fixée sur cette subtile essence connaissante jusqu’à ce que, au bout d’un certain temps, elle commence à diminuer d’intensité, ce qui permit à ma conscience normale de se rétablir.

Tandis que la conscience normale revenait, bouddho réapparut. Je recentrai donc aussitôt mon attention sur la répétition de mon mot de méditation. Bientôt, ma pratique quotidienne prit un nouveau rythme : je me concentrais intensément sur bouddho jusqu’à ce que la conscience arrive dans l’état clair et lumineux de la nature connaissante essentielle de l’esprit ; ensuite je restais absorbé dans cette subtile présence connaissante jusqu’au retour de la conscience normale ; après quoi je me recentrais sur la répétition de bouddho avec encore plus d’énergie.

C’est à ce stade que je commençai à acquérir des fondations solides dans ma pratique de la méditation. Dès lors, je progressai régulièrement sans jamais plus subir de revers. De jour en jour, mon esprit devenait plus calme, paisible et concentré. Les hauts et les bas qui m’avaient longtemps affligé cessèrent d’être un problème. Mes soucis par rapport au niveau de ma pratique étaient remplacés par une attention ancrée dans l’instant présent. L’intensité de cette présence attentive était incompatible avec des pensées sur le passé ou l’avenir. Mon centre d’activité était le moment présent : chaque répétition silencieuse de bouddho qui apparaissait et disparaissait. Je ne m’intéressais à rien d’autre. Je finis par être convaincu que la raison des hauts et des bas que mon esprit avait connus autrefois était l’absence d’attention stable – car je n’avais pas de mot de méditation pour la stabiliser. Je m’étais contenté de me concentrer sur un sentiment général de présence intérieure sans objet spécifique, permettant ainsi à mon esprit de s’éloigner facilement quand des pensées intervenaient.

Lorsque j’eus compris la méthode appropriée à ce premier stade de la méditation, je m’appliquai à la tâche avec un engagement tellement sérieux que je refusai de laisser l’attention retomber, ne serait-ce qu’un instant. Commençant le matin au réveil et continuant jusqu’à la nuit au sommeil, j’étais consciemment présent à ma méditation à chaque instant de veille. C’était une tâche difficile qui nécessitait la plus haute concentration et la plus grande persévérance. Je ne pouvais pas me permettre de baisser ma garde et de me détendre un seul instant. Etant aussi intensément concentré sur l’intériorisation de bouddho, je remarquais à peine ce qui se passait autour de moi. Mes interactions normales de tous les jours se faisaient dans une espèce de brouillard mais bouddho était toujours très clairement présent dans ma concentration. Mon engagement envers mon mot de méditation était absolu. Avec cette fondation solide qui soutenait ma pratique, le calme mental et la concentration devinrent inébranlables ; ils me donnaient l’impression d’être aussi solides et indestructibles qu’une montagne.

Finalement, ce fut cette condition de l’esprit solide comme le roc qui devint le point de focalisation principal de mon attention. Tandis que le citta gagnait une stabilité intérieure toujours plus grande – ce qui permettait un degré d’intégration encore plus élevé – le mot de méditation bouddho commença à s’effacer de la conscience, ne laissant derrière lui que l’état calme et concentré de la nature connaissante essentielle de l’esprit. Celle-ci était désormais perçue prédominante et seule. A ce stade, l’esprit était arrivé au samādhi, à un état d’intense concentration qui avait surgi spontanément, indépendamment de toute technique de méditation. Parfaitement calme et unifiée, la présence connaissante elle-même devint le seul objet de mon attention ; c’était une condition d’esprit si prééminente et puissante que rien n’aurait pu la déloger. L’esprit était dans un état dit de « samādhi continu » – en d’autres termes, le citta était samādhi : tous deux ne faisaient plus qu’un.

A propos des niveaux profonds de la pratique méditative, il faut savoir qu’il existe une différence fondamentale entre l’état de calme méditatif et l’état de samādhi. Quand l’esprit s’unifie et tombe dans un état calme et concentré pendant un certain temps puis revient à sa conscience normale, cela s’appelle un « calme méditatif ». Le calme et la concentration sont des conditions temporaires qui durent le temps que l’esprit reste fixé dans cet état paisible. Lorsque la conscience normale revient, ces conditions extraordinaires se dissipent rapidement. Cependant, quand le méditant se familiarise de plus en plus avec cette pratique, qu’il est capable d’entrer et de sortir de cet état à volonté, l’esprit commence à construire de solides fondations intérieures. Quand ces fondations deviennent inébranlables en toutes circonstances, on dit que l’esprit est dans un état de « samādhi continu ». Dès lors, même quand l’esprit se retire de son calme méditatif, il demeure solide et compact comme si rien ne pouvait perturber sa concentration intérieure.

Le citta qui est constamment unifié en samādhi est toujours égal et calme ; il donne un sentiment de satiété. Du fait de cette unité intérieure très dense et concentrée, les pensées et les émotions du quotidien n’ont plus d’impact sur l’esprit. Dans cet état, l’esprit n’a aucune envie de penser. En totale paix, parfaitement satisfait, il a le sentiment que rien ne lui manque.

Dans un tel état de calme et de concentration continus, le citta devient très puissant. Alors qu’autrefois l’esprit avait soif de pensées et d’émotions, désormais il les évite soigneusement. Avant, il ne pouvait pas s’empêcher de penser et d’imaginer des choses à l’infini et maintenant, avec le samādhi comme condition normale de base, l’esprit n’a aucun désir de penser à quoi que ce soit ; il considère la pensée comme une perturbation malvenue. Comme la présence connaissante essentielle de l’esprit se manifeste clairement à tout moment, le citta est tellement concentré, à l’intérieur, qu’il ne tolère aucune perturbation.

A cause de cette sublime tranquillité et de la tendance du samādhi à créer un sentiment de satisfaction sereine, ceux dont l’esprit a atteint le samādhi continu ont tendance à s’y attacher avec force. Cela dure jusqu’au moment où ils atteignent le niveau de pratique où la sagesse prend le pas sur le calme mental. Alors les résultats deviennent encore plus satisfaisants ...

http://www.dhammadelaforet.org/sommaire/maha_boowa/reapprendre_mediter.html
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fifi



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MessagePosté le: Mar 10 Mai, 2011 13:36    Sujet du message: Répondre en citant

Voilà de quoi approfondir nos lectures... et notre pratique
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Les seules connaissances qui puissent influencer le comportement d'un individu sont celles qu'il découvre lui-même et qu'il s'approprie. (Carl R ROGERS)
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Axiste



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Messages: 85

MessagePosté le: Mar 10 Mai, 2011 14:46    Sujet du message: Répondre en citant

oh la la, ce sont des très beaux textes, mais j'ai peur que mes yeux fassent la tête, je vais y aller doucement (oui, de la douceur je ne veux que ça, et mes yeux approuvent)...
Le premier texte me fait penser à un truc : l'autre jour j'étais en balade et soudain j'ai eu l'impression que mes jambes marchaient toutes seules; c'était huilé, facile, et leur énergie semblait décuplée…ça m'a fait un peu peur au début, je me suis dite que je devenais complètement folle…puis, j'ai accepté la sensation étrange de ne plus contrôler les choses et j'ai regardé mes jambes marcher toutes seules…après mes parents m'ont parlé (oui, j'étais chez eux en Bretagne alors…) et je n'y ai plus vraiment pensé…je me suis dite que j'avais rêvée, et puis, j'y ai repensé ensuite: du coup je suis retournée marcher au parc près de chez moi, mais bien entendu, tout s'était envolé…

Pendant cette expérience, je me voyais encore faire, je voyais mes pas, j'étais donc consciente (enfin c'était pas une vision, plus peut-être un ressenti ou entre les deux…) Enfin non, c'était pas un ressenti parce qu'alors j'étais pas mon corps. Je ne sais pas ce que c'était. Bon, pas de mots adéquates. Donc je me dis que je contrôle toutes ces choses, tout le temps…mais bon, voilà...nous contrôlons notre corps sans vraiment en être conscient...il peut certainement y avoir une grande détente me suis-je dit...
et cette sensation de ne pas être mon corps, c'était trop étrange...
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