Forum Mettâ Index du Forum Forum Mettâ
Bouddhisme originel
 
 FAQFAQ   RechercherRechercher   Liste des MembresListe des Membres   Groupes d'utilisateursGroupes d'utilisateurs   S'enregistrerS'enregistrer 
 ProfilProfil   Se connecter pour vérifier ses messages privésSe connecter pour vérifier ses messages privés   ConnexionConnexion 

En quoi le Nibbâna se distingue-t-il de la mort ?

 
Ce forum est verrouillé; vous ne pouvez pas poster, ni répondre, ni éditer les sujets.   Ce sujet est verrouillé; vous ne pouvez pas éditer les messages ou faire de réponses.    Forum Mettâ Index du Forum -> Dhamma - Enseignements
Voir le sujet précédent :: Voir le sujet suivant  
Auteur Message
Chaosophe



Inscrit le: 13 Avr 2008
Messages: 125

MessagePosté le: Mar 15 Mar, 2011 14:00    Sujet du message: En quoi le Nibbâna se distingue-t-il de la mort ? Répondre en citant

Un des problèmes les plus épineux est de distinguer Nibbâna du néant. L’enjeu est ici de prouver que le bouddhisme n’est pas un nihilisme, ie. une doctrine de l’aspiration au néant. Buddhagosa aborde ce point (VM, XVI), pour distinguer le Theravada du Sautrantika, accusé par le Mahayana d’être nihiliste. La question se pose, et a été posée du temps du Bouddha, lequel devait donc prouver qu’il y a une différence entre le Nibbâna et la mort, entre un Eveillé et un cadavre. Et de fait, cette différence est subtile, comme nous le verrons – preuve que la question est légitime. L’argument de Buddhagosa est simple : le Nibbâna n’est pas le néant, il n’est pas non-existant, car il doit exister pour être réalisé par la pratique du chemin. Nibbâna semble avoir une nature négative, parce qu’il est défini comme l’« arrêt » ou la « cessation » du corps et de l’esprit auxquels on s’attache (les « 5 agrégats d’attachement »). Seulement il peut être atteint durant une existence individuelle, pendant que les agrégats demeurent encore présents. Nibbâna n’est pas non plus uniquement la destruction des flux du désir et de la pensée (âsava ; cf. SN 38 : 1), car il n’est pas temporel (il n’apparait pas dans le temps) et n’est pas non plus conditionné. Dire que Nibbâna est la fin des « trois poisons » (attraction, répulsion, ignorance) n’est qu’une image métaphorique : Nibbâna est bien plutôt la réalité inconditionnée qui détruit les flux mentaux. Si les textes parlent de Nibbâna en termes négatifs, ce n’est pas qu’il n’est rien, mais c'est qu’il est extrêmement subtil : il n’est rien de ce que nous connaissons dans l’expérience ordinaire. Par exemple, il n’est pas créé ou fabriqué, il est « le non fabriqué », l’inconfectionné (akrita). On pourrait objecter qu’il est créé parce qu’il est atteint en suivant le chemin ; mais en réalité il n’est pas produit par le chemin. Nibbâna est donc incréé, sans commencement, et libre de vieillesse et de mort. Pourvu d’une nature ultime, il n’est pas non existant, car il est accessible à la connaissance au terme d’une pratique persévérante, ie. qu’il peut être expérimenté par soi-même. C'est la raison pour laquelle le Bouddha dit qu’« il y a un non né, non causé, non créé, non formé » (Ud 73; It 45) ; car « si un non-né n’existait pas », on ne pourrait connaître aucune libération à l’égard de ce qui est né et produit, ie. qu’on ne pourrait mettre fin aux agrégats d’attachement. On voit que l’existence du Nibbâna n’est pas un dogme auquel la croyance devrait se soumettre, mais « une conclusion raisonnée », ie. qu’elle peut être vérifiée ou validée par un raisonnement rigoureux, comme le rappelle Acariya Dhammapala dans son commentaire au Vissuddhi Magga (Paramatthamañjusa). Le Bouddha le caractérise comme « le non formé » (SN 43 : 12), une « réalité (dhamma) sans condition », une « réalité (dhamma) non formée » (Dhammasangani, Abhidhamma Pitaka). Il s’agit d’une « dimension où il n'y a ni terre, ni eau, ni feu, ni vent ; ni dimension de l'infinitude de l'espace », ni aucune autre absorption méditative (jhâna), « ni ce monde, ni le prochain monde, ni soleil, ni lune. Et là, dis-je, il n'y a ni allée, ni venue, ni stase ; ni cessation ni naissance: sans position, sans fondation, sans support [objet mental]. Ceci, juste ceci, est la fin de la "souffrance" (dukkha) » (Ud VIII.1). Plus précisément, Nibbâna est caractérisé comme « l’apaisement de toutes les énergies causales, l’abandon de tout substrat de l’existence » (DN 14 ; MN 26). Si Nibbâna n’existait pas, il ne pourrait être décrit comme « profond, difficile à voir… », ni qualifié par les 33 désignations que l’on trouve dans certains textes (SN 43 : 12-44), ni caractérisé comme « kammiquement neutre, sans condition, non inclus [dans les 3 domaines de l’existence] » (Dhammasangani).
On voit la difficulté : Nibbâna n’est pas inexistant, mais il est généralement décrit en termes négatifs. Il faut donc conclure que Nibbâna n’est pas un être, une entité ou un état réellement existant ; mais les textes prouvent son existence pour le distinguer du néant. En fait, il n’existe pas au sens ordinaire, puisque le terme « existence » s’applique généralement aux corps et aux esprits. C'est ce qui fait que Nibbâna est indescriptible au sens strict (avacaniya). Reste qu’il est dépourvu d’essence ou de substance : la doctrine de l’absence d’en soi (anatta) s’applique à lui. Comme elle est singulière, cette doctrine qui, depuis plusieurs millénaires, fait l’éloge d’une réalité ultime sans jamais tomber dans la facilité d’y voir un être éternel et divin ! Le pratiquant ne recherche rien en particulier : tout au plus vise-t-il à éliminer ce qui est en trop. Mais qu’est-ce qui est en trop ? Tout simplement l’ensemble de la « réalité » perçue ordinairement, ie. ce qui est conditionné, causé, changeant, douloureux. Mais si le pratiquant cherche à éliminer la réalité ordinaire, il ne souhaite pas non plus le néant, la destruction de la totalité du réel : parce que Nibbâna est une réalité à part entière, irréductible ou inéliminable ; et parce que « le désir de non-existence (abhavatanha) » est un obstacle à l’Eveil. Le pratiquant ne désire ni l’être, ni le devenir, ni le néant, mais il ne les rejette pas non plus : au contraire il observe, connait et comprend le devenir douloureux ; et la pratique consiste à construire un devenir original, constitué d’un ensemble d’actes purs (concentrés, lucides, spontanés et véritablement efficaces ; cf. Lilian Silburn, Instant et Cause).


Qualifier la libération de « cessation », c'est une manière de contester l’idée d’évolution psychologique, de progrès graduel résultant d’un effort volontaire et conscient. En réalité il n'y a pas d’évolution : l’Eveil est une révolution, ie. une inversion complète des rapports ordinaires (ce qui paraissait faux apparait vrai, ce qui paraissait plaisant apparait douloureux, etc.).

L’Eveil ne signifie pas une tranquillité bovine et paresseuse ou un contentement béat, dans lequel tout serait fadeur, abandon de la lutte et austère renoncement castrateur ; il s’agit au contraire de la vie véritablement vécue, sans refuge psychologique ni évasion, la perception immédiate, lucide et sans mots de la réalité, donc l’affrontement et la résolution direct de tout les conflits intérieurs.

Nibbâna exprime la grandeur d’âme, la magnanimité, la maitrise, l’absence de toute tension, l’extrême résistance et dureté, la simplicité naturelle, la lucidité courageuse, la parfaite intégration des fonctions psychiques et physiologiques.

N’oublions pas que, si le Nibbâna est comparé à l’état de la flamme éteinte, c'est que, pour la physique de l’époque du Bouddha, un feu éteint se trouve dans un état latent, indépendant d’un combustible, donc sans support, ie. libre. L’Eveillé ne saisit rien, ne s’appuie ou se fonde sur rien, demeure sans attache, sans obstacle, donc libre (au sens où l’on parle d’un « électron libre » ou d’une « chute libre »).


Dernière édition par Chaosophe le Ven 18 Mar, 2011 14:18; édité 1 fois
Revenir en haut de page
Voir le profil de l'utilisateur Envoyer un message privé
Adrien



Inscrit le: 31 Aoû 2008
Messages: 205
Localisation: Toulouse

MessagePosté le: Mer 16 Mar, 2011 16:06    Sujet du message: Répondre en citant

Merci Chaosophe, très intéressant. Ça me rappelle que dans la troisième Noble Vérité, ce que le Bouddha désigne par l'extinction de tanha n'est pas nibbana mais nirodha (nibanna ne dépend de rien et n'est pas créé par l'extinction de tanha). Bien sûr, à ce moment là nibbana "est dévoilé", mais c'est justement ce "dévoilement" qui est conditionné et non nibbana lui-même.

Sur ce même sujet, Nyanaponika a rédigé un excellent article "Anatta et nibbana" qu'on peut trouver dans le livre "Initiation au bouddhisme".
Revenir en haut de page
Voir le profil de l'utilisateur Envoyer un message privé
Longchen



Inscrit le: 14 Jan 2011
Messages: 92

MessagePosté le: Mer 16 Mar, 2011 20:21    Sujet du message: Répondre en citant

Chaosophe a écrit:
Plus précisément, Nibbâna est caractérisé comme « l’apaisement de toutes les énergies causales, l’abandon de tout substrat de l’existence » (DN 14 ; MN 26).

Ces développements sont très intéressants, difficile d’ajouter quoique ce soit pour ma part ; je me demandais seulement : nibbana est l’inconditionné, nous sommes d’accord, mais parfois je lis aussi que nibbana c’est la paix.
Est-ce aller trop loin toutefois que de dire nibbana c’est la paix ?

Eventuellement je m’attends peut être à la réponse nibbana c’est ni la paix, ni pas la paix... Wink

Revenir en haut de page
Voir le profil de l'utilisateur Envoyer un message privé
cgigi2
Modérateur


Inscrit le: 02 Mar 2007
Messages: 793

MessagePosté le: Jeu 17 Mar, 2011 1:57    Sujet du message: Répondre en citant

avec metta Smile
gigi


_________________
Que tous soient en liaison
Avec les Bouddhas des Trois Temps
Passés, Présents et Futurs,
Ici et Maintenant.
Revenir en haut de page
Voir le profil de l'utilisateur Envoyer un message privé Visiter le site web de l'utilisateur
Chaosophe



Inscrit le: 13 Avr 2008
Messages: 125

MessagePosté le: Ven 18 Mar, 2011 14:06    Sujet du message: Répondre en citant

[quote="Longchen"]
Chaosophe a écrit:
Est-ce aller trop loin toutefois que de dire nibbana c’est la paix ?


Les textes vont dans ce sens :
Citation:

« ...l’Extinction , cette paix insurpassée (yogakkhema anuttaram) » (DmP 56).


Yogaks.ema est une ancienne expression, signifiant à l'origine "effort et repos", mais interprétée ultérieurement par les bouddhistes comme libération des jougs (yoga) que sont le désir, l'ignorance, etc. ; donc comme un équivalent de Nibbâna. On est alors « libéré de toute angoisse (bhaya) » (U.V. XXI.1).

Il y a une certaine ambiguïté sur Nibbâna : les textes le décrivent tantôt comme une réalité distincte de l'individu (la fin des "agrégats"), tantôt comme un état du sujet (l"apaisement"). C'est que cette réalité peut être connue. Elle peut donc être envisagée objectivement, comme une réalité à part entière, et subjectivement, comme un objet de conscience, voire un état d'âme. J'ai montré ailleurs (http://forumetta.free.fr/viewtopic.php?t=729) que Nibbâna signifie "l'apaisement" de toutes les énergies : il revient à « calmer tout ce qui est conditionné » (SN I (PTS éd.), p. 136, cité in RAHULA, L’Enseignement du Bouddha., p. 59), c'est-à-dire à cesser d'agir de façon mécanique, réactive et habituelle. Sa seule définition est le « non-fabriqué » (akata, Dhp § 97), ce qui n'est pas forgé par l’activité de la pensée (asaṅkhata). Je montrais également que Nibbâna n'est pas tellement l'annihilation du désir, mais sa satisfaction, le fait d'être comblé (ce n'est pas la suppression de la "soif", mais son étanchement, le fait de se désaltérer).

Autres informations sur Nibbâna

Buddhagosa le définit ainsi : il a la paix comme caractéristique, sa fonction est de ne pas mourir ou de réconforter, il est manifesté comme sans signes (sans les signes ou marques des "3 poisons") ou comme non diversité.

Nibbâna fait partie des réalités ultimes (paramattha dhamma) ; il est donc réel. C'est un phénomène mental (náma) et non pas matériel (rupa) ; il peut être expérimenté, c'est-à-dire devenir l'objet de l'esprit et des facteurs de la conscience (citta et cetasika). Mais il n'est pas conditionné, n'apparaît pas ni ne disparaît ; et il ne donne à expérimenter aucun objet, à la différence de citta et cetasika, qui expérimentent des objets et sont conditionnés.

Il est difficile de comprendre en quoi Nibbâna est "la fin de la conscience", l'arrêt de l'expérience, la cessation du corps et de l'esprit.
Citation:
« Là où le nom et la forme sont arrêtés sans trace : c'est avec la cessation de la conscience qu'ils sont amenés à s'arrêter » (SN V.1)
"Alors la conscience ne s'établit pas ni ne se développe (SN 12 : 64)

Voilà qui a mené à beaucoup de contresens : on a cru voir dans le Nibbâna une sorte de comas ou de mort cérébrale... En réalité, la fin de la conscience (viññana) est l'apparition de la science (ñana ; sagesse). Et si Nibbâna s'accompagne dans un premier temps d'une perte de conscience, il peut tout de même devenir dans un second temps un objet de conscience (l'esprit connait alors une chose incolore, inodore, etc.). Comme dit Nagasena :
Citation:
"Nibbâna peut être connu par l’esprit : un noble disciple, allant avec un esprit purifié, noble, droit, sans obstacles, sans désirs temporels, voit Nibbâna" (Milinda Panha IV 7)
« Je sais et je vois que la cessation du devenir est Nibbâna » (S I (PTS), p. 117)

On parle alors de "fin de l'expérience" parce qu'il n'y a plus d'expérimentateur, c'est-à-dire d'égo. Lorsque l'observateur et l'observé ne font plus qu'un, on ne peut plus parler d'observation. Dans ce cas, l'individu vit et agit pour ainsi dire instinctivement, immédiatement, sans que son action proviennent d'une intention ou d'une idée : c'est en ce sens qu'on peut dire de lui qu'il n'a plus de conscience. D'ailleurs, Nibbâna n'est la fin que "du corps et de l'esprit auxquels on s'attache" : mais l'individu conserve un corps et un esprit dépourvus d'attachement, qui résultent de ses actes passés (il est comme un arbre déraciné : présent en fait, mais absent en principe ou en droit, c'est-à-dire qu'il n'est plus "vivant" au sens ordinaire, il est sur le point de disparaître). C'est l'idée d'une fin du corps et de l'esprit qui peut faire croire que Nibbâna s'apparente à la mort. De toute façon les textes disent clairement qu'un Eveillé est parfaitement lucide et extraordinairement sensitif :
Citation:
"Dans le cas de celui est mort [...] ses facultés sont confuses [...]. Mais dans le cas d'un moine qui a atteint la cessation de la perception et des sensations [...] ses facultés sont exceptionnellement claires" (MN 43)

Le Nibbâna n'est pas du tout la mort : c'est la cessation de la mort, l'immortel
Citation:
"Là où il n'y a pas de production d'un devenir renouvelé, il n'y pas de mort future" (SN 12 : 64).
« Félicité de ceux qui, savent discerner l'immortel "cela" (Amatam tam vinânatam.) » (DmP. 374)

Ce qui pousse à confondre le Nibbâna et la mort, ce sont ce genre de textes :
Citation:
« Tout ce qui est ressenti, n'étant plus chéri, va se refroidir juste là » (au sujet de Parinibbâna ; MN 140 et Iti 44).
"Cela précisément est le Bonheur, que rien n’est plus ressenti » (AN 9.34).

Mais cette expérience ne dure pas plus que quelques instants de conscience ; peut-être quelques semaines dans le cas d'un Bouddha. Un éveillé n'en cesse pas pour autant d'éprouver des sensations. Et de nombreux textes insistent sur le fait qu'après son parinibbâna, un éveillé n'est ni mort ni vivant.

Nibbâna, c'est aussi "la cessation du monde" (SN 12.44) ; mais "monde" désigne ici l'expérience en général, le monde que chacun se fabrique à travers ses représentations. La disparition du monde, c'est donc l'apparition de la réalité véritable. L'individu ne perçoit plus un monde composé de choses unitaires et identiques à elles-mêmes, mais il perçoit des réalités multiples et processuelles.

Un principe à retenir de tout cela, c'est que la prétendue négativité du Nibbâna n’est que différence, altérité radicale. Nibbâna n'est RIEN de ce qu'on connaît ordinairement ; mais il est bien réel, sans être une "chose" substantielle ou une réalité conditionnée.
Revenir en haut de page
Voir le profil de l'utilisateur Envoyer un message privé
Longchen



Inscrit le: 14 Jan 2011
Messages: 92

MessagePosté le: Ven 18 Mar, 2011 19:12    Sujet du message: Répondre en citant

Bonjour Chaosophe,

Je comprends un peu mieux, tout cela est subtil si nous essayons de creuser ; Nibbana serait un peu comme boire enfin à la source et non pas de l’eau de mer (salée), eau qui elle ne peut pas étancher notre soif, la combler comme l’eau de source le peut.
Ce n'est qu'une image mais il me semble que ton propos va dans ce sens, ...toutefois il nous faut accepter aussi le point d’interrogation (Nibbana étant au delà des concepts c'est ce que je veux dire), ce qui n’est pas toujours évident pour le mental !
Equilibrer saddha (la foi/confiance) et panna (la sagesse) est un vrai travail sur le chemin vers Nibbana.

Citation:
Les cinq agrégats,
une fois compris,
se retrouvent avec leur racine
tranchée.
Pour moi
la fin du stress
est atteinte;
la fin des fermentations,
atteinte.

I.120 -- Isidatta (Theragatha)

Amitiés

Revenir en haut de page
Voir le profil de l'utilisateur Envoyer un message privé
Adrien



Inscrit le: 31 Aoû 2008
Messages: 205
Localisation: Toulouse

MessagePosté le: Sam 19 Mar, 2011 10:44    Sujet du message: Répondre en citant

Chaosophe a écrit:
Citation:
« Tout ce qui est ressenti, n'étant plus chéri, va se refroidir juste là » (au sujet de Parinibbâna ; MN 140 et Iti 44).
"Cela précisément est le Bonheur, que rien n’est plus ressenti » (AN 9.34).

Mais cette expérience ne dure pas plus que quelques instants de conscience ; peut-être quelques semaines dans le cas d'un Bouddha. Un éveillé n'en cesse pas pour autant d'éprouver des sensations. Et de nombreux textes insistent sur le fait qu'après son parinibbâna, un éveillé n'est ni mort ni vivant.

L'éveillé continue à éprouver des sensations tout simplement parce qu'il n'expérimente pas nibbana 24H/24. Je crois qu'il n'est pas possible d'agir, de parler, de marcher, etc. tant qu'on est dans nibbana. L'éveil ne veut pas dire qu'on se trouve dans nibbana de façon permanente et continue. Donc effectivement, cette expérience (l'expérience de nibbana) ne dure pas plus qu'un certain temps, tant qu'on est vivant.

Citation:
Et de nombreux textes insistent sur le fait qu'après son parinibbâna, un éveillé n'est ni mort ni vivant.

Je n'en connais pas un seul : dans tous les suttas que je connais qui traitent ce sujet, le Bouddha refuse de prendre position sur l'état d'un arahant (ou d'un Bouddha) après la mort.

Citation:
Maintenant, Madame, lorsqu'on vous demande: 'Est-ce que le Tathāgata existe après la mort?' ... 'Est-ce que le Tathāgata n'existe pas après la mort?' ... 'Est-ce que le Tathāgata à la fois existe et n'existe pas après la mort?' ... 'Est-ce que le Tathāgata ni existe ni n'existe pas après la mort?', vous répondez: 'Mahārāja, cela n'a pas été déclaré par le Bhagavā'.
(...)
'Le Tathāgata existe après la mort' n'est pas correct. 'Le Tathāgata n'existe pas après la mort' n'est pas correct. 'Le Tathāgata à la fois existe et n'existe pas après la mort' n'est pas correct. 'Le Tathāgata ni existe ni n'existe pas après la mort' n'est pas correct.

Khemā Sutta SN 44.1 http://www.tipitaka.fr/sutta/samyutta/salayatana/sn44-001.html

Citation:
Un éveillé n'en cesse pas pour autant d'éprouver des sensations. Et de nombreux textes insistent sur le fait qu'après son parinibbâna, un éveillé n'est ni mort ni vivant.

Ces deux phrases mises à la suite l'une de l'autre laissent croire que tu affirmes qu'un éveillé après la mort continue à éprouver des sensations. Dans ce cas, je suis en désaccord puisqu'après la mort, l'éveillé entre en parinibbana (nibbana expérimenté de façon permanente, 24h/24, pour l'éternité) et toutes les sensations sont éteintes. S'il a des sensations avant la mort, c'est parce que comme je l'ai dit plus haut, il ne reste pas dans nibbana de façon permanente.


Je pense personnellement que le Bouddha refuse de parler de l'existence d'un Bouddha après la mort, tout simplement parce que la question est viciée. En effet, elle présuppose l'existence du Bouddha avant la mort : "Est-ce que le Tathāgata existe après la mort?". En désignant le Tathāgata par ce mot, on utilise le langage conventionnel, qui accepte la notion conventionnelle de l'existence et de l'identité ("ben oui : le Tathāgata c'est le Tathāgata, pas quelqu'un d'autre !"). Le problème est que cette question appelle une réponse sur le plan de la réalité ultime. Et si le Bouddha avait répondu en terme d'existence ou de non existence, le questionneur aurait pris ce mot dans le même sens que lui l'a utilisé, c'est à dire celui de l'existence en terme de vérité conventionnelle.

En réalité, si la question avait été : "Est-ce que X existe de son vivant?' ... 'Est-ce que X n'existe pas de son vivant?' ... 'Est-ce que X à la fois existe et n'existe pas de son vivant?' ... 'Est-ce que X ni existe ni n'existe pas de son vivant?" (X désignant n'importe quel être, éveillé ou pas)
Le Bouddha se serait retrouvé devant exactement la même situation : il n'aurait pas pu répondre à cette question sans induire en erreur son interlocuteur. En effet, si on veut traiter spécifiquement le sujet de l'existence, de l'identité, de l'être, il faut parler d'anatta, des agrégats, et de la coproduction conditionnée. Il faut entrer dans une explication détaillée, et on ne peut pas satisfaire la demande du questionneur, qui est de choisir l'une des quatre propositions qu'il propose.

C'est un peu similaire au sutta où il affirme que ni l'individu, ni les autres créent la souffrance, et qu'en réalité, seule la coproduction conditionnée est responsable de la souffrance. De même, pour traiter le sujet de l'existence ou de la non existence, il faut changer notre façon de voir et regarder les choses sous l'angle de la coproduction conditionnée.
Revenir en haut de page
Voir le profil de l'utilisateur Envoyer un message privé
Adrien



Inscrit le: 31 Aoû 2008
Messages: 205
Localisation: Toulouse

MessagePosté le: Lun 21 Mar, 2011 15:32    Sujet du message: Répondre en citant

Un sutta pour appuyer mon précédent post :
http://www.tipitaka.fr/sutta/samyutta/nidana/sn12-015.html

Dans ce sutta, le Bouddha explique qu'il n'est pas correct de parler des êtres en terme d'existence ou de non existence. Le Bouddha écarte la dualité d'existence et de non existence pour la remplacer par une explication de la coproduction conditionnée.
On voit donc ici que la formulation en terme d'existence ou de non existence n'est pas seulement erronée lorsqu'on parle de l'après-mort des arahant, mais aussi lorsqu'on parle de n'importe quel être, ariya ou pas, vivant ou mort.

Une question se pose : pourquoi dans ce sutta le Bouddha parle-t-il de la coproduction conditionnée, alors qu'il choisit de garder le silence lorsqu'on lui demande si un arahant existe après la mort ?
On remarque tout de suite une différence entre ces deux suttas. Lorsqu'on lui demande "l'être éveillé existe-t-il après la mort ? (...) ni n'existe, ni n'existe pas après la mort ?", il ne répond pas. Mon interprétation est que son interlocuteur limite la réponse à ces quatre choix, et n'envisage donc pas d'autre réponse possible. Dans ce cas, le Bouddha sait que quelque soit sa réponse, son interlocuteur cherchera à l'interpréter pour en déduire laquelle des quatre propositions est correcte. Afin de lui éviter cette vue fausse, il préfère garder le silence.
Dans le deuxième sutta (dont j'ai donné le lien en début de post), la question est beaucoup plus ouverte (et n'indique donc pas d'immaturité spirituelle) : 'Vue correcte, vue correcte', dit-on, Bhante. De quelle manière, Bhante, y a-t-il vue correcte?
Dans ce cas, je pense que le Bouddha a évalué la sagesse de son interlocuteur, et a en conséquence choisi de lui expliquer la coproduction conditionnée (qui est un enseignement profond, et qu'il n'enseignait qu'à ceux qui étaient capables de la comprendre).
Revenir en haut de page
Voir le profil de l'utilisateur Envoyer un message privé
cgigi2
Modérateur


Inscrit le: 02 Mar 2007
Messages: 793

MessagePosté le: Lun 21 Mar, 2011 22:27    Sujet du message: Répondre en citant

SN 12.15
Dans le Kaccānagotta Sutta il est écrit:

Citation:
Mais: avijjāya tveva asesavirāganirodhā saṅkhāranirodho:

de la disparition et de la cessation sans résidus de cette ignorance même il y a la cessation des fabrications.


gigi dit:
je me demande comment on fait pour savoir si il y a cessation de résidus de l'ignorance et cessation de la fabrication ?
avec metta
gigi

_________________
Que tous soient en liaison
Avec les Bouddhas des Trois Temps
Passés, Présents et Futurs,
Ici et Maintenant.
Revenir en haut de page
Voir le profil de l'utilisateur Envoyer un message privé Visiter le site web de l'utilisateur
Chaosophe



Inscrit le: 13 Avr 2008
Messages: 125

MessagePosté le: Ven 01 Avr, 2011 13:13    Sujet du message: Répondre en citant

Longchen a écrit:
« Nibbana serait un peu comme boire enfin à la source et non pas de l’eau de mer (salée), eau qui elle ne peut pas étancher notre soif, la combler comme l’eau de source le peut ».


C'est exactement ça !


Adrien a écrit:
« il n'est pas possible d'agir, de parler, de marcher, etc. tant qu'on est dans nibbana »


Evidemment

Citation:
« dans tous les suttas que je connais qui traitent ce sujet, le Bouddha refuse de prendre position sur l'état d'un arahant (ou d'un Bouddha) après la mort »

Vous avez raison, ma formulation était imprécise ! Le Dhamma est toujours plus subtil que mon mental !!

Citation:
« Ces deux phrases mises à la suite l'une de l'autre laissent croire que tu affirmes qu'un éveillé après la mort continue à éprouver des sensations
»
Non bien sûr, je ne crois pas qu’un parinibbané éprouve encore des sensations. (Encore qu’on ne peut pas affirmer qu’il n’en éprouve aucune !).

Vous dites qu’après la mort, un éveillé « expérimente » nibbana « de façon permanente, 24h/24 ». Voyez comme le langage est impropre à qualifier le parinibbana : puisqu’en parlant « d’expérience », on donne l’impression que le parinibanné est encore vivant ! Mais je sais bien que ce n'est pas votre avis.

Citation:
« le Bouddha refuse de parler de l'existence d'un Bouddha après la mort, tout simplement parce que la question est viciée »

Tout ce que vous dites à ce sujet est très juste, pertinent et subtil !

Le Kaccânagotta sutta, que vous citez, est à mon sens le texte le plus profond de tout le Canon pâli !!

Citation:
« comment on fait pour savoir si il y a cessation de résidus de l'ignorance et cessation de la fabrication ? »


A mon avis, on s’en rend compte, tout simplement ! Une telle expérience serait si inédite qu’elle ne manquerait pas de nous apparaitre dans toute sa nouveauté Wink
Revenir en haut de page
Voir le profil de l'utilisateur Envoyer un message privé
Montrer les messages depuis:   
Ce forum est verrouillé; vous ne pouvez pas poster, ni répondre, ni éditer les sujets.   Ce sujet est verrouillé; vous ne pouvez pas éditer les messages ou faire de réponses.    Forum Mettâ Index du Forum -> Dhamma - Enseignements Toutes les heures sont au format GMT + 2 Heures
Page 1 sur 1

 
Sauter vers:  
Vous ne pouvez pas poster de nouveaux sujets dans ce forum
Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum
Vous ne pouvez pas éditer vos messages dans ce forum
Vous ne pouvez pas supprimer vos messages dans ce forum
Vous ne pouvez pas voter dans les sondages de ce forum




Forum
phpBB © 2001, 2005 phpBB Group
Traduction par : phpBB-fr.com