cgigi2 Modérateur
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Posté le: Dim 25 Juil, 2010 3:28 Sujet du message: SAKKAPAÑHA SUTTA... |
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SAKKAPAÑHA SUTTA
Discours du Vénérable Mahasi Sayadaw
Traduit par Vipassanasangha
___________
Substance du Discours
Dans la littérature Bouddhiste, Sakka est le nom donné au roi des dieux (devas) et pañha
signifie question. Le Sakkapañha Sutta est le discours sur le bien-être des êtres vivants que le
Bouddha donna au roi des devas en réponse à ses questions.
Sakka demanda au Bouddha : "Seigneur Bouddha, il y a des devas, des êtres humains, des
asuras, des nâgas, des gandhabbas et beaucoup d'autres créatures vivantes. Ces êtres veulent
être libres des querelles, des conflits, de l'animosité et du malheur. Ils ne sont pourtant pas
libres de ces maux de la vie. Qu’est ce qui les empêche (samyojana) d'accomplir leurs
désirs ?"
Ici, les devas à qui il est fait référence étaient probablement les Catumahârâja et Tâvatimsa,
devas que Sakka connaissait bien.
Les Asura devas étaient à l'origine les ennemis des Tâvatimsa devas, du fait que leurs
batailles étaient mentionnées dans le Dhajagga et d'autres suttas. Autrefois ils vivaient dans
le paradis Tâvatimsa, mais, alors qu’ils étaient souls, ils furent chassés par Sakka au pied du
Mont Méru.
Les nâgas sont une espèce de serpents qui peuvent accomplir des miracles avec leurs
pouvoirs psychiques.
Les gandhabbas sont une sorte de Catumahârâja devas qui excellent dans la danse, la
musique et autres activités culturelles du monde céleste.
Enfin, il y a les yakkhas une sorte de démons, les animaux, etc…
Ces devas, les êtres humains et les autres êtres veulent être libres de la haine, ne veulent pas
être rancuniers, maltraiter les autres, ni être eux-mêmes maltraités ou volés. Ils ne veulent
pas devenir les ennemis d'autres gens.
En bref, toutes les créatures vivantes désirent la sécurité, la paix, la liberté et le bonheur.
Pourtant elles sont toutes plongées dans le danger, la misère et la souffrance. Qu’est ce qui
cause cette situation ?
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Sakkapañha Sutta – page 2
Aujourd'hui nous entendons les appels universels pour la paix dans le monde et pour le bienêtre
de l'humanité, mais en fait ces espoirs pour un monde heureux sont loin d’être réalisés et
cela soulève naturellement la question de la cause de notre frustration.
Dans sa réponse, le Bouddha a décrit la jalousie (issâ) et l’avarice (macchariya) comme les
deux faits qui mènent à la situation malheureuse de l'humanité.
Issâ est la jalousie qui produit la malveillance envers ceux qui nous sont supérieurs et nous
rend peu disposés à voir les autres aussi prospères que nous-mêmes. Macchariya est
l’avarice qui conduit à garder ses possessions pour soi. Ces deux choses : la jalousie et
l’avarice, nous frustrent et causent des querelles, l'hostilité, le danger et la misère.
Ceux qui jalousent un homme à cause de sa prospérité, de son influence, de ses relations ou
de son statut social, seront malheureux, bien qu’ils désirent la paix intérieure. Leur tristesse
provient de leur jalousie. Naturellement, ceux que l'on envie deviennent nos ennemis et vice
versa. Beaucoup de personnes souffrent de la jalousie qui engendre à son tour de la
souffrance dans le cycle des existences.
Malgré le désir d'éviter le conflit, l’avarice y mène. On s’irrite si quelqu’un prend ou utilise
nos biens propres. On en veut parfois même à nos proches, c'est évident dans le cas de
couples mariés. L’avarice mène à l'hostilité, au danger, à l'inquiétude et à la misère.
Pour résumer la réponse du Bouddha, les causes premières de la jalousie et de l’avarice sont
les objets des sens que nous aimons ou n'aimons pas. Le remède est d’observer tous les
phénomènes provenant des six sens, d’éviter les pensées malsaines et d’avoir seulement des
pensées saines.
Ceci est la substance du discours. Maintenant quelques mots au sujet de l'introduction du
discours.
Introduction au Discours
L'introduction à un discours nous dit où, pourquoi, à qui et par qui a été donné le discours.
Cela sert à établir l'authenticité des enseignements du Bouddha. Sans cela, l'origine d'un
discours soulève des questions, comme dans l'Abhidhamma Pitaka, qui n'a pas une telle
introduction.
L'Abhidhamma a été prêché par le Bouddha dans le paradis Tâvatimsa. À ce moment-là, le
Bouddha allait quotidiennement dans la forêt de l'Himalaya pour se reposer la journée,
laissant au Nimmita Bouddha le soin de continuer son enseignement régulier. Le Bouddha
donnait au Vénérable Sâriputta un résumé de l'Abhidhamma qu'il avait prêché le jour-même,
et le chef disciple à son tour le prêchait aux cinq cents moines. L'Abhidhamma est attribué au
Vénérable Sâriputta, mais ainsi qu’il est dit dans les commentaires, puisqu’il l'avait entendu
du Seigneur Bouddha, c'est l'enseignement du Bouddha. L'Abhidhamma Pitaka n'a aucune
déclaration d'introduction comme "Evam me sutam : Ainsi ai-je entendu" et, selon les
commentaires, certains ne l'ont pas accepté comme le réel enseignement du Bouddha.
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Sakkapañha Sutta – page 3
Pour que la postérité ne puisse avoir aucun doute sur l'authenticité des enseignements du
Bouddha, la plupart de ceux inclus dans le canon du Premier Concile Bouddhiste ont des
introductions basées sur les questions et les réponses des doyens de l'assemblée. Les
exceptions sont le Dhammapada et quelques autres discours.
L'introduction au Sakkapañha Sutta est superbe, elle rend le discours impressionnant et met
en évidence la substance des enseignements du Bouddha. Pour enregistrer un événement si
important, le Vénérable Mahâkassapa a demandé au Vénérable Ânanda où, à qui et pourquoi
le discours a été prêché et le Vénérable Ânanda répondit comme suit.
Une fois le Bouddha demeurait dans une grotte à l'est de la ville de Râjagaha dans le pays de
Mâgadha. À ce moment-là Sakka cherchait à voir le Bouddha. Il avait vu le Seigneur
Bouddha la veille de son éveil suprême et une autre fois dans le Monastère Jetavana à
Sâvatthi, mais comme il n'était pas alors encore mûr spirituellement, le Bouddha ne lui avait
pas accordé d’entrevue. Cette fois-ci, Sakka avait décidé de voir le Seigneur Bouddha
accompagné par sa suite de devas, parce qu'il espérait entendre un discours que le Seigneur
Bouddha pourrait prêcher à quelqu'un parmi ses disciples qui était digne de libération.
Cependant, c'était en grande partie sa crainte de la mort qui avait réveillé son fort désir de
voir le Bouddha. Étant conscient que la fin de sa vie approchait, il était anxieux et cherchait
quelque chose pour son salut.
Quand un deva est sur le point de décéder, cinq signes apparaissent :
· 1) Les fleurs sur sa tête se fanent.
· 2) Ses vêtements deviennent sales et usés.
· 3) Alors que le devas ne sue jamais normalement, il sue des aisselles.
· 4) Sa jeune apparence s’éteint et apparaissent des signes de la vieillesse.
· 5) Enfin, la dernière semaine de son existence, il devient las de la vie.
Ayant vu ces cinq signes, Sakka réfléchit sur sa mort imminente et devint déprimé. Pour
surmonter sa dépression, il décida de voir le Seigneur Bouddha et d’écouter le Dhamma. Par
conséquent, il apparut instantanément près de la résidence du Bouddha, avec sa suite de
devas.
Selon les commentaires du Visuddhimagga, il ne fallut à Sakka et à ses disciples pas plus de
temps qu’il ne faut pour étendre ou plier une main pour qu’ils arrivent du plan céleste
Tâvatimsa à Mâgadha. Comme le Mahatika dit "les phénomènes qui naissent dans un endroit
disparaissent au même endroit, ils ne vont pas à une autre place."
Le méditant qui observe les mouvements quand il se penche et s'étire selon la méthode
Satipatthâna est conscient de la disparition des phénomènes plusieurs fois dans un instant.
De même que les phénomènes physiques et mentaux apparaissent et disparaissent
immédiatement, les devas atteignirent Mâgadha à cause du flux successif d'esprit et de
matière en une fraction de seconde, en raison du pouvoir divin (kammajiddha) qui donne une
vitesse aux devas beaucoup plus grande que celle de fusées modernes ou d’un vaisseau
spatial.
Sakka voulait avoir la permission du Bouddha pour lui rendre visite. Il dit donc à Pañcasikha
deva d'aller voir si le seigneur Bouddha était disposé à l'accueillir. Dans la déclaration de
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Sakkapañha Sutta – page 4
Sakka est employé le mot "pasadeyyâsi" qui signifie littéralement "rendre quelqu’un gai".
Selon les commentaires, cela signifie satisfaire une personne et chercher son consentement.
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Sakkapañha Sutta – page 5
C'est une expression Pâli que les Indiens de l’époque utilisaient pour parler poliment. C'est
quelque peu comme la maxime du chacal à l'éléphant dans le Hitopadesa sanscrit. Le chacal
dit "Mon seigneur Bouddha ! Faites avec bonté vos yeux clairs" ce qui signifie " Avec bonté
aidez-moi ou faites-moi la faveur."
Donc, conformément à la demande de Sakka, Pañcasikha alla à la résidence du Bouddha. Se
tenant respectueusement à une distance appropriée du seigneur Bouddha, il joua de la harpe
et chanta des chansons au sujet du Bouddha, du Dhamma, de la Sangha et d'Arahants.
Le Bouddha n'aurait pas approuvé la façon du deva de l'honorer avec des chansons et de la
musique, pas plus qu'il n’aurait approuvé certaines pratiques birmanes modernes
Bouddhistes, comme la récitation mélodieuse d'écritures saintes Pâli, les grands festivals de
pagodes, le meurtre de tas d'animaux pour l'alimentation des célébrations et autres pratiques
qui desservent la religion Bouddhiste. Cependant, le Bouddha ne dit rien car il savait que
beaucoup de personnes profiteraient de son dialogue avec Sakka.
Certaines chansons de Pañcasikha avaient un caractère sensuel, car elles décrivaient son
engouement pour une belle déesse qui l'avait presque rendu fou. Sa frustration montre que le
monde des devas ne garantit pas l'accomplissement de tous les désirs et que la vie d’un deva
n'est pas toujours « un lit de roses ». Ses chansons contenaient aussi des références au
Bouddha, aux Arahants et aux bonnes actions qu’il avait faites sur terre. Il parlait du
bodhisatta qui est toujours attentif, absorbé en jhâna et l’esprit tourné vers nibbâna.
Ici jhâna signifie observation et l'objet qui est observé peut être l'objet de concentration, ou
cela peut être la nature de l’esprit et du corps tel que l’impermanence, etc. Après avoir
abandonné l'auto-mortification, le bodhisatta a recouru à des exercices basés sur la
respiration et a atteint un jhâna. Ces pratiques jhâniques sur un unique objet d'attention
peuvent durer deux heures.
Par le pouvoir de ce jhâna, le bodhisatta s’est remémoré ses précédentes existences
(pubbenivâsañana) en étant assis sous l'arbre Bodhi dans la première partie de la nuit. A
minuit, il a atteint l’oeil divin (dibbacakkhu), qui lui a permis de voir la mort et la naissance
de tous les êtres dans l'univers. Dans la dernière partie de la nuit, le bodhisatta a médité sur
l'origine dépendante et a atteint la compréhension de l’apparition et de la dissolution de
l’esprit et de la matière en voyant, entendant, etc. Cette attention constante de la nature de
l'existence est une marque de sagesse mature, mais Pañcasikha deva ne semblait pas le
savoir. Il savait seulement que le bodhisatta méditait constamment, l’esprit tourné sur amata
ou nibbâna. Le mot Amata vient du Sanscrit amrita, qui signifie le fait d'être immortel et
ainsi Amata se réfère à l'immortel ou nibbâna.
Questionné par le Bouddha quant à l'origine de ses chansons, Pañcasikha répondit qu'il les
avait composées pour chanter la sérénade à sa déesse bien-aimée. La déesse fut si enchantée
par ses chansons au sujet du Bouddha qu'elle lui permit de passer un jour avec elle, une
faveur qu'elle ne lui accorda pas de nouveau. Éperdu et frustré pour son amour non
réciproque, le deva donna libre cours à ses sentiments dans ses chansons. Ici, le deva n'était
pas différent d’une personne ordinaire qui est si dépassée par le désir qu'elle ne peut pas
penser rationnellement.
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Sakkapañha Sutta – page 6
Une fois, le disciple d’un célèbre Sayadaw quitta l'Ordre Saint pour une affaire de femme.
Les disciples du Sayadaw blâmèrent le couple mais il leur dit : "Vous ne devriez pas les
blâmer. Ils ont été pris par la force de leur désir. Donc, vous devriez blâmer leur désir". C'est
en effet un enseignement réaliste.
Quand le deva rendit hommage au Bouddha de la part de son maître, le seigneur Bouddha
souhaita le bonheur à Sakka. Le Bouddha fit ce souhait parce que tous les êtres veulent le
bonheur et c'était la façon de bénir ceux qui l'honoraient. Quand Sakka avait exprimé son
adoration pour le Bouddha à travers le deva il n’y avait pas de demande, mais, par les mots
Pâli "abhivadeti abhivandati vandati" nous devons comprendre qu'il s'attendait à être assuré
d’être heureux. Autrement dit, il espérait que le Bouddha dirait : "Puisses-tu être heureux !"
Le Bouddha bénissait d'autres dévots de la même manière. Cela nous donne matière à
réfléchir sur la pratique moderne de donner de nombreuses bénédictions en récompense à
une simple dévotion. Le dévot prie pour beaucoup de choses mais sa prière est souvent en
désaccord avec la grande bénédiction du moine qui officie.
En fait, il n'est pas nécessaire pour le dévot de dire quoi que ce soit de plus que l’hommage
aux trois joyaux (tiratana). Non pas qu'il n’y ait pas des choses pour lesquelles vous ne
devriez pas prier, mais il ne devrait y avoir aucune incongruité entre la prière et la
bénédiction. Puisque le moine mentionne en général tous les bénéfices qui s'accumulent pour
celui qui fait une bonne action, tout ce qu'il ou elle doit faire est d’exprimer le désir de les
obtenir.
En rendant hommage au Bouddha, Sakka n'a prié pour rien, mais il a été assuré des bénéfices
dus comme mentionné dans les mots, "Abhivâdanasîlissa, niccam vuddhâpacâyino, cattâro
dhammâ vaddhanti, âyu vanno sukham balam."
Il est bien pour des dévots de prier pour la longévité, la santé et la sécurité et le moine
devrait les bénir en conséquence. Il ne devrait pas agir comme s'il décrétait
l'accomplissement de leurs voeux, mais seulement comme quelqu'un y contribuant.
Puis Sakka et ses disciples vinrent rendre hommage au Bouddha. Sakka dit que malgré son
désir ardent de voir le seigneur Bouddha, il avait été incapable de le faire à cause de
préoccupations avec des devas. Il narra au seigneur Bouddha son expérience de ce qu'il avait
entendu précédemment. Il était dit que la population des devas augmentait quand un
Bouddha apparaissait et il avait constaté que c'était vrai. En suivant les enseignements du
Bouddha du Dhammacakkappavattana Sutta, certains avaient observé les cinq préceptes,
certains avaient donné l'aumône et la plupart d'entre eux avaient atteint le monde des devas
après leur mort. Et ceux qui avaient au minimum la foi dans le Bouddha avaient été assurés
de renaissance dans le monde des devas. C'était le point de vue que le Bouddha ne rejetait
pas quand il était exprimé par un brahmâ.
La foi dans le Bouddha signifie la foi dans le Dhamma et dans la Sangha et cela assure la
protection d’une renaissance dans les mondes inférieurs. De plus, même donner l'aumône
aux disciples du Bouddha apporte plus de résultats kammiques qu'un autre acte de
générosité. Ainsi, un deva qui, en tant que disciple du Bouddha, avait donné une cuillerée de
riz à un Arahant dans son existence précédente, était plus puissant qu'un autre deva qui,
quand il était sur terre, avait alimenté des tas des gens par charité pendant de nombreuses
années.
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Sakkapañha Sutta – page 7
Il y a environ 100 millions de personnes dans la vallée du Gange, le berceau du Bouddhisme,
environ 80 millions de personnes pourraient avoir été Bouddhistes. À part les Arahants et les
Anâgâmi, un grand nombre de ces Bouddhistes pourrait avoir atteint le monde des devas.
Cela représente probablement l'augmentation de la population des devas de ce temps là.
Sakka continua à relater l'histoire de Gopaka. Une princesse de la ville de Sâvatthi nommée
Gopaka était pleine de foi dans le Bouddha et observait strictement les cinq préceptes. Elle
détestait la féminité et préférait être un homme. Ainsi, après sa mort elle est devenue le fils
de Sakka et a été appelée Gopaka.
Un jour, Gopaka vit trois gandhabbas venus pour distraire Sakka. Il découvrit qu'ils étaient
autrefois trois moines que Sakka avait soutenus. Il se demanda pourquoi ils s’étaient
réincarnés dans la classe inférieure des devas malgré leur dévotion pour la voie sainte dans
leurs vies précédentes, tandis que lui-même, une femme ordinaire dans son existence passée,
était devenu le fils de Sakka en vertu de sa foi et de sa moralité.
Les trois gandhabbas se sont alors rappelés de leurs vies passées et se sont rendus compte
que leur renaissance dans la classe inférieure des devas était en raison de leur désir pour le
monde des gandhabbas. Deux des devas pratiquèrent la méditation et atteignirent le stade
d’Anâgâmi en un instant. L'autre deva fut cependant incapable de surmonter son attachement
sensuel et resta donc dans sa vie inférieure.
Ici, la renaissance en gandhabba, résultant de l'attachement à une ancienne vie de la même
sorte, est particulièrement remarquable. Les gens vont probablement se réincarner dans leur
ville natale et dans l'environnement qui a une influence particulière sur eux. Les trois moines
mentionnés ci-dessus ne sont pas une exception à cet égard. Le roi Bimbisâra qui adorait le
Bouddha et avait donné volontairement l'aumône à la Sangha pendant 37 ans, est devenu un
subalterne d'un Catumahârâja deva après sa mort. Il aurait pu atteindre un plus haut monde
de devas, si ce n’est à cause de son attachement lors des vies précédentes. Cela ne fait aucun
doute qu’il est nécessaire de surmonter l'attachement à sa ville natale.
Les deux devas ont atteint le jhâna parce qu'ils se sont remémorés le Dhamma qu’ils avaient
pratiqué dans leurs vies précédentes et ils ont atteint le stade d’Anâgâmi du noble chemin par
la méditation.
Vous ne devez pas être découragés par le manque de succès dans la méditation car l'effort
persistant conduira à la renaissance chez les devas. Là-bas, vous êtes assurés d'expériences
spirituelles inhabituelles si vous vous rappelez et continuez à pratiquer le Dhamma. Comme
un discours dans l'Anguttaranikâya dit, le corps physique d’un deva est pur et radiant et le
Dhamma devient clair pour le deva qui a pratiqué dans sa vie précédente. Cela peut prendre
du temps pour s’en souvenir, mais le souvenir est immédiatement suivi par
l'accomplissement de la compréhension de la réalité. Certains peuvent l'oublier à cause du
plaisir céleste, mais en tant que devas ils sont physiquement et mentalement alertes, et une
fois qu'ils tournent leur esprit vers le Dhamma par la réflexion ou par des discours, ils
comprennent et atteignent la compréhension très vite. Si les méditants qui luttent pour
l'expérience spirituelle ne l'acquièrent pas dans cette vie, ils l'auront certainement dans le
monde des devas.
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Sakkapañha Sutta – page 8
Comme le monde des devas est plein de plaisirs sensuels, ceux qui ont atteint le stade
d’Anâgâmi ne peuvent pas rester là et donc ils vont dans le monde des brahmâs
immédiatement.
Pour Sakka, la transformation des deux devas dans le plan des brahmâs sous ses yeux fut
très impressionnante. Quand il entendit l'explication de Gopaka, il voulut partager leur
expérience spirituelle. De plus, les signes de sa mort imminente avaient alimenté son désir de
la vie d’un brahmâ. S'il écoutait le Dhamma, il pourrait avoir une meilleure vie future même
s'il n'atteignait pas de compréhension spirituelle. Écouter le Dhamma est en effet la meilleure
chose qu’un deva puisse faire sur son lit de mort.
La Question de Sakka et la Réponse du Bouddha
Tout d'abord Sakka demanda la permission au Bouddha de lui poser des questions. Il est
coutume pour un être hautement cultivé de demander la permission avant de demander
quelque chose. Donc, Sakka posa la question suivante :
"Seigneur Bouddha ! Toutes les créatures vivantes veulent être libres de la colère et de la
malveillance. Elles ne veulent pas se disputer ou être maltraitées. Elles prient pour avoir le
bonheur, la sécurité, la paix et la liberté. Et pourtant elles ne sont pas libres du danger et de
la souffrance. Quelle est la cause de cette situation ?"
Le Bouddha répondit : "Oh, Roi des devas ! Toutes les créatures vivantes veulent le bonheur,
la sécurité, la paix et la liberté. Et pourtant elles ne sont pas libres de la haine, des conflits,
du danger et de la souffrance. Cette malheureuse condition est en raison de la jalousie (issâ)
et l’avarice (macchariya)."
La jalousie est l'aversion pour la prospérité et le bien-être d’autrui, qui rend malveillant et
destructeur. Ces désirs malveillants pour ceux qu’on envie mènent à la souffrance dans le
présent et le futur. Dans le monde la jalousie cause beaucoup de souffrances. La personne
envieuse a horreur de voir les gens heureux ou prospères. La caractéristique de la jalousie est
le ressentiment vis-à-vis du bien-être des autres, sa fonction est de rendre la personne
envieuse malheureuse et sa manifestation est de ne pas regarder la prospérité d'une autre
personne.
Celui qui est dominé par la jalousie ne veut pas voir une autre personne prospère, couronnée
de succès, belle, instruite ou promue à un haut rang social. La jalousie est un mal qui ne
profite d'aucune façon à la personne qui l'héberge. C’est un sol fertile pour un mauvais
kamma qui rend malheureux. Si un homme puissant chercher à ruiner la personne qu'il
envie, cette personne deviendra son ennemi et elle pourra se venger. Même s'il n'y a aucune
vengeance, cet homme en souffrira sûrement dans une prochaine vie.
Le Cûlakammavibhanga Sutta résume les conséquences kammiques de la jalousie comme le
fait d'être impuissant et de manquer d'influence. Certains ne veulent même pas entendre
parler de la bonne fortune d'autrui : sa richesse, son intelligence, sa bonne santé, son
éloquence et sa popularité et donc ils disent ou font des choses qui sont nuisibles à l'intérêt
de l'autre personne. La propagande est motivée par la jalousie. La personne dominée par la
jalousie souffrira en enfer pendant de nombreuses années et après, si elle se réincarne dans le
monde humain, deviendra une personne de basse classe avec peu d’amis et sans réputation.
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Sakkapañha Sutta – page 9
D'autre part, celui qui se réjouit de la bonne fortune des autres est doté de bienveillance. Il
est heureux quand il voit ou entend parler de la prospérité des autres et il aide à promouvoir
le bien-être d'autrui autant que possible, cultivant ainsi beaucoup de bon kamma. Il atteint le
monde des devas après sa mort où il mène une vie heureuse, et à son retour dans le monde
humain il est puissant et entouré d’amis.
Ainsi, ceux qui veulent prospérer dans cette vie et dans les vies futures devraient surmonter
la jalousie et cultiver la joie compatissante (muditâ). Autrement dit, ils devraient se réjouir
du bien-être d'autres gens.
L’avarice (macchariya)
Macchariya est l’avarice qui conduit à garder ses biens pour soi. C’est ne pas vouloir
partager avec d'autres les objets de son attachement. Elle est caractérisée par la possessivité
extrême. Elle porte sur cinq points :
· 1) Logements.
· 2) Amis et relations.
· 3) Choses matérielles.
· 4) Qualités.
· 5) Connaissances.
La première catégorie d’avarice peut être trouvée parmi quelques moines qui ne veulent pas
voir d'autres moines de bonne moralité demeurer dans leur monastère. Un moine peut ne pas
vouloir que ses disciples donnent l'aumône à d'autres moines. De tels moines envieux, à
cause de leur malveillance, devront subir beaucoup de souffrance après leur mort.
Vanna-macchariya est le désir de posséder exclusivement une qualité spéciale, comme la
beauté physique, et en vouloir à ceux possédant la même qualité. Cela peut mener à la
laideur comme conséquence kammique.
Dhamma-macchariya signifie envier une personne pour ses connaissances ou garder ses
connaissances pour soi. Ce macchariya peut conduire à devenir bête ou idiot dans des vies
futures.
Ainsi, l’avarice rend un homme malheureux, pauvre, seul et sujet à une grande souffrance
après la mort.
Âvâsa-macchariya concerne en grande partie les moines (bhikkhus). C'est la tendance à
considérer un monastère comme sa résidence privée. Pour les laïques c'est la tendance à
avoir une attitude semblable quant aux endroits religieux publics comme des temples, des
centres de méditation etc.
Kula-macchariya concerne les moines qui ne veulent pas que leurs disciples aient des
relations proches avec d'autres moines. Quelques moines interdisent à leurs disciples de voir
d'autres moines ou d’écouter leurs discours.
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Sakkapañha Sutta – page 10
Lâbha-macchariya est le désir pour quelques moines d’avoir le monopole d'aumônes et ne
pas les dédier à d'autres bons moines. Comme exemple de la souffrance samsârique liée à ce
mal, voici l'histoire de Losakatissa.
A l’époque du Bouddha Kassapa un moine vivait dans un village et dépendait d'un disciple
pour les nécessités de la vie. Un jour un autre moine arriva et s’installa dans son monastère.
Craignant que le respect de son disciple pour le nouveau venu soit une menace à sa sécurité,
le moine essaya de se débarrasser de son invité.
Quand le disciple les invita à déjeuner, il y alla seul et sur son chemin de retour il jeta dans
un fossé l'alimentation offerte pour le nouveau moine. A sa mort il souffrit pendant plusieurs
éons en enfer, puis il reprit naissance dans le monde animal où il dut souffrir d’une très
grande faim pendant longtemps.
Dans sa dernière existence, il se réincarna en pêcheur dans un village du Kosala. Quand il
naquit, le malheur frappa ses parents et les villageois. Tourmentée par la faim, sa mère fut si
désespérée qu'elle l’abandonna tandis qu'il était en train de mendier.
Le Vénérable Sâriputta vit l'enfant affamé. Pris de pitié, il emmena l’enfant dans son
monastère où, quelques années plus tard il devint un bhikkhu. Il fut appelé Vénérable
Losakatissa parce qu'il était si malchanceux qu'il n'obtenait jamais un bon repas même à une
grande fête. Ce qu'il obtenait était à peine suffisant pour le maintenir en vie.
Cette mauvaise action kammique le suivit même quand il atteint le stade d'Arahant. Peu de
temps avant son parinibanna, le Vénérable Sâriputta l'emmena à Sâvatthi pour s'assurer qu'il
ait un repas approprié le dernier jour de sa vie. Il est dit qu'il n'y avait personne pour offrir de
la nourriture au moine et que le Vénérable Sâriputta envoya son compagnon dans une
maison pour se reposer. Des disciples offrirent de la nourriture qu’il fit envoyer à
Losakatissa, mais les hommes chargés d’offrir la nourriture la mangèrent en cours de route.
Donc, le Vénérable Sâriputta dû lui-même apporter l'alimentation et tenir le bol tandis que le
Vénérable Losakatissa mangea son dernier repas. C’est de cette façon que le Vénérable
Losakatissa prit son dernier repas et décéda le jour même.
Cette histoire ne laisse aucun doute sur les épouvantables conséquences kammiques de
l’avarice. De nombreuses avarices affligent les gens, comme par exemple lâbhamacchariya
: ceux qui cherchent à garder le monopole dans les affaires ; vanna-macchariya :
ceux qui ne reconnaissent pas les bonnes qualités des autres ; et dhamma-macchariya : ceux
qui ne veulent pas partager leurs connaissances avec d’autres.
La déclaration du Bouddha attribuant le malheur de l'humanité à la jalousie et à la
malveillance était vraiment appropriée à Sakka, puisqu'en vue de sa fin prochaine, il était
malheureux à l’idée que ses femmes tomberaient dans les mains de son successeur et à la
pensée de ce dernier lui succédant. Ainsi, il comprit la vérité par la réponse du Bouddha et
posa une autre question.
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Sakkapañha Sutta – page 11
Amour et Haine
"Seigneur Bouddha, quelle est la cause de la jalousie et de la malveillance ? Que devonsnous
faire pour en être libres ?"
Le Bouddha répondit : "Roi des devas la jalousie et la malveillance sont causées par les
objets d'amour et de haine. Si de tels objets n’existaient pas, il n'y aurait aucune jalousie ni
malveillance."
La façon d’éliminer la souffrance est d'éliminer sa cause, tout comme pour guérir une
maladie, un médecin compétent cherche sa cause et l'élimine. Le Bouddha définit l’amour et
la haine comme la cause du malheur de l’humanité.
Les objets d'amour sont les choses vivantes et non vivantes qui nous font plaisir,
comme des hommes, des femmes, des vues, des sons, etc. et les objets de haine sont les
choses qui nous déplaisent. Nous envions quelqu'un que nous n'aimons pas et qui possède
des objets de valeur. La malveillance nous envahit quand nous ne voulons pas que d'autres
aient les objets auxquels nous sommes attachés.
Ainsi, la jalousie et la malveillance ont leurs racines dans les personnes détestées et les
objets aimés. L'objet de notre envie est habituellement quelqu'un que nous détestons.
Cependant, si la personne qui nous dépasse est une personne aimée, cela ne cause pas la
jalousie, mais la joie. Un garçon qui surpasse ses parents ne suscite pas la jalousie en eux, au
contraire ils seront fiers de ses qualités supérieures.
L'homme qui est malveillant refuse aux autres ses richesses, l'utilisation de ses biens et
ses amis. Des hommes et des femmes jaloux se fâchent si leurs conjoints ont des relations
proches avec des personnes du sexe opposé ou si elles engagent une conversation amicale.
Bref, macchariya est la tendance à être excessivement possessif, à s'opposer à toute proche
relation avec les choses aimées et d'autres personnes et est donc enraciné dans l’amour et la
haine.
Le Désir est la Cause de l'Amour et de la Haine
Sakka demanda alors au Bouddha la cause de l'amour et de la haine. Le Bouddha
répondit que le désir était la cause de l'amour et de la haine. Ici, le désir auquel le Bouddha
se réfère n'est pas le désir sain, mais le désir associé au plaisir et à l’avidité (tanhâ chanda).
Le désir est de cinq sortes :
1. Le désir insatiable de rechercher des objets des sens. Ce désir est le moteur puissant
d’activités incessantes de l'homme jusqu'au moment de sa mort dans chaque existence.
2. Le désir insatiable d'obtenir des objets des sens. Quand un désir est satisfait, un autre
désir surgit et de cette façon le désir avide n’en finit jamais. Il n’est pas étonnant que même
les millionnaires éprouvent une grande avidité pour plus de richesses et d’argent au lieu
d'être contents de ce qu'ils ont.
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Sakkapañha Sutta – page 12
3. Le désir insatiable de profiter de divers objets des sens et de choses matérielles. Les gens
qui aiment les spectacles, les chansons, etc... ne s’en lassent jamais.
4. Le désir insatiable d’amasser l’or, l'argent, etc... sous n'importe quelle forme, pour être
utilisé en cas d'urgence.
5. Le désir de donner de l'argent à ses amis, employés, etc.
Ces cinq sortes de désirs génèrent l’amour et la haine. Les objets et les êtres vivants qui
aident à satisfaire nos désirs causent l’amour, tandis que ceux qui entravent nos désirs
causent la haine.
Sakka demanda ensuite au Bouddha l'origine du désir. Bouddha répondit que le désir
est causé par la pensée discursive (vitakka). Selon les commentaires, vitakka signifie penser
et décider.
Vitakka est de deux sortes : l’une est basée sur le désir tandis que l'autre a son origine dans la
croyance. Autrement dit, vous pensez et vous décidez quand vous considérez un objet des
sens, ou une personne comme un objet plaisant et désirable ou lorsque vous considérez un
objet vivant comme une personne ou un être. Ainsi, si vous n'êtes pas attentifs au moment de
l'observation, de l'audition, etc… vous pensez et vous décidez, et cette action mentale mène à
l’avidité et à l'attachement.
Puis Sakka demanda au Bouddha la cause de vitakka. Le Bouddha répondit que vitakka
est due à la perception, qui a tendance à s’étendre ou à se répandre (papañcasañña).
Il y a trois sortes de perception : l’avidité (tanhâ), la vanité (mâna) et la vue fausse (ditthi).
Une personne non attentive devient habituellement la proie de l’un de ces trois facteurs. Elle
accroît chaque objet des sens qu'elle perçoit et s’en souvient à cause de son attachement, de
sa vanité ou de sa vue fausse (l’illusion de l’ego). Comme une petite photographie qui peut
être agrandie, chaque image mentale ou pensée se prête à l'expansion.
La conquête de l’avidité, etc...
Au moment de voir, on voit seulement la forme visible, ensuite la réflexion suscite
l’avidité, la vanité et la vue fausse (l’illusion de l'ego). L’avidité la fait apparaître plaisante et
l'amplifie. Il en est de même avec la vanité et l’illusion de l'ego. Par la suite, chaque souvenir
de ce qui est vu génère la pensée et la décision, qui causent à leur tour le désir. De nouveau,
le désir suscite l'amour et la haine qui entraînent la frustration et la souffrance de l’humanité.
En réponse à la demande de Sakka, le Bouddha expliqua le moyen de surmonter
l’avidité, la vanité et l’illusion de l'ego. Selon lui, il y a deux sortes de sentiments plaisants et
deux sortes de sentiments déplaisants : les sentiments plaisants ou déplaisants que nous
devrions nourrir et les sentiments plaisants ou déplaisants que nous devrions éviter. Puis il y
a les sentiments neutres de l’équanimité que nous avons quand nous ne sommes ni heureux,
ni malheureux. L'équanimité est aussi de deux sortes.
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Sakkapañha Sutta – page 13
Le sentiment plaisant, déplaisant ou neutre doit être nourri s'il mène aux états sains de
conscience ; il devrait être évité s'il mène aux états malsains de conscience. Les
commentaires décrivent cet enseignement comme la pratique de vipassana sur le noble
chemin.
Le texte Pâli de l'enseignement du Bouddha peut être traduit comme suit :
"Sakka, j'enseigne deux sortes de sentiments plaisants : le sentiment plaisant qui doit être
nourri et le sentiment plaisant qui doit être évité.
Si vous savez qu'un sentiment plaisant aide à développer les états sains de conscience et gêne
les états malsains de conscience, vous devriez héberger un tel sentiment.
Si vous savez qu'un sentiment plaisant aide à développer les états malsains de conscience et
gêne les états sains, vous ne devriez pas nourrir un tel sentiment.
Le sentiment plaisant est de deux sortes : celui qui est lié à la pensée et à la réflexion et celui
qui est non lié avec ces activités mentales. De ces deux sentiments, le sentiment plaisant qui
n'a aucun rapport avec la pensée et la réflexion est bien supérieur."
Sentiments Plaisants et Pensées Malsaines
Les sentiments plaisants qui mènent aux pensées malsaines sont enracinés dans les
objets des sens. La plupart des personnes sont préoccupées par les objets des sens comme le
sexe et la nourriture. Si elles obtiennent ce qu'elles veulent, elles se réjouissent. Cependant,
leur joie génère plus de désir et ainsi pour beaucoup de personnes leur prétendu bonheur est
fondé sur le désir. Si leur désir n'est pas satisfait, elles sont frustrées et malheureuses. Cela
montre l'effet de pensées malsaines, qui met en jeu les agents d'expansion, à savoir l’avidité,
la vanité et la vue fausse.
Les sentiments plaisants que nous devrions éviter sont mentionnés dans le
Sâlâyatanavibhanga Sutta du Majjhima nikâya. Le discours assimile ses objets des sens aux
logements parce qu'ils maintiennent les gens confinés. Les gens tirent leur plaisir dans les
contacts entre eux ou dans les souvenirs de ces contacts. Il y a six sortes de sentiments
plaisants enracinés dans les six objets des sens et leurs organes des sens respectifs.
La façon d'éviter les sentiments plaisants, mais malsains, est d’être attentif au moment
de voir, etc. Si les pensées liées aux sens causent du plaisir, le méditant doit les noter et les
rejeter. Cependant, celui qui débute ne peut pas suivre et noter tous les processus mentaux, il
commence donc par l'objet de contact et prend conscience des éléments primaires : terre,
eau, feu, air (pathavî, âpo, tejo, vâyo).
Dans le Satipatthâna Sutta le Bouddha dit "En marchant le méditant sait « je marche »
(Gacchanto vâ gacchâmi ti pajânâti)." Cette citation se réfère à la claire conscience de la
rigidité et du mouvement (vâyo), mais tandis qu’il note la marche, le méditant est aussi
conscient de la dureté et de la douceur (pathavî) dans les pieds et dans le corps, ainsi que de
la chaleur et du froid (tejo) et de la lourdeur et de l'humidité (âpo). Quoique l'élément âpo
soit intangible, on peut le reconnaître par le contact avec les autres éléments qui y sont liés.
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Sakkapañha Sutta – page 14
Les méditants de notre centre de méditation à Rangoon commencent par le contact et le
mouvement de l'abdomen qui est le plus facile et le plus évident à noter en étant assis. La
tension et le mouvement dans l'abdomen sont les marques de l'élément vâyo. Ils notent (dans
leur langue propre) l'abdomen qui se lève et se baisse. Cette pratique a aidé beaucoup de
méditants à atteindre des compréhensions et à faire des progrès significatifs sur le noble
chemin.
Au début, le méditant observe constamment l'abdomen qui se lève et se baisse. Il note
tout objet mental qui apparaît pendant qu’il se concentre. Un sentiment de joie peut surgir
mais il disparaît quand il est noté et ne dérange pas le méditant qui continue à observer
l'abdomen qui se lève et se baisse. Quand le Bouddha parle de joie malsaine, cela signifie
que nous devrions nous concentrer sur l'esprit et le corps pour détourner la joie liée aux sens
et que si une telle joie surgit nous devrions la noter et la rejeter immédiatement.
Joie Saine
Il y a la joie saine, que Bouddha décrit dans le même discours comme suit : Ayant
compris le caractère éphémère : l’impermanence, et la dissolution de la matière, le méditant
sait que tout ce qui est matériel est soumis à l’impermanence (anicca) et est insatisfaisant
(dukkha). Cette connaissance de la compréhension de la réalité cause la joie et une telle joie
peut être décrite comme un sentiment plaisant lié à la libération du désir pour les plaisirs des
sens.
Cela fait partie de l'enseignement du discours. Les commentaires ajoutent que le
méditant est joyeux parce qu'il a atteint la compréhension de l’impermanence, etc... suite à
son attention aux six objets des sens. Une telle joie est saine et désirable.
Les commentaires décrivent quatre sortes de joie saine :
· 1) La joie due à la renonciation aux affaires du monde,
· 2) La joie associée à la pratique de Vipassana,
· 3) La joie basée sur la contemplation du Bouddha, etc…
· 4) La joie résultant de l'absorption du premier jhâna, etc…
Certaines personnes sont joyeuses quand elles pensent à leur renonciation aux affaires
du monde, à leur ordination comme bhikkhus (moines), à la pratique de la discipline
monastique, à la concentration et ainsi de suite. Cette joie est saine puisqu'elle est liée à la
renonciation et dissociée de la vie laïque. Ainsi, ils sont joyeux quand ils entendent un
discours sur le Dhamma ou quand ils vont dans un centre de méditation pour pratiquer la
méditation Vipassana.
La joie provenant de Vipassana peut être la joie qui surgit tandis que l'on est attentif. La
joie la plus haute est la joie associée à udayabbaya ñana (la compréhension de l'apparition et
de la disparition de tous les phénomènes).
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Sakkapañha Sutta – page 15
La joie que nous avons quand nous contemplons le Bouddha, etc… est évidente. Les
commentaires disent que la concentration sur la joie provenant de la contemplation du
Bouddha, du Dhamma, de la Sangha, de sa moralité, de sa générosité et des êtres célestes,
peut provoquer la connaissance et la réalisation du chemin. Même le stade d’Arahant peut
être atteint si le méditant note et voit la dissolution et la cessation de la joie (pîti) qui nait de
ces six contemplations. Pîti implique la joie et la joie qui provient des six contemplations est
saine. Il en est de même de la joie basée sur les trois jhânas ou leurs voisins(upacâra
samâdhi).
Des quatre sortes de renonciation, rejoindre la Sangha signifie la liberté par rapport aux
liens matrimoniaux. Celui qui pratique la méditation vipassana est aussi à distance de
l'attachement et de tous les objets des sens. Les commentaires de l'Itivuttaka décrivent
l'ordination, le premier jhâna, nibbâna, vipassanâ et tout le noble dhamma comme la
renonciation (nekkhamma).
La joie qui est marquée par vitakka-vicara est de deux sortes : le bonheur (sukha) qui
est associé à la concentration d'accès (upacâra samâdhi) et le bonheur associé au premier
jhâna.
Comme mentionné auparavant, il y a divers types de joies mondaines : la joie pour son
ordination, la joie qui résulte de la pratique de vipassanâ, la joie de penser au Bouddha, etc.
Il y a aussi quatre sortes de joie supra mondaine associées aux quatre chemins du premier
jhâna.
Supérieurs à ces types de joie sont ceux qui n'ont aucun rapport avec vitakka-vicâra. Ce
sont les attributs du second jhâna ; qui sont marqués par la joie (pîti), le bonheur (sukha),
l’unification de l’esprit en un seul point (ekaggatâ) et le troisième jhâna, qui est aussi
marqué par la joie et ekaggatâ.
Une telle joie jhânique est une joie mondaine. De même la joie liée aux quatre chemins supra
mondains et aux deuxième et troisième jhânas est libre de vitakka-vicâra et est donc saine.
Ces seconde et troisième joies jhâniques sont bien supérieures à la première joie jhânique et
à la joie associée aux pensées saines dans la sphère des sens ; il en est de même pour la joie
de vipassanâ résultant de l’attention à la deuxième et troisième joie jhânique.
Une discussion à propos de ces joies avec ou sans vitakka-vicâra est au-delà de la
compréhension de ceux qui ont peu de connaissances des écritures saintes. Elle peut être
comprise profondément seulement par ceux qui ont atteint des jhânas.
Selon les commentaires, quand Sakka demanda au Bouddha comment surmonter le
désir, la vanité et la vue fausse (tanhâ, mâna, ditthi), il questionnait le Bouddha au sujet de la
pratique de vipassanâ sur le noble chemin. Le Bouddha expliqua le plaisir sain, le
mécontentement sain et l'indifférence saine comme le remède. Cela peut être difficile à
comprendre pour les gens ordinaires, mais la réponse de Bouddha fut appropriée à la
question.
Pour les devas, l’esprit est plus évident que la matière et parmi les éléments de l’esprit,
la perception des sensations est le plus manifeste des éléments. Donc, Bouddha dit à Sakka
d’observer ses sensations (vedanâ). Dans beaucoup d'enseignements du Bouddha sur la
méditation vipassanâ l’observation de rupa a la priorité sur l’observation de la conscience.
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Sakkapañha Sutta – page 16
C'est aussi vrai pour le Sakkapañha Sutta mais ici aucune mention n'est faite de rupa puisque
c'est implicite dans l’observation des sensations.
Méditation vipassanâ
Le but de la pratique de la méditation vipassanâ est de noter tous les phénomènes
psycho-physiques qui résultent du contact avec les objets de sens. Cela implique l'effort
d'observer empiriquement tous les phénomènes comme ils sont vraiment, associés à leurs
caractéristiques comme l’impermanence, etc.
Au début le méditant ne peut pas se concentrer sur chaque processus mental et physique et
donc il devrait commencer par quelques objets évidents. Quand il marche, il devrait noter
'marcher' etc. Il devrait observer chaque action physique et de cette façon il prendra
l'habitude d’être conscient de l'élément air et des autres éléments primaires. Cela relève de
l'enseignement du Satipatthâna Sutta : "en marchant le méditant sait ‘je marche’ (Gacchanto
vâ gacchâmiti pajânâti)."
Le méditant a tendance à être mou s'il se concentre seulement sur une position, par
exemple, ‘assis’. Ainsi, pour le maintenir attentif, nous lui apprenons à se concentrer sur la
montée et la descente de l'abdomen. Avec le développement de la concentration, il prend
conscience de l'élément air (vâyo) quand il se concentre sur la montée et la descente de
l'abdomen.
Plus tard, deviennent claires pour lui la distinction entre la montée, la descente de l'abdomen
et la conscience ; entre l’élévation du pied et la conscience et ainsi de suite... Cette
compréhension distincte de l’esprit et de la matière est appelée nâmarûpapariccheda ñana.
Avec ce nouveau développement de la concentration, le méditant sait qu'il plie sa main
à cause du désir de la plier, qu'il voit parce qu'il a des yeux et qu’il y a un objet à voir, qu'il
sait parce qu’il y a un objet à être connu, qu'il ne sait pas parce qu’il n’est pas attentif, qu'il
aime une chose à cause de son ignorance, qu'il cherche à réaliser son désir à cause de son
attachement, que des bons ou mauvais résultats suivent ses actions etc. C'est
paccayapariggaha ñana ou la compréhension de la loi de cause et d'effet.
Cela est suivi par sammasana ñana, qui signifie la compréhension de anicca, dukkha,
anatta : des caractéristiques impermanentes, insatisfaisantes et impersonnelles de tous les
phénomènes, une compréhension née de l’observation de leur apparition et disparition.
Le méditant sait que tout surgit et disparaît rapidement. Sa perception est si pénétrante
que rien n'échappe à son attention. Il a tendance à voir des lumières et à être excessivement
extasié et joyeux. Ce sentiment plaisant survient avec la compréhension extraordinaire
(udayabbaya ñana) du flux de l’esprit et de la matière (nama-rupa). Il surpasse toutes les
autres sortes de joie et est décrit comme un état mental que nous devrions souhaiter. Le
Dhammapada parle de la joie sans pareil et de l'extase surgissant quand le méditant
contemple le Dhamma correctement, c'est-à-dire le caractère impermanent de l’esprit et de la
matière (nama-rupa). Cet état de conscience est appelé l'Immortel (amata) parce que c'est le
signe avant-coureur de nibbâna, que le méditant atteindra sûrement s'il lutte pour cela avec
foi, volonté et diligence.
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Sakkapañha Sutta – page 17
Le ravissement et la joie sont appelés pamojja et pîti en Pâli.
Pamojja est le ravissement qui apparaît avec la compréhension de l'impermanence, de
l’insatisfaction et du non soi : les caractéristiques de tous les phénomènes (sammasana
ñana).
Pîti signifie la joie extrême qui accompagne udayabbaya ñana : la rapide perception de
l’apparition et de la disparition des phénomènes. Il se développe quand le méditant est
attentif à la montée et à la descente de l'abdomen, ou aux sensations dans le corps, ou quand
son attention est centrée sur ses mouvements physiques. Il souffre rarement de douleur
insupportable. Si la douleur arrive parfois, elle disparaît immédiatement aussitôt qu'il la note
et il est extrêmement ravi. Cette exaltation continue à être intense tant qu'il est attentif à la
rapidité avec laquelle chaque phénomène apparaît et disparaît.
Comme pour les trois premiers jhânas, le méditant est très heureux quand il atteint
udayabbaya ñana. À cette étape, il décrit son bonheur comme une expérience inexprimable
qui surpasse tous les états semblables de conscience. Dans le Sakkapañha Sutta ceci est
appelé sevitabbasomanassa, c'est-à-dire le sentiment plaisant que nous devrions rechercher.
Sentiments Désagréables à Rechercher ou à Éviter
Le discours mentionne deux sortes de sentiments désagréables : le sentiment
désagréable qui mène à un kamma malsain (actions, paroles ou pensées) et le sentiment
désagréable qui mène à un kamma sain. Le premier sentiment doit être évité tandis que le
second sentiment est bienvenu. Les sentiments désagréables qui aboutissent à un kamma sain
sont louables car ils contribuent à la pratique de jhâna, le noble chemin et sa réalisation, mais
ils ne devraient pas être délibérément recherchés.
Le Sutta Salâyatanavibhanga nous dit quel genre de tristesse nous devrions accueillir et
quel genre de tristesse nous devrions éviter. Nous avons en général de la peine quand nous
n’avons pas d'objets de sens plaisants, désirables ou si nous nous souvenons ne pas les avoir
obtenus dans le passé.
Nous sommes malheureux quand nous devons faire face aux dangers, nous nous inquiétons
sur la possibilité de souffrances dans l'avenir, ou quand nous pensons à notre souffrance
passée. De tels sentiments désagréables ne nous font pas du bien, ils produisent seulement
douleur et des pensées malsaines.
Ceux qui hébergent de tels sentiments désagréables ne peuvent pas contempler l'image
du Bouddha avec ardeur et concentration parce qu'ils sont distraits. Un esprit calme est
essentiel si on veut que la contemplation du Bouddha soit efficace. Sans cela il n’y aura que
des pensées malsaines. Ces sentiments sont aussi une entrave pour les bonnes actions, nous
devrions donc essayer de les surmonter. Toutefois, certaines personnes semblent accueillir la
souffrance et ne vous aiment pas si, par exemple, vous leur dites de ne pas souffrir pour la
perte de personnes qui leur sont chères. Au contraire, elles vous remercient si vous dites
quelque chose qui justifie leur chagrin.
Nous devrions garder à l'esprit la loi du kamma, l'enseignement de Bouddha : tout
arrive selon nos actions, et supporter nos malheurs calmement. Le meilleur remède en cas de
crise est la pratique de la méditation samatha ou vipassana. Si la tristesse, le chagrin ou la
dépression nous affligent pendant notre méditation, de tels états malsains de conscience
doivent être notés et éliminés. Bouddha décrit la méthode Satipatthâna comme la seule façon
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Sakkapañha Sutta – page 18
de surmonter le chagrin et éradiquer toute la souffrance. Tant que nous restons attentifs,
selon l'enseignement de Satipatthâna, nous ne serons jamais déprimés et si la dépression
surgit, elle disparaît aussitôt que nous focalisons notre attention sur elle.
Il y a beaucoup de choses dans la vie qui nous rendent malheureux : désirs frustrés,
manque de succès, perte et ainsi de suite. Ruminer nos malheurs mène à la dépression que
nous devrions surmonter par l’attention. Notre méthode est d’observer constamment la
montée et la descente de l’abdomen, le fait d’être assis, etc.
La pratique de l'attention était cruciale pour Sakka, car face à sa mort imminente, qui
provoquerait sûrement la perte du bonheur céleste et des plaisirs des sens, il était très
déprimé. Donc, l'enseignement de Bouddha fut réaliste et très important.
Je donne maintenant une traduction du texte Pâli dans le Salâyatanavibhanga Sutta sur
le sentiment désagréable que nous devrions accueillir :
"Après avoir observé et compris le caractère éphémère des formes visuelles, leur
dissolution et disparition, le méditant réalise une vraie compréhension de la nature des
choses comme elles sont, c'est-à-dire leur caractère éphémère, insatisfaisant et
impersonnel. En conséquence, le désir d’atteindre le but du noble chemin et la noble
liberté surgit en lui. Il attend avec impatience le jour où il atteindra la demeure des Ariyas
(Saints) qui ont gagné une telle liberté. Ce désir pour la libération cause de la douleur et
de la tristesse. Ce sentiment désagréable est appelé nekkhamassita-domanassa, qui est la
douleur ou la tristesse (domanassa) en raison du désir pour la renonciation."
Ceux qui observent les phénomènes physiques et mentaux quand ils naissent des six
sens comprennent leur caractère éphémère, etc et avec une simple compréhension théorique
du noble dhamma, ils peuvent continuer à méditer dans l'espoir d'atteindre le but. Cependant
si leur espoir ne se réalise pas en temps utile ils seront déprimés. Cette douleur mentale est
causée par le désir de la renonciation.
En voici une explication. Le méditant qui manque d'expérience dans samatha, jhana ou
dans la concentration commence par la contemplation de l’esprit et du corps résultant des six
organes des sens. Cependant, ce n'est pas facile pour un débutant de suivre ce processus à
fond. On lui conseillera tout d'abord de commencer par les quatre éléments primaires comme
suggéré dans le Visuddhimagga ou avec l'élément air (mouvement) dans la montée et la
descente de l'abdomen, une méthode que nous apprenons dans notre centre de méditation.
Tandis qu'il est attentif à la montée et à la descente de l'abdomen, il doit noter toute
pensée (intention, désir, etc...), sensation (chaleur, douleur, etc...) ou contact avec des objets
des sens (voir, entendre, etc...) qui apparaissent.
Cependant, quand la concentration est faible, la vraie nature de l’esprit et du corps n'est pas
apparente. Avec le développement de la concentration l’esprit devient calme, pur et libre
d'entraves. Chaque pensée ou sentiment est noté et éradiqué. Le méditant a alors atteint le
stade de la purification de l'esprit (cittavisuddhi).
Plus tard, il fait la distinction entre l’esprit et la matière. C'est la compréhension pénétrante
de l’esprit et de la matière (nâmarûpapariccheda ñana) et la purification de vue
(ditthivisuddhi). Le méditant réalise la nouvelle compréhension des causes et des effets
(paccayapariggaha ñana) et devient libre de tous les doutes (kankhâvitaranavisuddhi).
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Sakkapañha Sutta – page 19
Le méditant comprend maintenant clairement que chaque phénomène est soumis au
caractère éphémère, à l’insatisfaction et à l’impersonnalité (sammasana ñana) et il perçoit
rapidement la dissolution instantanée de tout ce qui surgit (udayabbaya ñana). À ce stade le
désir d’être libéré surgit. Il désire atteindre un certain stade sur le noble chemin dans une
période limitée de temps. Si son espoir n'est pas réalisé, il est triste et déçu, en proie au doute
et au désespoir, mais ce sentiment peut aussi servir de motivation à l’effort, c'est une
bénédiction déguisée - quoiqu'elle ne doive pas être recherchée délibérément.
Bien sûr la meilleure chose à faire pour le méditant est de faire des progrès
ininterrompus afin que ses compréhensions et expériences lui apportent du plaisir. Donc, le
discours met l'accent sur la joie plutôt que sur la douleur dérivée de la renonciation.
Néanmoins, pour le méditant qui échoue à réaliser son but dans le temps souhaité, la
dépression sera inévitable.
Dans notre centre de méditation nous expliquons les stades successifs de
compréhension à certains méditants avancés pour les aider à évaluer leurs expériences. Nous
limitons cet enseignement à une petite élite parce que cela ne sert pas ceux qui n'ont aucune
expérience dans la méditation. C'est seulement bénéfique pour les méditants avancés dans la
mesure où cela sert d'éperon à de nouveaux efforts. Ceux qui souhaitent entendre nos
enseignements sans avoir acquis des compréhensions suffisantes deviennent déçus quand
leur désir n’est pas réalisé. Cette déception leur sera bénéfique puisqu'elle les encourage à
faire plus d'efforts et les conduit aux expériences conformes à nos enseignements, qu'ils
peuvent joyeusement évaluer.
Il y a des méditants qui sont découragés à cause de leur faible concentration au début,
mais certains redoublent leurs efforts et atteignent des compréhensions peu communes. Il se
peut donc que le méditant tire profit de son désespoir. Selon les commentaires, nous devrions
accueillir le désespoir qui provient de nos désirs frustrés en rapport avec la renonciation, la
méditation, la réflexion (anussati) et le jhâna. Nous devrions tirer parti du désespoir ou de la
souffrance vis-à-vis de notre incapacité à devenir un bhikkhu (moine), à pratiquer la
méditation, à entendre le Dhamma, ou même à visiter une pagode. L'histoire d'une femme
Bouddhiste au Sri Lanka est un exemple de cette douleur saine :
Les parents de cette femme allèrent dans une pagode, laissant leur fille à la maison
parce qu'elle attendait un bébé. Comme la pagode n'était pas loin, elle la vit illuminée et
entendit le Dhamma récité par les moines. Son coeur se serra à la pensée de son mauvais
kamma qui l'empêchait d'aller avec ses parents à la pagode. Puis elle se réjouit pour le bon
kamma des pèlerins qui y étaient présents. Sa réjouissance se métamorphosa en extase
(ubbega-pîti) et soudainement elle s'éleva dans les airs et se retrouva devant la pagode.
Ainsi, la douleur saine de cette femme l’aida à provoquer miraculeusement
l'accomplissement de son désir sain.
Les commentaires du Sakkapañha Sutta citent l'histoire du Vénérable Mahâsiva pour
illustrer la douleur saine qui mène au stade d’Arahant.
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Sakkapañha Sutta – page 20
Le Vénérable Mahâsiva était un grand enseignant qui avait beaucoup de disciples. Ceux
qui pratiquèrent la méditation Vipassana avec ses conseils devinrent Arahants. L’un de ces
Arahants, voyant que son professeur n'avait pas encore atteint le but suprême, lui demanda
de lui enseigner une leçon sur le Dhamma. Le Vénérable Mahâsiva répondit qu'il n'avait pas
le temps pour la leçon, étant occupé toute la journée à répondre aux questions de ses
disciples, pour dissiper leurs doutes etc.
Alors le bhikkhu dit : "Vénérable, vous devriez avoir au moins le temps de contempler
le Dhamma le matin. Sinon, vous n'aurez même pas le temps de mourir. Vous êtes le soutien
des autres alors que vous n’êtes d’aucun soutien pour vous-même. Je ne veux donc pas de
votre leçon." Après avoir énoncé cela, il s’en alla en s'élevant dans les airs.
Le Vénérable Mahâsiva se rendit compte que le bhikkhu n'était pas venu pour
apprendre le Dhamma, mais pour l'avertir de sa suffisance. Désillusionné, il quitta le
monastère et se retira dans un endroit isolé, où il pratiqua la méditation Vipassana avec
énergie.
Cependant, malgré ses efforts persistants et minutieux, il ne réussit pas à acquérir les
compréhensions ordinaires, et même après de nombreuses années il était toujours loin du
but. Il devint extrêmement déprimé et commença à pleurer quand une déesse apparut et se
mit à pleurer aussi. Le Vénérable lui demanda pourquoi elle pleurait et elle répondit qu'elle
croyait pouvoir atteindre des compréhensions en pleurant.
Cela fit reprendre ses esprits au Vénérable. Il pratiqua l'attention et réussit à atteindre
les stades successifs d’éveil du noble chemin, puis finalement le stade d’Arahant. Après tout,
un méditant peut atteindre la compréhension rapidement avec des circonstances favorables.
L'échec initial du Vénérable, malgré ses efforts vigoureux, provenait de sa tendance à
réfléchir à ses vastes connaissances.
Ainsi, la tristesse qui a incité le Vénérable Mahâsiva à faire des efforts sur le chemin est
la douleur saine que nous devrions accueillir. Le Sakkapañha Sutta mentionne deux sortes de
douleur saine : l’une liée à la pensée discursive et l'autre sans pensée discursive, mais en
réalité chaque douleur est liée à la pensée et nous parlons de la douleur qui est sans pensée
seulement métaphoriquement.
En bref, la douleur est malsaine si elle provient du désir des sens ou des affaires
mondaines et nous devrions éviter les pensées qui mènent à une telle douleur. Si la douleur
surgit spontanément, nous ne devons pas l'héberger, mais devrions focaliser l’esprit sur
d'autres objets et elle disparaîtra d’elle-même.
D'autre part, la douleur est saine quand elle résulte de nos efforts frustrés d’évoluer dans
notre vie spirituelle, comme l’effort pour rejoindre la Sangha (l'Ordre Saint), l’effort
d’atteindre des compréhensions etc. Nous devrions accueillir une telle douleur car cela peut
nous stimuler à faire de plus grands efforts et nous mener à progresser sur le noble chemin.
Cependant, cela ne devrait pas être cherché délibérément. Le mieux est d'éprouver la joie
saine dans la recherche de l’éveil.
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Sakkapañha Sutta – page 21
Équanimité Saine et Malsaine
Upekkhâ (l’équanimité) est une sorte de neutralité, qui n'est ni joie, ni douleur. Elle
apparaît plus souvent que les autres sentiments, car la joie et la douleur sont des états
occasionnels de conscience, mais on s’en aperçoit seulement quand la concentration est
forte. De même l’équanimité est de deux sortes : l’équanimité saine qui mène aux bonnes
actions et l’équanimité malsaine qui mène à de mauvais actes. Le Sutta Salâyatanavibhanga
mentionne six types d’équanimité qui résultent des six sens.
L’équanimité malsaine, qui résulte de personnes ignorantes et confuses, est appelée
gehasita-upekkhâ. Nous ressentons de la joie en voyant un objet plaisant et de la douleur en
voyant un objet désagréable, mais nous avons aussi des sentiments neutres, qui ne sont ni
bons, ni mauvais, quand nous voyons des gens ou des objets familiers. Par exemple, nous ne
ressentons ni plaisir, ni mécontentement quand nous voyons un arbre ou une pierre.
L’équanimité malsaine se trouve chez les êtres ordinaires (puthujjana), qui diffèrent des
Ariyas, ou des gens évolués (kalyâna puthujjana), qui sont conscients du caractère
impermanent, etc. Cet état de conscience se trouve chez les personnes ignorantes qui ne
connaissent pas la nature réelle des objets des sens, à cause de leur manque d'attention. En
conséquence, elles restent inconscientes du caractère impermanent et sont dans l'illusion que
tous les phénomènes sont permanents et bons.
Les commentaires donnent plus de détails au sujet de la personne ignorante qui est
soumise à l’équanimité malsaine. Elle n'est pas un Ariya ayant atteint le stade de sotâpanna
qui est la conquête sur les souillures menant aux mondes inférieurs ; ou au stade de celui qui
reviendra une seule fois (sakadâgâmi) qui apporte la liberté par rapport aux désirs des sens et
à la malveillance ; ou au stade de non-retournant (anâgâmi) qui signifie l'élimination totale
de ces deux souillures. Les êtres qui souffrent de l’équanimité malsaine n'appartiennent pas à
un de ces trois types d’Ariyas parce qu’ils n’ont pas supprimé ces souillures.
La personne ignorante n'est pas non plus une personne qui a neutralisé les effets du
kamma. C'est seulement l'Arahant qui peut surmonter les effets kammiques comme la
renaissance, etc. Ces deux attributs négatifs, à savoir : être toujours enclin aux souillures et
être toujours soumis à la loi du kamma, montrent que l’équanimité malsaine existe seulement
chez les non-ariyas : les puthujjanas. Par puthujjana les commentaires désignent la personne
ordinaire qui est exempte de la compréhension de la vérité et de la connaissance de la réalité.
La personne ordinaire est décrite comme une personne qui ne voit pas les méfaits de
l'illusion (moha). Du fait de son manque d'attention, elle ne comprend pas la vérité, et elle est
dans l'illusion d'un ego permanent. Cette illusion la conduit à rechercher des désirs agréables,
à l'attachement et à faire des efforts pour satisfaire ses désirs. Ces efforts provoquent à leur
tour un bon ou un mauvais kamma, aboutissant à la renaissance, qui conduit à la vieillesse, à
la maladie, à la mort et à toutes les autres souffrances.
La personne ordinaire ne voit pas les dangers de l'illusion et elle n'a pas non plus la
connaissance. La connaissance est de deux sortes : la connaissance de l'enseignement du
Bouddha par des discours, etc… et la connaissance empirique acquise par la méditation et la
compréhension du chemin. Ces deux sortes de connaissances sont étrangères à la personne
ordinaire, elle a donc l'équanimité née de l'illusion.
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Sakkapañha Sutta – page 22
Les objets des sens ne causent ni joie, ni douleur en elle mais elle reste néanmoins prise dans
le monde des sens. De là le terme gehasita-upekkhâ. Geha signifie la maison des sens.
Autrement dit, la personne ordinaire ne dépasse pas le monde phénoménal ou le monde des
sens et reste ainsi aveugle à sa nature réelle : son caractère impermanent et ses autres
caractéristiques.
Les commentaires du Sakkapañha Sutta expliquent l'équanimité saine en détails sur la
base de ce qui est dit dans le Sutta Salâyatanavibhanga. L’équanimité saine ou équanimité
orientée vers la renonciation est appelée nekkhamasita-upekkhâ et est de six sortes,
dépendant des six sens. Le méditant qui est attentif à la disparition de tous les objets des sens
se rend compte que chaque phénomène est sujet à l’impermanence, à la souffrance et à la
dissolution. Cette compréhension de la réalité le mène à un sentiment d'équanimité qui l'aide
à dépasser le monde des sens et le libère de l'attachement. Il est alors équanime face aux
objets des sens tant agréables que désagréables. _________________ Que tous soient en liaison
Avec les Bouddhas des Trois Temps
Passés, Présents et Futurs,
Ici et Maintenant. |
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