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"L'appropriation juste"

 
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Chaosophe



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Messages: 125

MessagePosté le: Mer 30 Juin, 2010 0:58    Sujet du message: "L'appropriation juste" Répondre en citant

Parmi les images récurrentes dans le Canon, une des plus intéressantes est la métaphore végétale : l’homme est comparé à une plante ou à un arbre. L’image de la plante est centrale parce qu’elle s’articule avec l’image du feu (les désirs brûlants) et celle du bois (« agrégats » signifie aussi « tronc d’arbre » en pâli). Comme le feu s'alimente du bois, et la plante du sol, le désir se nourrit de plaisir, l'intellect de croyances, la conscience d'idées, etc. Le point commun à toutes ces images est donc le processus physiologique (et même "gastroentérologique") d’alimentation, d’assimilation et de croissance, qui est aussi vécu psychologiquement comme attachement. Le monde végétal est une des meilleures métaphores de l’appropriation (upadana) : les désirs sont comme des plantes grimpantes, une "végétation envahissante" comme on dit, ou des lianes saisies par ce singe qu’est l’intellect, comme le dit le Dhammapada, au point qu'elles finissent par devenir ses "liens". La véritable plante, c'est l’homme, déclare le Bouddha avant Platon, Nietzsche et bien d’autres. Les agrégats, les éléments et les 6 bases du contact apparaissent en dépendance d’une cause,
Citation:
« Comme lorsqu’une graine est semée dans un champ,
Elle croît en dépendance d’une paire de facteurs :
Elle requiert à la fois les nutriments du sol
Et un approvisionnement constant de moisissure » (SN 5 : 9)

Cette comparaison permet de comprendre comment la souffrance n’est ni cause d’elle-même, ni faite par un autre.
« Les choses qui peuvent attacher » entrainent l’attachement comme un homme qui cultive un jeune arbre le fait grandir (SN 12 : 53). La soif entraine l’attachement, comme du bois alimente un feu (12 : 55) ; c'est de la même façon que « la descente des phénomènes physiques et mentaux » entraine l’apparition des 6 bases des sens (12 : 59).

Si le Bouddha a décidé d’enseigner sa doctrine, c'est qu’il a discerné toutes les qualités mentales des êtres, qui sont inégales comme des lotus qui seraient au-dessous ou en-dessous du niveau de l’eau, ou à sa hauteur (6 : 1)

Si l’homme est une plante, l’Eveil est son épanouissement et sa fleuraison :
Citation:
« De même que, quels que soient les types de graines et de plantes qui parviennent à la croissance, l’accroissement, et l’expansion, toutes agissent ainsi [en étant] basées sur la terre, établies sur la terre, de même, basé sur la vertu (sîla), établi sur la vertu, un moine développe et cultive le Noble Octuple Sentier, et il parvient ici à la croissance, l’accroissement, et l’expansion dans les états [sains] ». Il cultive les facteurs du Sentier, qui sont chacun « basé sur la solitude, le dépassionnement, et la cessation, mûrissant en libération (vossagga) » (45 : 150, « Graines »)

Il y a ici un jeu de mot sur la racine bhav- qui, comme notre terme « culture », a eu un sens agricole avant d’avoir un sens théorique. Lorsqu’on développe les facultés, on s’épanouit, comme lorsqu’on cultive une plante elle fleurit.
Mais lorsque les plantes deviennent des arbres, ceux-ci fournissent un combustible potentiel pour le feu de la passion et de la souffrance. D’ailleurs les agrégats ne sont pas souffrance ou cause de souffrance en tant que tels, mais seulement lorsqu’ils sont des « agrégats d’appropriation (upādānakkhandā) » (SN 22 : 48 ), c'est-à-dire lorsqu’ils sont « appropriables, offrent une "alimentation" et sont accompagnés de flux mentaux (āsava) » (SN 22 : 48 ). Qu’un feu s’alimente du bois, ou qu’une plante s’alimente des « nutriments du sol », il s’agit toujours d’assimilation ou d’incorporation. Cette image va si loin que c'est finalement tout acte et toute causalité qui sont comparables à une forme de nutrition : la cause « alimente » son effet. C'est ce que signifie la doctrine des quatre « aliments (āhāra) ». Ces aliments expliquent l’existence et le devenir : la nourriture physique, le contact, l’intention et la conscience - sont à l'origine des renaissances. Ils sont donc à l’origine du temps : c'est « grâce à eux que tous les êtres durent » (cf. SN 12 :12, 31, 63 et 64). Ils forment « le soutien de la durée (thiti) de ceux qui cherchent à devenir » (SN 12 : 11) et « à cause de cette alimentation le devenir existe » (MN I, 511-512). Précisément :
Citation:
« Kamma est le champ, la conscience est la graine, et la soif la moisissure, car la conscience [...] s’établit dans un domaine bas », moyen, ou supérieur (AN I 223-24).

Bhikkhu Bodhi explique qu’au moment de la conception, le courant de conscience provenant de l’existence précédente alimente, c'est-à-dire génère, la conscience de renaissance initiale, laquelle nourrit ou provoque les phénomènes physiques et mentaux concomitants.

L'idée d'alimentation permet d'expliquer l'ensemble de la réalité sans recourir à des êtres en soi :
Citation:
- Le Vénérable Moḷiyaphagguna : « Qui (ko) consomme l’aliment conscience ? ».
- Le Bouddha : « Pas une question valide [...]. Je ne dis pas "On consomme". Si je disais "On consomme", dans ce cas cela serait une question valide [...]. Mais je ne parle pas ainsi. Puisque je ne parle pas ainsi, si quelqu'un me demandais : "Vénérable, de quoi (kissa) l’aliment conscience [est-il une condition] ?", cela serait une question valide. A cela la réponse valide est : "L’aliment conscience est une condition pour la production d’une existence future renouvelée". Quand ce qui est venu à l’être existe, les 6 bases des sens viennent à l’être ; avec les 6 bases des sens comme condition, le contact" » (12 : 12, Moḷiyaphagguna sutta).

Toute cette formule est répétée pour les questions « qui entre en contact ? », « qui sent ? », « qui a soif ? ». A chaque fois, le Bouddha substitue à ces question personnelles une formule impersonnelle (« de quoi »)

Un texte précise comment le processus d'alimentation a lieu au sein de l'esprit. Il compare le moine qui « développe et cultive les 7 facteurs d’Eveil, et accomplit ainsi la grandeur et "l’expansion" dans les états [sains] » - aux nâgas de l’Himalaya qui « nourrissent leurs corps et acquièrent de la force », puis entrent dans les rivières et l’océan, où « ils accomplissement la grandeur et l’expansion du corps ». Le texte ajoute :
Citation:
« Tout comme ce corps, soutenu par l’aliment, subsiste en dépendance de l’aliment et ne subsiste pas sans aliment, de la même manière les 5 entraves, soutenues par l’aliment, subsistent en dépendance de l’aliment et ne subsistent pas sans aliment ».

Ainsi, l’« attention négligente » (non méthodique) portée aux objets sensuellement attirants (les « signes de la beauté ») est « l’aliment pour l’apparition du désir sensuel non apparu et pour l’accroissement et l’expansion du désir sensuel apparu ». La malveillance est alimentée par le « signe du repoussant » ; la négligence et la torpeur sont alimentées par « le mécontentement, la langueur, l’étirement paresseux, la somnolence après les repas, l’apathie de l’esprit ». « L’instabilité d’esprit » alimente l’agitation et le remords ; les choses qui sont la base du doute alimentent le doute. Le Bouddha précise que les 7 facteurs d’Eveil sont également soutenus par des aliments : par exemple le discernement est alimenté par les états sains ou non, blâmables ou non, inférieurs et supérieurs, sombres et clairs ; et l’énergie est alimentée par « l’élément d’éveil, l’élément de tentative, l’élément d’effort ».


La doctrine de l’assimilation (« alimentation », « appropriation », « attachement ») vise à expliquer le devenir sans recourir à des êtres en soi, mais uniquement au moyen de processus qui se connectent et se conditionnent entre eux. Dans cette perspective, le corps et l’esprit auxquels on « s’attache » sont à la fois l’aliment et l’alimentation, l’objet et l’acte d’attachement. Car l’appropriation n’est ni identique, ni différente du corps et de l’esprit (MN 44). Puisque le Bouddha envisage tout acte et toute cause comme une forme d’alimentation et d’aliment, on peut dire qu’il étend à l’ensemble de la réalité le mode de production le plus élémentaire : la croissance et la nutrition du vivant, l’assimilation organique, l'incorporation de la matière par la vie. Plutôt que d’envisager le devenir comme être en soi, il faut l’envisager comme vie, dynamisme vital.
Disons concrètement ce que cela signifie et quels en sont les conséquences pour la vie quotidienne. L’Enseignement du Bouddha nous apprend à « digérer » nos expériences vécues, à assimiler les événements de façon appropriée, sans provoquer d’indigestion (les remords) ni de malnutrition (la « soif » ou la « faim » des désirs). Il s’agit d’apprendre à incorporer ce qui arrive et à s’en nourrir ou s’en abreuver, d’une manière qui ne provoque pas de souffrance, mais qui entraine au contraire la « croissance » et l’épanouissement. Cela signifie qu’il faut notamment savoir oublier le passé, contempler le présent d’un œil neuf, accueillir les sensations sans y projeter de jugement, différer nos réactions habituelles, etc. Je n’aurai pas d’hésitation à parler ici d’« appropriation juste », qui est le pendant de la « soif d'Eveil » dont j'ai déjà parlé dans d’autres posts…
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cgigi2
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Inscrit le: 02 Mar 2007
Messages: 793

MessagePosté le: Mer 30 Juin, 2010 16:29    Sujet du message: Répondre en citant

Merci Chaosophe pour cet exposé plein de sens Smile

avec metta
gigi

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