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Le "désir" EST la voie
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Chaosophe



Inscrit le: 13 Avr 2008
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MessagePosté le: Dim 13 Sep, 2009 18:49    Sujet du message: Le "désir" EST la voie Répondre en citant

Si toutes les actions de l’homme ordinaire proviennent de la « soif », il paraît difficile de lui mettre fin, comme le bouddhisme appelle cependant à le faire. De fait aspirer à l’abolition du désir et de la souffrance n’est que la manifestation d’un désir plus subtil et source de souffrance (cf. le post suivant, sur le désir). La seule manière de procéder est celle que propose Ananda : "c'est en dépendance de la la "soif" (taṇhā) que la "soif" est abandonnée » (AN 4 : 159). Mais qu’est-ce que cela peut signifier, hormis un pur paradoxe ? C'est ce qu’objecte le brahmane Uṇṇābha à Ananda :
Citation:
« Dans ce cas la situation est sans fin, non terminable. Il est impossible que l’on puisse abandonner le désir (chanda) au moyen du désir (chanda) lui-même » (SN 51 : 15).

Le brahmane s’étonne en effet qu’Ananda, interrogé sur la nature de la voie menant à l’Eveil, réponde que l’abandon du "désir" ou de la "volonté" (chanda) » s’obtienne en développant un effort nommé :
Citation:
« la base du pouvoir (iddhipādha) pourvue de l’unification de l’esprit (samādhi) provenant de la "volonté" (chanda) et des énergies intentionnelles de l’effort (padhānasaṅkhārā) » !!

De fait, cette déclaration singulière, selon laquelle le « désir » doit être abandonné en cultivant le « désir », a de quoi susciter l’étonnement ! En réalité, comme l’explique Ananda, il en va de l’Eveillé comme de l’homme qui désire aller dans un parc et chez lequel, une fois parvenu à destination, « le désir approprié (tajja) s’est apaisé » :
Citation:
« [L’éveillé] avait précédemment la "volonté" (chanda) d’obtenir l’état d’éveillé (arahatta), et lorsqu’il a atteint l’état d’éveillé, la "volonté" appropriée (tajja) s’est apaisée (paṭippassaddha) ».
La même formule est répétée pour « l’énergie » qu’il avait éveillé, sa « résolution » lorsqu’il avait « composé son esprit [en vue d’agir] », et l’« examen approfondi » qu’il avait mené (comme il se demanderait : « Devrais-je aller dans le parc ? »). – C'est dire qu’il faut abandonner la forme malhabile du vouloir en cultivant sa forme habile, saine, « appropriée », en sorte que celle-ci triomphe de celle-là. Il faut en somme utiliser la puissance de la volonté pour qu’elle se surmonte elle-même et parvienne ainsi à combler ses aspirations fondamentales. Ce « "désir" approprié », cette « volonté saine » (kusala chanda) n’est autre que l’aspiration à l’Eveil, la volonté active d’accomplir les fins spirituelles, ou encore :
Citation:
« l’effort sur les chemins du Dhamma » (dhammapadesuchanda) (SN I, 202) ;
« le désir ardent (pihâ) d’entrer dans le domaine paisible dans lequel les nobles (ariyas), l’ayant réalisé par eux-mêmes, demeurent » (MN III, 218) ;
« le désir ardent (pihâ) » pour « l’émancipation suprême (anuttara vimokha) » (MN I, 303-4).

Il s’agit de la seule volonté qui puisse être pleinement satisfaite, parce qu’elle dirige la « recherche de l’excellence (brahmacariya) » et vise la « libération de l’esprit (ceta-vimutti) », qui provient de « la cessation du désir [malhabile] (râga-virâga) ». De sorte que le mal est aussi bien le remède, et le poison, l’antidote ! Comme le remarque Buddhagosa :
Citation:
« la "soif" d’existence est [...] la cause spécifique de l’action (kamma) qui mène aux bonnes destinées »
! Elle suscite en effet
Citation:
« le type d’action [qui] n’est pas brûlé par les souillures, mais délectable, et [qui] chasse les désagréments accablants des mauvaises destinées » (VM XVII, § 40).
Pour que la volonté puisse être ainsi convertie, transposée sous une forme supérieure, habile et saine, une manière de voir (dassana) est requise qui a pour condition une forme de souffrance : la reconnaissance du caractère insatisfaisant de notre vie ordinaire, de son incapacité à accomplir nos aspirations les plus profondes. La « souffrance (dukkha) » est en effet « la condition suffisante de la confiance (saddhā) », d’où provient « le bien-être (pāmojja) [...], la joie spirituelle (pīti) [...], l’apaisement (passadhi) [...], l’unification de l’esprit (samādhi) [...], la connaissance et la vision des choses telles qu’elles sont (yathā-bhūta-ñāṇa-dassana) » et finalement l’Eveil (« la connaissance [ñāṇa] de la cessation des flux du désir [āsava] », SN 12 : 22). Dans cette démarche, lorsque la « souffrance » est observée avec attention (sati), elle fait naître la confiance dans l’enseignement et, surtout, dans la volonté d’agir : elle stimule « l’effort concernant la manière d’être habile » (kusala-dhamma-chanda, AN IV, 441).

Dernière édition par Chaosophe le Mar 03 Nov, 2009 15:14; édité 5 fois
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Jérôme



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MessagePosté le: Jeu 17 Sep, 2009 14:59    Sujet du message: Répondre en citant

Je ne suis pas sur d'avoir tout compris^^ alors je vais essayer de centrer "la chose", Le Désir est Dukkha, même les Dhyana sont Dukkha mais si ont considère qu'il n'y a qu'une sorte de désir qui pourrait être le fameux radeau de la parabole il n'y a pas de paradoxe, je veux dire qu'il peut y avoir plusieurs nature de désir et nous les abandonnerons sans y penser le moment venu.
Qu'en pensez-vous ?
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Chaosophe



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MessagePosté le: Jeu 17 Sep, 2009 21:33    Sujet du message: Répondre en citant

Citation:
Le Désir est Dukkha

En fait "désir est une mauvaise traduction de "tanha", qui signifie un désir ardent, brûlant, passionné, donc finalement "la volonté" ou "l'aspiration".

Citation:
Le Désir est Dukkha


La volonté n'est pas dukkha mais la cause de dukkha.

Citation:
même les Dhyana sont Dukkha


Entre le sanskrit et le pâli, peut-être faudrait-il choisir, parce que cela peut nuire à la clarté du propos. Par exemple, le Bouddha ne parle pas de "nirvana", quoiqu'il connaissait le terme ; il a préféré ne pas utiliser ce terme savant, et a choisit un terme courant dans sa langue, "nibbâna", qui est par exemple le terme que l'on emploie pour parler du riz qui sorti de l'étuve (encore chaud, mais plus chauffé...)

Citation:
il n'y a qu'une sorte...il peut y avoir plusieurs nature de désir


Je ne suis pas sûr de comprendre, mais il me semble que la "volonté" peut prendre plusieurs formes.

Citation:
il peut y avoir plusieurs nature de désir et nous les abandonnerons sans y penser le moment venu

Que signifie "sans y penser" ? Et "le moment venu" ?
Il me semble simplement que c'est en développant la forme saine et "satisfaisable" de la volonté que l'on "apaise" (notons que le Bouddha ne dit pas "supprime") sa forme malsaine et insatiable.

Il me semble que la parabole du radeau concerne plutôt la vue juste, à savoir la vue qui commande d'abandonner toute vue et qui s'inclut ultimement elle-même parmi les vues à abandonner (cf Thanissaro Bhikkhu, Wings to Awakening).
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Jérôme



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MessagePosté le: Jeu 17 Sep, 2009 23:58    Sujet du message: Répondre en citant

Je ne pense pas que la volonté puisse être assimilée a la soif au désir, le désir ou la passion sont viscérales et la volonté plus intellectuelle non ?
En ce qui concerne le radeau je pense qu'il est important de garder a l'esprit que tout est "un radeau" car tous est impermanent.

Rien de ce que je dis n'est péremptoire, j'essaye seulement d'éclaircir notre chemin^^
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Chaosophe



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MessagePosté le: Lun 19 Oct, 2009 15:25    Sujet du message: Répondre en citant

Citation:
Je ne pense pas que la volonté puisse être assimilée a la soif au désir, le désir ou la passion sont viscérales et la volonté plus intellectuelle non ?


En fait il y a un problème de traduction insoluble : "tanha" a en commun avec le "désir" ce caractère "viscéral" dont vous parlez, son aspect compulsif et répétitif. Mais on entend généralement par "désir" un état de manque, un vide douloureux, une aspiration à être rempli, etc. ; or cela n'est que la forme dégénérée de tanha, et n'est donc pas une bonne traduction. Tanha n'est pas toujours insatiable - on ne peut donc pas non plus le traduire par "l'insatisfaction".

Surtout, la volonté n'a généralement rien de plus intellectuel que le désir. Au contraire, la volonté a toujours été comprise en Occident (dans l'histoire de la philosophie notamment) comme l'opposé de la raison, comme un phénomène lié au corps, et à l'action, par opposition à la contemplation intellectuelle. L'avantage d'utiliser le terme "volonté" pour traduire tanha est que "volonté" n'implique pas nécessairement manque, insatisfaction et douleur. Tanha est synonyme de chanda, lequel signifie bien la volonté, par exemple lorsque le Bouddha déclare :

Citation:
« Celui qui connaît et voit tel qu’il est réellement l'ignorance" et les autres maillons de la production en dépendance, "devrait pratiquer l’entrainement [...] faire un effort [...] éveiller la volonté (chanda) [...] éveiller l’élan [...] être assidu [...] éveiller l’ardeur (âtappa) [...] appliquer l’énergie (viriya) [...] pratiquer la persévérance" (SN 12 : 83 et suivants)


On voit que dans ce genre de propos, le Bouddha ne recommande pas seulement d'éveiller le "désir", au sens de phénomène psychologique consistant à viser l'obtention d'un objet absent, ou aspirer à un plaisir futur. Il recommande d'éveiller la volonté, au sens de phénomène affectif et pulsionnel, consistant à exercer énergiquement une action, avec "élan" et "ardeur". Vouloir signifie, dans ce sens, commander, diriger l'action.

Si tanha est intraduisible, on pourrait tout de même proposer de parler de "désir" lorsque tanha cause la souffrance, et de "volonté" lorsqu'il agit comme moteur sur la voie. Dans un cas, il s'agit du phénomène psychologique du manque, dans l'autre cas il s'agit du phénomène pulsionnel du commandement.
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tirru...



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MessagePosté le: Lun 19 Oct, 2009 22:43    Sujet du message: Répondre en citant

Titre étonnant et curieuse approche mais néanmoins intéressante Chaosophe Very Happy

Quel serait selon vous la place de la volition ou des Sankhara ? Mais encore, de l'intention qui oriente toute volition ? Tout cela n'est-il pas finalement en rapport avec la loi du kamma ? Ou bien sommes-nous simplement en pleine étymologie pali ?
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Chaosophe



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MessagePosté le: Mar 20 Oct, 2009 14:06    Sujet du message: Répondre en citant

Il me semble que les sankhara sont un des facteurs principaux de la durée, c'est-à-dire du temps psychologique. Le terme sankhâra était utilisé couramment pour signifier le polissage, la préparation culinaire, le moulage de l'argile... Il n'implique pas seulement embellissement, achèvement, mais aussi organisation ou composition intelligente en vue d'une fin. Au sens large, sankhara signifie tout ce qui existe : ce qui est forgé et forgeant, conditionné et conditionnant, par opposition au non-forgé (akrita), le Nibbâna. Dans la liste des 12 facteurs de la production en dépendance fonctionnelle, sankhara désigne seulement ce qui est "forgeant" : les tendances constructrices (inconscientes ou lucides) qui convergent vers un but. Sankhâra a un aspect de décision, désigné par les termes samcetanâ, cetanâ ou abhisankhâra). Dans ce sens, les sankhâra désignent l'unité que forment les tendances habituelles, lorsqu'elles convergent vers un même but, qui est généralement l'appropriation. Abhisankhâra est ce qui unifie les tendances dispersées. Le Bouddha condamne la vie ordinaire parce que les sankhâra y sont intéressées : si nos actes étaient désintéressées, nous verrions les choses telles qu'elles sont (momentanées et isolées). Mais sous l'influence du désir, les actes deviennent des sankhâra, des forces convergentes intentionnelles, et leur résultat forment des sankhâta, des structures agencées par ces forces. Les choses (dhamma) sont alors connectées, dépendantes, et forment un devenir difficile à surmonter :

Citation:
"Les expériences (dhammâ) sont fabriquées (sankhata) et forgées (pakappitâ) ; elles remplissent l'esprit de préjugés" (Sn 784).


Sankhâra est un terme ambigu parce qu'il s'étend de l'inconscience à la décision la plus lucide, laquelle s'enracine d'ailleurs dans l'inconscient, car son projet est vital : l'appropriation. Les sankhâra atteignent leur point culminant avec samcetanâ et cetanâ, la décision, l'effort intentionnel qui donne à l'acte sa valeur morale (méritoire, déméritoire, ou neutre). Samcetanâ est le projet initial qui dirige et unifie les autres tendances ; il provoque la décision qui déclenche l'acte ; il est l'acte efficient lui-même ; à la fois la décision et l'acte voulu tendant vers un but. Il s'agit d'une volonté prévoyante, lucide et surtout organisatrice. Cetanâ désigne l'efficience de la pensée (ceteti signifie souvent "faire des plans et des projets"), par exemple :
Citation:
""Je demeurerai ici durant les pluies et là durant l'été" : ainsi projette (vicinteti) l'ignorant" (Dmp 286).

Le terme abhisamcetanâ insiste sur l'organisation, par exemple lorsqu'il est dit :
Citation:
« C'est en raison de la cause projectrice (hetu) propre à l’intention (sañcetanā) [contenue dans] l’acte, la pensée ou la parole, que résultent aise et malaise (sukkha, dukkha) de chacun. Cette intention consiste à faire des plans, à avoir l’intention d’accomplir des actes (saṅkhāram abhisaṅkharoti), lesquels sont conditionnés par l’ignorance » (SN 12 : 25).


En se réunissant, les tendances habituelles nommées sankhâra forment des structures complexes et changeantes (l'individu), une succession éphémère de synthèses dominées tour à tour par un sankhâra qui sera alors nommé abhisankhâra ou samcetanâ, car il vise un but, donc organise les autres énergies en faisant de l'individu un être responsable. La décision (samcetana) façonne et modèle la vie, parce qu'elle parachève l'acte, c'est-à-dire que l'individu, en agissant, s'approprie l'acte, le considère comme sien et se tient pour un agent permanent, un moi durable. C'est donc la visée d'un but, la finalité, qui construit la durée, c'est-à-dire qui créer le temps psychologique. Car cette intention est un effort de continuation : l'effort de s'approprier pour continuer à vivre. (J'ai montré cela dans mon post sur Nibbâna considéré comme fin du temps). Cetanâ est l'énergie élaboratrice intentionnelle, l'acte de décision qui construit la durée future : il rassemble les énergies, mobilise la force pour se projeter, fait des plans, et ainsi il lance le processus de reproduction des constructions mentales, des tendances qui augmentent par accumulations, et des réflexes qui s'auto-alimentent. Un texte dit clairement comment les efforts intentionnels construisent la durée :

Citation:
« Ce qu'on a l'intention de faire (ceteti), et ce qu'on projette (pakappeti) et ce qu'on regrette (anuseti), c'est sur cela que la conscience (viññāna) prend point d'appui pour s'établir (ṭhiti). Parce qu'elle a pris point d'appui la conscience subsiste et, subsistant et se développant, il y a tension (nati) et parce qu'il y a tension il y a progression vers un aller et venir (āgatigati) et, en raison de cette dernière, naissance, vieillesse, mort dans l'avenir et souci, lamentation, angoisse, douleur, désespoir. Telle est l'apparition de cette masse entière de douleur [...] Même si l'on n'a pas l'intention (ceteti) d'agir, mais si l'on regrette (le passé) la conscience prend point d'appui pour s'établir » (SN 12 : 37-40).


Quant au kamma, c'est l'intention elle-même :
Citation:
"Ce que je nomme kamma, c'est l'intention (cetanâ)".

On peut dire que l'intention provoque le kamma, donc que les sankhâra (dont fait partie cetanâ) provoquent le kamma. Les sankhâra sont un réservoir de réactions, ce par rapport à quoi s'enclenche une action ou une réaction.

L'acte intéressé et voulu, abhisamkhāra, trouve son apogée dans la décision qui engage l'avenir parce qu'elle tend vers lui et parce qu'elle le modèle. C'est cet acte qui est un kamma, car il réunit les deux conditions indispensables à cette tāche : il est désir d'appropriation et dessein, c'est-à-dire à la fois impulsion provenant du désir d'approprier, et reprise consciente et voulue de cette impulsion, sous la forme d'une convergence d'efforts organisés par une intention qui tend vers un but intéressé. C'est pourquoi le Bouddha déclare :
Citation:
"Ceci n'est ni votre corps, ni le corps des autres ; il faut le considérer comme produit par l'acte passé (kamma), l'acte achevé (abhisankhata), intentionnel (abhisañcetayita), cause d'impressions affectives (vedanîga)" (SN II. 64-67).


D'après tout ce qui précède, on comprend que le sage est sans intention, anabhisankhâra. Cela signifie qu'il ne vise même pas à accomplir le bien, comme je l'ai montré dans mon poste sur "l'habileté spontanée".

J'espère avoir répondu à quelques unes de vos interrogations
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cgigi2
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MessagePosté le: Mar 20 Oct, 2009 17:17    Sujet du message: Répondre en citant

Chaosophe dit:

Citation:
J'espère avoir répondu à quelques unes de vos interrogations


gigi dit:
C'est bizard car c'est ce que je ressens mais sans tous ces mots, ça fait drôle de lire de cette façon,
mais cela amène tout de même une confirmation du ressenti, merci bien Smile

avec metta
gigi

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tirru...



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MessagePosté le: Mer 21 Oct, 2009 12:33    Sujet du message: Répondre en citant

Merci Chaosophe pour toutes ces informations fort intéressantes... En te lisant j'ai le même ressenti que Gigi... Mais je crois que je suis en divorce avec les mots... J'ai donc du mal a digérer les informations, disons que je les effleure...Et ma principale activité reste dans le vécu, le présent qui a étendu tout son "ici et maintenant" sur ma petite personne...Et même si je devais faire l'apologie de toute les qualités sublimes qui nous habitent, que sont-elles face à l'impermanence ? au changement qui régit toute chose ? Une seule image me vient dans l'esprit : un sourire fugace...

Meilleurs souhaits
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Chaosophe



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MessagePosté le: Mer 21 Oct, 2009 13:47    Sujet du message: Répondre en citant

Certes ma réponse est abstraite, mais elle concerne une question difficile sur le rapport entre kamma, sankhâra et intention !!
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viriya
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MessagePosté le: Mer 21 Oct, 2009 23:00    Sujet du message: Répondre en citant

Bonsoir Chaosophe

Le titre "Le "désir" EST la voie" est étonnant, car il dit le contraire de la Voie qui rappelons le : le désir (tanha) est la cause de la souffrance et la Voie est l’Octuple Noble Voie. Et curieusement, vos citations sont abondantes (dont je n’arrive pas à trouver vos références), mais qui manque l’essentiel : la 2ème et la 4ème Noble Vérité.

Citation:
Le brahmane s’étonne en effet qu’Ananda, interrogé sur la nature de la voie menant à l’Eveil, réponde que « l’abandon de la "volonté" (chanda) » s’obtienne en développant un effort nommé : « la base du pouvoir (iddhipādha) pourvue de l’unification de l’esprit (samādhi) provenant de la "volonté" (chanda) et des énergies intentionnelles de l’effort (padhānasaṅkhārā) » !! De fait, cette déclaration singulière, selon laquelle le « désir » doit être abandonné en cultivant le « désir », a de quoi susciter l’étonnement ! En réalité, comme l’explique Ananda, il en va de l’Eveillé comme de l’homme qui désire aller dans un parc et chez lequel, une fois parvenu à destination, « le désir approprié (tajja) s’est apaisé » : « [L’éveillé] avait précédemment la "volonté" (chanda) d’obtenir l’état d’éveillé (arahatta), et lorsqu’il a atteint l’état d’éveillé, la "volonté" appropriée (tajja) s’est apaisée (paṭippassaddha) ». La même formule est répétée pour « l’énergie » qu’il avait éveillé, sa « résolution » lorsqu’il avait « composé son esprit [en vue d’agir] », et l’« examen approfondi » qu’il avait mené [b] (comme il se demanderait : « Devrais-je aller dans le parc ? »). – C'est dire qu’il faut abandonner la forme malhabile du vouloir en cultivant sa forme habile, saine, « appropriée », en sorte que celle-ci triomphe de celle-là. Il faut en somme utiliser la puissance de la volonté pour qu’elle se surmonte elle-même et parvienne ainsi à combler ses aspirations fondamentales. Ce « "désir" approprié », cette « volonté saine » (kusala chanda) n’est autre que l’aspiration à l’Eveil


Vos propos se basent sur la phrase d’Ananda d’« abandonner la "soif" (taṇhā) au moyen de la "soif" » (taṇhā ; AN 4 : 159).
Tanha que vous mélangez avec chanda « l’abandon de la "volonté" (chanda) » s’obtienne en développant un effort nommé : « la base du pouvoir (iddhipādha) pourvue de l’unification de l’esprit (samādhi) provenant de la "volonté" (chanda) et des énergies intentionnelles de l’effort (padhānasaṅkhārā) »
pour conclure que « le désir doit être abandonné en cultivant le désir»,

La même formule est répétée pour « l’énergie » qu’il avait éveillé, sa « résolution » lorsqu’il avait « composé son esprit [en vue d’agir] », et l’« examen approfondi » qu’il avait mené

Dans la « formule », 4 voies ont été évoquées mais pourquoi vous ne gardez qu’une pour la faire « coller » avec vos propos ?


Mais d’abord ,
1/ Pourriez vous expliciter où se situent ces 4 voies dans le processus bhavana ?
2/ Comment sont ils appelés ?
3/ Quelles sont les conditions de leur utilisation ?
4/ Quelles sont leurs rôles ?

___________________________________


Citation:
Il s’agit de la seule volonté qui puisse être pleinement satisfaite, parce qu’elle dirige la « recherche de l’excellence (brahmacariya) » et vise la « libération de l’esprit (ceta-vimutti) », qui provient de « la cessation du désir [malhabile] (râga-virâga) ». De sorte que le mal est aussi bien le remède, et le poison, l’antidote ! Comme le remarque Buddhagosa : « la "soif" d’existence est [...] la cause spécifique de l’action (kamma) qui mène aux bonnes destinées » ! Elle suscite en effet « le type d’action [qui] n’est pas brûlé par les souillures, mais délectable, et [qui] chasse les désagréments accablants des mauvaises destinées » (VM XVII, § 40).


Il me semble que vous ne distinguez pas le tanha menant aux bonnes destinées et l’aspiration dhamma chanda enseigné par le Bouddha menant à l’abandon, au dépassionnement, à la cessation de dukkha. Il y a donc deux termes qu’il faut bien distinguer tanha et chanda.

En partant de la notion tanha malhabile et tanha habile, vous avez donné une interprétation déformée de ce passage XVII, 39-40. Ces deux passages expliquent la co-production conditionnée. Le passage XVII-39 de Buddhaghosa dit que c’est à cause de l’ignorance (avijja) que les êtres commettent des actes menant aux mauvaises destinées (et non pas à cause de tanha malhabile ?!).
Et le passage XVII-40 dit que « la "soif" d’existence est [...] la cause spécifique de l’action (kamma) qui mène aux bonnes destinées ». Ici il faut comprendre que c’est le bhava-tanha : la soif du devenir qui pousse les gens à accomplir des bonnes œuvres espérant une meilleure vie. Mais ce devenir aussi meilleur soit-il emprisonne quand même les êtres dans le samsara.

Remarque: c'est l'explication de Buddhagosa, si vous le citez, merci de le restituer fidèlement.



Citation:
...Tanha est synonyme de chanda,...

l'embrouille vient de là.
seul "kama chanda" représente une partie de Tanha.


_______________________________________

Dommage que je ne trouve pas les références de vos citations. Pourriez vous m’indiquer où est ce que je peux trouver sur le net. (ou c’est dans quel livre ?) et aussi le nom du sutta ?
Les citations non trouvées :
... l’effort … (SN I, 202) ;
... le désir ardent (pihâ) d’entrer…» (MN III, 218 ) ;
... ou encore « le désir ardent (pihâ) … (MN I, 303-4 ) .
... la connaissance [ñāṇa] de la cessation des flux du désir [āsava] », SN 12 : 22 ).
(kusala-dhamma-chanda, AN IV, 441 ).

_______________________________________

Citation:
…En fait il y a un problème de traduction insoluble : "tanha" a en commun avec le "désir" …..

Le problème de traduction vient de votre interprétation de tanha selon vos « désirs ».
Il faut revenir à la définition de tanha selon le Bouddha ainsi que la définition de chanda, lhoba, kama, raga et la relation entre elles..


Bonne quête Wink
_________________
avec metta
viriya
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Chaosophe



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MessagePosté le: Jeu 22 Oct, 2009 13:34    Sujet du message: Répondre en citant

Citation:
Le titre "Le "désir" EST la voie" est étonnant, car il dit le contraire de la Voie qui rappelons le : le désir (tanha) est la cause de la souffrance et la Voie est l’Octuple Noble Voie.


On voit qu’il y a un problème, parce que les textes disent que tanha est la cause de la souffrance, mais aussi que « c'est en dépendant de la soif (tanha) que la soif est abandonnée » (AN IV 159), et qu’il s’agit d’« abandonner le désir (chanda) au moyen du désir » (SN 51 : 15). Tanha et chanda sont interchangeables, je vais le montrer. C'est pourquoi je dis que le désir est la voie. En tout cas on ne peut pas échapper à la difficulté en s'en tenant à des définitions figées, et en refusant de prendre en compte l'esprit des textes, leur logique subtile, les images qu'ils utilisent, etc. On ne peut tout simplement pas ignorer les textes qui parlent d'un désir (chanda, râga, kâma) noble, habile et sain.
La question est de savoir si ce qu'on nomme généralement "désir" est seulement la cause de la souffrance, voire un ennemi à abattre, ou si au contraire le désir est essentiel à la voie, et peut-être considéré comme un facteur d'Eveil. La croyance selon laquelle le désir est uniquement cause de souffrance, et que Nibbâna est la pure et simple cessation du désir : on verra que c'est l'inverse du bouddhisme, et que le Bouddha réclame d'"éveiller un désir extraordinaire", ce qu'on peut nommer le désir juste, "ni trop lâche ni trop tendu". Si l'on ignore le rôle du désir sur la voie, et qu'on tient compte seulement des textes qui parlent de sa destruction, on risque de condamner le désir, ce qui est une attitude nihiliste, en tout cas un extrême rejeté par le Bouddha.
Prévoyant votre objection, j’ai mis des guillemets à « désir », car à mon avis le terme approprié est plutôt « volonté ». J’ai tout de même employé le terme "désir" dans mon titre, car c'est une traduction courante de tanha ; or on peut montrer que tanha est essentiel à la voie, et qu’il peut prendre Nibbâna pour objet. Évidemment, d’autres facteurs interviennent : le désir est subordonné à la connaissance et à la vision ; mais c'est précisément pour cela que le désir est essentiel : en tant que condition de la vision.
Pour comprendre en quel sens tanha désigne moins le « désir » que la « volonté », il faudrait comprendre profondément ce que sont tanha, le désir, et la volonté ! Tâche difficile, mais si « désir » était une bonne traduction de tanha, il n’y aurait pas de problème ; c'est la raison pour laquelle je propose le terme « volonté », lorsqu’il est bien compris.

« Désir » et « volonté » ont un point commun : ils concernent tous les deux un effort qui cherche à se satisfaire. Mais « désir » signifie un état de manque, tandis que « volonté » signifie l’exercice d’un pouvoir. Or on peut montrer que le sentiment de manque n’est qu’un aspect particulier de tanha, et que tanha n’est pas un sentiment parmi d’autres, mais une caractéristique commune à tous les affects. Et comme cette caractéristique, tanha, peut prendre une forme maitrisée, cultivée, développée, spirituelle, je préfère le terme « volonté », qui renvoie à la maitrise consciente d’un pouvoir, et désigne une force plus générale que le désir : celle qui permet de se déterminer à accomplir ou à s’abstenir d’une action. Par exemple, il est possible d’accepter ou de refuser volontairement de satisfaire un désir.
« Désir » signifie bien un état ou un sentiment de manque douloureux, accompagné du besoin de se remplir ou d’obtenir l’objet de satisfaction : le terme désignait à l'origine la tristesse de celui qui ne voit plus une étoile : (sidus, sideris = « l'astre », de-siderare = « cesser de contempler (l'astre) »). Les auteurs latins disent communément desiderare pour signifier « regretter », « déplorer la perte » de quelqu'un ou quelque chose. Le « désir » a aussi un sens positif (« souhaiter », « chercher à obtenir »), mais qui est apparu plus tardivement, en français ; dans le langage ordinaire, le désir reste encore aujourd’hui assimilé au manque (même si la philosophie a fait des efforts récemment pour recomprendre le désir). Cet état de manque n’est qu’un aspect particulier, une forme particulière de tanha, car tanha n’est pas une émotion ou un sentiment particulier, mais une caractéristique commune à tous les affects, des plus sauvages aux plus spirituels. Pour le comprendre, il faut prendre en compte trois points :
- La soif est la condition pour apparaître dans le monde, donc pour ressentir des affects
- Comme l’univers, la soif est sans commencement connaissable.
- La « soif » n’est qu’une métaphore

D’abord, l’Agañña sutta (DN 27) fait apparaitre tanha comme la condition fondamentale pour naître dans le monde, et comme ce qui relie une vie à la vie suivante. Le texte décrit les premiers êtres (« faits d’esprit, se nourrissant de joie, lumineux par eux-mêmes… »), qui chutent sur terre en conséquence de leur mérite (puñña), et se nourrissent avec avidité de « la crème de terre » formée à la surface des océans par la coagulation des eaux : lorsque des êtres consomment cette nourriture savoureuse et prennent conscience de sa douceur exquise, taṇhā nait en eux « et en conséquence leur auto-luminosité disparaît [...] le soleil et la lune apparaissent, le jour et la nuit sont distingués, les mois et les quinzaines apparaissent, et l’année et ses saisons. Dans cette mesure le monde évolue de nouveau ». Les êtres continuent leur chute, devenant de plus en plus grossier à mesure qu’ils connaissent plus d’attachement, jusqu’à créer notre monde douloureux. D’autres textes décrivent taṇhā comme le « combustible » (upâdâna) qui lie une vie à la suivante :
Citation:
« Un être a abandonné ce corps mais n’est pas encore rené dans un autre corps, je déclare qu’il est alimenté par tanha. Car à cette occasion tanha est le combustible » (SN 44 : 10).

Ici, tanha apparaît comme la condition fondamentale pour exister où que ce soit dans l’univers. C'est aussi le sens de cette définition de l’« être » par le Bouddha :
Citation:
« on est attrapé (satta) ici, attaché (visatta) ici : par conséquent on est nommé "un être" » (SN 23 : 2).
Si tanha est la condition fondamentale pour exister, c'est la condition première pour ressentir des affects.
Deuxièmement, il faut prendre en compte le fait que tanha est sans commencement connaissable. J’en ai parlé dans un autre poste, où je me suis effectivement trompé de référence (j’ai indiqué VM VII, au lieu de VM XVII). Vous me dites à cet égard :
Citation:
Peut être que vous citiez VisMagga, XVII 36, 37 sur le PaticcaSamuppada (co-production conditionnée), où le premier maillon est avijjā (ignorance) et non pas taṇhā. Ce que Buddhaghosa explique est que le Bouddha a enseigné le PaticcaSamuppada de 4 manières en commençant par un maillon spécifique dont une qui commence par taṇhā. Ainsi il faut aussi s’intéresser aux 3 autres manières et non pas s’arrêter à taṇhā..

Dans ce passage de Buddhagosa, l’auteur dit bien que tanha apparaît parfois comme le premier maillon :
Citation:
« Le Seigneur commença l’exposé du tourbillon soit par l’aveuglement [...] soit par la soif ».

L’auteur cite des textes canoniques à l’appui :
Citation:
« Un premier commencement de bhava-taṇhā ne peut être connu (paññayati), avant lequel quelqu'un pourrait dire que bhava-taṇhā n’existait pas [et qu’]il est depuis apparu » (AN V, 116)

Comme je l’ai dit, cette phrase est valable pour la soif en général, puisque bhava-taṇhā peut être considéré comme la forme la plus élémentaire et générale de la soif. En tout cas, je ne connais pas de texte qui dise que la soif a un premier moment connaissable, avant lequel elle n’était pas apparue – et cela suffit amplement à ma démonstration. Et je ne vois pas pourquoi je n’aurai pas le droit de m’intéresser à ce qui est dit ici concernant la soif.
Vous dites :
Citation:
En partant de la notion tanha malhabile et tanha habile, vous avez donné une interprétation déformée de ce passage XVII, 39-40. Ces deux passages expliquent la co-production conditionnée. Le passage XVII-39 de Buddhaghosa dit que c’est à cause de l’ignorance (avijja) que les êtres commettent des actes menant aux mauvaises destinées (et non pas à cause de tanha malhabile ?!).
Et le passage XVII-40 dit que « la "soif" d’existence est [...] la cause spécifique de l’action (kamma) qui mène aux bonnes destinées ».
Le passage XVII-39 explique que c’est l’ignorance qui conduit les êtres aux mauvaises destinées [...] En mélangeant votre phrase avec celle de Buddhagosa, vous créez une confusion qui suggére que la soif d’existence mène aux bonnes destinées c’est à dire « la libération de l’esprit » !

Buddhagosa dit que la soif mène aux bonnes destinées, et Ananda qu’elle permet de mettre fin à la soif ; par ailleurs, je vais citer d'autres textes qui concernent le rôle du désir sur la voie, notamment des textes où le Bouddha déclare avoir atteint l’Eveil en cultivant les « quatre bases du pouvoir spirituel », dont fait partie le désir. Tout cela ne tend-il pas à montrer que le désir est un moteur sur la voie ? J’argumente, sans chercher à créer de confusion volontaire : à chaque fois que j’ai cité Buddhagosa j’ai indiqué les références, mais je n’ai pas mis de référence à Buddhagosa en parlant de « libération de l’esprit ». Je confronte simplement les textes, comme les textes eux-mêmes invitent à le faire (par exemple le dialogue entre Ananda et Unnabha en SN 51 : 15 est clairement une explication de AN V : 159).

Citation:
Ici il faut comprendre que c’est le bhava-tanha : la soif du devenir qui pousse les gens à accomplir des bonnes œuvres espérant une meilleure vie. Mais ce devenir aussi meilleur soit-il emprisonne quand même les êtres dans le samsara.

Comme je l’ai dit, bhava-tanha peut être considéré comme la forme générale et fondamentale de tanha. Le fait que Buddhagosa emploie l’image d’une vache assoiffée devrait nous alerter : il veut dire que, quand on n’étanche pas notre soif, on souffre, au contraire de celui qui se désaltère, c'est-à-dire qui satisfait tanha. La « soif » (ou bhâva-tanha en particulier) est ici « la cause spécifique de l’action (kamma) qui mène aux bonnes destinées », parce qu’elle pousse les êtres à agir habilement, par exemple à observer une conduite pure :
Citation:
« les êtres ordinaires, poussés par la soif d’exister, accomplissent toutes sortes d’actes – s’abstenir de détruire le souffle vital, par exemple – qui les mènent aux bonnes destinées »

Buddhagosa prend le soin de préciser que
Citation:
« Ce type d’action n’est pas brûlé par les souillures, mais délectable, et chasse les désagréments accablants des mauvaises destinées ».

Une action pure de toute souillure : n'est-ce pas la voie ? N’est-il pas clair que la soif apparaît ici comme un remède à dukkha ? Buddhagosa ne dit pas explicitement que la soif permet d’atteindre l’Eveil en cette vie même, mais le Bouddha également reconnait qu'on n'atteint pas nécessairement l'Eveil dans cette vie. En tout cas Buddhagosa ne nie pas expressément que la soif puisse mener à l’Eveil, et il n’affirme pas ici qu’elle maintient obligatoirement dans le samsâra. Il affirme au contraire que la soif incite à agir d'une façon pure et habile, qui « chasse les désagréments ». Comment ne pas relier ce texte aux déclarations d’Ananda concernant l’abandon du désir au moyen du désir ?

Quand il est dit que « du contact provient la sensation. De la sensation provient la soif » (SN 12 : 2), je ne suis pas sûr que tanha désigne ici un sentiment particulier produit par la sensation, comme le sont la convoitise (râga), l’avidité (lobha) ou l’aversion (dosa) : la soif est plutôt, métaphoriquement, la condition générale de tous les affects qui apparaissent dans notre contact avec le monde. Si la soif n’était qu’un un sentiment particulier, un état affectif parmi d’autres, on ne comprendrait comment elle peut être LA cause de toutes les formes de dukkha, de la plus grossière douleur physique à la souffrance la plus subtile des dieux ! Car si la soif était un affect particulier, lequel serait-il ? S’agit-il du désagrément qu’on ressent en cas de soif physique, lorsque notre gorge est sèche ? Ou du sentiment que ressent l’ambitieux, qui a soif de pouvoir ? Ou du sentiment de l’alcoolique, assoiffé de boissons fermentées ? Non, la soif n’est pas tel sentiment particulier, mais une caractéristique commune à tous les affects

Nous savons pour l’instant que la soif est la condition pour apparaître dans le monde, donc pour ressentir des affects ; qu’elle est primitive (« sans commencement connaissable »), première d’un point de vue méthodologique ; et qu’elle n’est qu’une métaphore pour la force à l’origine de la présence des êtres dans le samsâra. C'est pourquoi je dis que la soif est la forme primitive de tous les affects, qui n'en sont que des développements. Elle est la condition fondamentale et générale de l’existence des êtres non éveillés, et une des dernières tendances à être éliminée avant l’Eveil. Elle caractérise toute l’expérience du samsâra, de ses aspects les plus grossiers à ses aspects les plus raffinés, donc elle est présente du début à la fin du samsâra. Donc taṇhā n’est donc pas un affect particulier, mais une métaphore (volontaire) qui désigne la caractéristique affective la plus présente dans l’existence samsârique. Tout cela vaut également pour l’ignorance : ici, « soif » et « ignorance » sont les deux facteurs du samsâra, et désignent les aspects affectifs et cognitifs de notre expérience, les affects et le monde perçu. Comme ces deux aspects sont interdépendants, la soif s’accompagne généralement de « vue fausse » (micchâ-diṭṭhi).

Citation:
D’après la définition du Bouddha, tanha est toujours un akusala dhamma (malsain) puisque c’est la cause de dukkha.
Curieusement, vous ne commentez pas la définition du Bouddha sur Tanha dans la 2ème Noble vérité qui dit que Tanha est la cause de Dukkha.


A ce stade de l’analyse, il n’est pas encore permis de dire que la soif est par elle-même cause de douleur. Au contraire, le premier sermon du Bouddha déclare que l'origine de dukkha est seulement :
Citation:
« la soif qui est cause des devenirs ultérieurs -- accompagnée par la passion et la jouissance, se régalant parfois ici et parfois là » (SN LVI.11, http://www.accesstoinsight.org/tipitaka/sn/sn56/sn56.011.than.html).

Autrement dit, seul un certain type de soif est cause de dukkha, sinon on ne comprendrait pas que le désir fasse partie de la voie (en tant que « base du pouvoir spirituel » par exemple).

Citation:
Il semble que vous partez de la phrase « abandonner la "soif" (taṇhā) au moyen de la "soif (taṇhā) » (AN 4 : 159) pour développer vos thèses. (au passage la phrase est de Ananda et non pas du Bouddha comme la structure de vos phrases suggère).
Votre édifice semble s’appuyer sur la phrase : « il faut abandonner la "soif" (taṇhā) au moyen de la "soif (taṇhā) » (AN 4 : 159). Et juste après cette citation, vous dites « le terme qu’utilise le Bouddha, taṇhā (litt. « soif » ou « sécheresse ») … » sous entendu, c’est le Bouddha qui a prononcé ou est d’accord avec cela. En réalité, cette phrase est prononcée par le Vénérable Ananda dans un contexte particulier, en plus il a évoqué d’autres aspects pour éviter des malentendus.


Le fait qu’un enseignement provienne d’Ananda plutôt que du Bouddha n’est pas très significatif. On sait qu’Ananda était un disciple très avancé, un des préférés du Bouddha. Surtout, il est possible que l’enseignement sur le rôle du désir dans la voie ait été réservé aux disciples et interlocuteurs les plus perspicaces, en raison de sa complexité (c'est pourquoi il est enseigné à un brahmane, c'est-à-dire en principe un homme lettré). Le Bouddha a lui-même averti ses disciples du rôle du désir sur la voie, par exemple en en faisant une des « bases du pouvoir spirituel », donc un facteur d’Eveil, une des "ailes pour l'Eveil".
Ce qui devrait éveiller notre attention, c'est qu’à côté de tous les textes qui parlent de destruction du désir, il y a aussi tout un tas de déclarations concernant le rôle du désir sur la voie : cela ne devrait-il pas alerter ? Cela ne dérange-t-il personne qu’un texte prône la destruction du désir, et qu’un autre prône la culture du désir ? Comment comprendre, lorsqu’on est bouddhiste, ce genre de déclarations :
Citation:
« En vue d’effectuer la percée [à travers les 4 Nobles Vérités], on devrait éveiller un désir extraordinaire, faire un effort extraordinaire, éveiller le zèle et l’enthousiasme, être assidu » (SN 56 : 34).

C'est ça qu’il faut regarder en face : le désir n’est pas (seulement) un ennemi à abattre, mais un allié sur la voie de l’Eveil ! Pourquoi ne pas prendre en compte les nombreux textes qui préconisent une véritable culture du « désir » ? Le silence des bouddhistes à cet égard est éloquent… Car une mauvaise connaissance des textes peut facilement mener à une condamnation du désir et de la sensibilité tout à fait chrétienne, c'est-à-dire nihiliste ! Or il y a un rôle du désir sur la voie, et il y a même un désir sensuel sain, comme je le montrerai ! Voyez également ce genre de texte :

Citation:
'Celui qui connaît et voit tel qu’il est réellement [chaque cause de la coproduction en dépendance], leur origine, leur cessation, et le chemin menant à leur cessation, devrait pratiquer l’entrainement [...] faire un effort [...] éveiller le désir [...] éveiller l’élan [...] être assidu [...] éveiller l’ardeur (âtappa) [...] appliquer l’énergie (viriya) [...] pratiquer la persévérance" (SN 12 : 83 (2)-93)
"celui qui désire son propre bien, Aspirant à la grandeur spirituelle, Devrait révérer profondément le vrai Dhamma » (SN 6 : 2 ; parole de Brahmā Sahampati)
"Celui qui est libéré en esprit (vimuttacitto) » est noble « s’il désire l’accomplissement du cœur (hadayassānupatti) », c'est-à-dire l’Eveil, « voulant à tout prix cela à son avantage (ānisaṃsa) » (SN 2 : 2 ; parole de Kassapa).
"Comment y a-t-il la réalisation de la connaissance après l'entrainement graduel, l'action graduelle, la pratique graduelle ? Il y a le cas où, lorsque la confiance est apparue, on visite [un enseignant]. Ayant visité un enseignant, on devient attentif [...] on prête l'oreille [...] on entend le vrai Dhamma [...] on s'en souvient [...] on pénètre le sens des enseignements [...] on parvient à un accord à travers la méditation des enseignements. Parvenant à un accord à travers la méditation des enseignements, le désir apparait. Lorsque le désir apparait, on veut. Lorsqu'on veut, on contemple. Ayant contemplé, on fait effort. Ayant fait effort, on réalise avec le corps la vérité suprême et, l'ayant pénétrée avec discernement, on la voit" (MN 70)

"Si un moine venait à souhaiter : “Puissè-je être cher et plaisant à mes compagnons dans la vie excellente [...] vaincre le déplaisir, ne pas être vaincu par [lui] [...] vaincre la peur et la terreur, et ne pas être vaincu [eux...] atteindre – quand je veux, sans tension, sans difficulté – les quatre jhana [...] Puissè-je – avec la fin complète des âsâva – demeurer dans la libération de conscience et la libération par la sagesse, les ayant directement connus et réalisés pour et moi-même dans l’ici et maintenant - alors il devrait être de ceux qui respectent les préceptes à la perfection". (AN 10.71. Citation réduite, parce que l'extrait est très long)
"Du désir d’apprendre (sussûsâ) on obtient la sagesse Si l’on est assidu et appliqué" (SN 10 : 12)


Quand on voit que le désir est à la fois la cause de dukkha, et un facteur d’Eveil, on comprend que l’un n’est qu’une forme malsaine de tanha, et l’autre sa forme saine. Mais comme, dans ce dernier cas, le désir n’a plus rien d’un état douloureux de manque, et qu’il consiste au contraire à faire effort pour développer la maitrise et le dépassement de soi, il est préférable de parler de « volonté ».[/b]
Lorsque je relate l’entretien d’Ananda avec Unnâbha, vous me demandez :
Citation:
"Dans la « formule », 4 voies ont été évoquées mais pourquoi vous ne gardez qu’une pour la faire « coller » avec vos propos ?


Je n’en garde qu’une parce qu’elle est la plus significative, pour moi comme pour les rédacteurs du Canon : la question d’Unnâbha portait uniquement sur le désir et Ananda lui répond d’abord au sujet du désir. Mais les autres formules vont dans le même sens : l’énergie, la résolution, et l’intention d’agir sont les formes que prend l’aspiration à l’Eveil ; elles sont étroitement liées au désir (nous verrons que c'est le cas surtout de l’énergie).

Citation:
Dans ce sutta AN 4.159 – Bhikkhuni sutta , le Vénérable Ananda aborde 4 aspects de la Voie, pourquoi ne garder qu’une.


Même chose, je ne garde qu’un aspect, parce qu’il est celui qui m’intéresse le plus directement. Mais ce que je dis concernant la soif vaut sans doute pour l’orgueil, puisqu’Ananda dit que « c'est en reposant sur l’orgueil que l’orgueil est abandonné ».

Citation:
En plus c’est une phrase tronquée. Plus exactement, la phrase est ceci : « Ce corps est arrivé en existence par la soif (tanha). C'est en reposant sur la soif que la soif doit être abandonnée; »


Ce n’est pas une phrase tronquée, puisque ce que vous me citez, c'est deux phrases. La partie que j’ai omise (« ce corps [...] par la soif ») ne change rien au sens de mon propos !

Citation:
Mais d’abord ,
1/ Pourriez vous expliciter où se situent ces 4 voies dans le processus bhavana ?
2/ Comment sont ils appelés ?
3/ Quelles sont les conditions de leur utilisation ?
4/ Quelles sont leurs rôles ?


En fait, j’avais évité toutes ces considérations, préférant opter pour un poste assez court. Il s’agit évidemment des quatre bases du pouvoir spirituel (iddhipâda), mais le plus directe pour moi est de parler de celle qui concerne le désir, puisque c'est le sujet qui m’intéresse. Concernant les quatre bases, je retiens simplement qu’elles permettent non seulement d’obtenir des pouvoirs supranormaux, mais surtout d’atteindre l’Eveil : c'est en les développant que le Bouddha est devenu un Parfait Eveillé (SN 51 : Cool. Il s’agit d’états méditatifs, qui ont en commun deux facteurs : l’unification de l’esprit (samâdhi) et les « formations volitionnelles de l’effort » (padhânasaṅkhârâ), c'est-à-dire « le désir d’agir » (kattukaṃyatâchanda, cf. commentaire à SN 51 : 13. Padhâna désigne l’aspiration à ce qui est le plus élevé, c'est un synonyme de viriya Wink. Un troisième facteur, dominant les autres, différentie chaque base : il s’agit du désir, ou de l’énergie, ou de la concentration, ou de l’examen approfondi. Remarquons que le désir apparaît donc deux fois : en tant que désir d’agir, à chaque fois qu’on cultive les bases du pouvoir, et en tant que facteur dominant la base du pouvoir fondée sur le désir. Les bases du pouvoir incluent implicitement les quatre efforts justes (sammappadhânâ), puisqu’ils définissent la culture du facteur dominant chaque base. Et c'est quatre effort impliquent de "générer le désir, s'efforcer, éveiller l'ardeur" Désir et énergie vont donc de paire, et c'est pourquoi le facteur énergie est défini en référence au désir :

Citation:
« [Le moine] génère le désir pour l’entretien des états sains apparus, pour leur non désintégration, leur augmentation, expansion et accomplissement par le développement ; il fait effort, éveille l’énergie, applique son esprit, et s’efforce. Cela est nommé la faculté d’énergie » (SN 48 : 10).


Cela n'est qu'une partie de la citation, pour les besoins de l'économie.
Cette forme de désir, même les éveillés la cultivent :
Citation:
« Un moine dont les âsava sont détruits développe la faculté d’énergie, qui mène à la paix, mène à l’Eveil » (SN 48 : 58 )

C'est ce que dit Sâriputta au Bouddha, qui approuve. -- Cela rappelle un peu SN 48 : 50, qui affirme que même un être éveillé possède la faculté de confiance...
Lorsque le Bouddha affirme que ceux qui ne comprennent pas les 5 facultés ne sont pas de véritables ascètes (SN 48 : 7), le commentaire indique que :
Citation:
« toutes les facultés proviennent de la "référence" [i.e. le rapport à l'objet] au moyen du désir (chanda) et de la référence au moyen de l’attention (manasikâra)".
Le sous-commentaire indique que chanda signifie ici « les désirs d’agir sains qui apparaissent dans le mode : vouloir éveiller les facultés ».
Un texte donne des précision sur la base du pouvoir fondée sur le désir :
Citation:
« Si un moine obtient la concentration, obtient l’unification de l’esprit fondée sur le désir (chanda), cela est nommé la concentration due au désir » (SN 48 : 13)

Le commentaire parle ici du « désir d’agir » (kattukam.yatâchanda, cf. Vibh 216, 27-29). Le texte poursuit sa définition au moyen de la formule de 48 : 10, que je viens de citer : le désir est défini de la même manière que l’énergie, au moyen des 4 efforts corrects, qui « sont nommés les saṅkhâra d’effort (padhâna-saṅkhâra) ». Le commentaire défini ces sankhâra comme l’énergie qui accomplit la quadruple fonction de l’effort juste.
Citation:
« Ainsi ce désir et cette concentration due au désir et ces saṅkhâra d’effort : cela est nommé la base des pouvoirs supranormaux qui possède la concentration due au désir et aux saṅkhâra d’effort » (SN 48 : 13).

Le commentaire indique que l’ancien Raṭṭapâla a produit l’état supramondain (lokuttara dhamma) en insistant sur le désir (cf. MN 82), et l’ancien Soṇa en insistant sur l’énergie (cf. AN III 374-79 ; Vin I 179-85). Le commentaire illustre cela en prenant le cas d’un ministre royal qui aspire à une distinction sociale : celui qui obtient son rang social en attendant le roi jour et nuit, cherchant à satisfaire ses souhaits et ses préférences, est comparable à celui qui produit l’état supramondain en insistant sur le désir.

Citation:
« Comment les 4 bases des pouvoirs "supranormaux" sont développées et cultivées de manière qu’elles donnent un grand fruit et bénéfice ? Ici, moines, un moine développe la base des pouvoirs "supranormaux" due au désir et aux saṅkhâra d’effort, pensant : "Ainsi mon désir ne sera ni trop lâche ni trop tendu ; et il ne sera ni limité intérieurement ni distrait extérieurement" » (SN 51 : 20).

Le désir trop lâche « est le désir qui est accompagné de lassitude, associé à la lassitude » (kosajjasahagata : signifie généralement paresse, mais le terme serait ici trop fort. Ce qui est signifié est une légère faiblesse dans la force du désir). Le désir trop tendu est le « désir qui est accompagné d’agitation, associé à l’agitation ». Le désir limité ou restreint intérieurement est le « désir qui est accompagnée par la lourdeur et la torpeur (thîna-middha) » ; et le désir distrait extérieurement est le « désir qui est à plusieurs reprises distrait extérieurement, à plusieurs reprises troublé, à cause des 5 cordes du plaisir sensuel ».

Il me semble qu’on a là une description avancée d’une forme de désir sain, n’est-ce pas ?

Citation:
Tanha que vous mélangez avec chanda
pour conclure que « le désir doit être abandonné en cultivant le désir»,

« ...Tanha est synonyme de chanda,... » : l'embrouille vient de là


Evidemment, une « embrouille vient de là », mais est-ce bien la mienne ? Comme je l’ai dit, les textes déclarent qu’on abandonne la soif (tanha) au moyen de la soif (tanha, AN IV 159), et qu’on abandonne le désir (chanda) en cultivant la base de pouvoir fondée sur le désir (chanda, SN 51 : 15). Ces textes ont le même interlocuteur (Ananda) et sont clairement liés entre eux. Et surtout, chanda et tanha sont clairement interchangeables :
Citation:
« tous les dhamma sont enracinés dans chanda » (AN 10.5Cool

Citation:
« chanda est la racine de dukkha » (SN 42 : 11)

Dans ces phrases, on attendrait tanha au lieu de chanda ! Le commentaire à SN 51 : 15 dit que le chanda qui faut abandonner doit être compris comme tanha. Le commentaire à AN 10 : 58 dit que les dhamma dont il s'agit sont les 5 agrégats, et qu'ils sont dit enracinés dans le désir parce que le désir d'agir (donc la création de kamma) est ce qui soutient l'existence. De même, en MN 109, les 5 agrégats d'attachement sont dits enracinés dans le désir. Relevant tous ces points, Thanissaro Bikkhu commente :
Citation:
"Le Noble Octuple Sentier, lorsqu'il est porté à maturité, est considéré comme transcendant, et est manifestement enraciné dans une forme habile de désir" (http://www.accesstoinsight.org/tipitaka/an/an10/an10.058.than.html)


Quant au chanda malhabile, il est la condition générale de l’existence dans le samsâra. Et dans une très ancienne variante de la formule de la coproduction conditionnée, c'est chanda qui apparaît en dépendance des sensations agréables (sâta) et désagréables (asâta), à la place de tanhâ (Sn 862-72). On peut donc remplacer le formule « c'est en dépendance de tanha que tanha est abandonné » par la formule : « c'est en dépendance de chanda que chanda est abandonné ».

Citation:
Il me semble que vous ne distinguez pas le tanha menant aux bonnes destinées et l’aspiration dhamma chanda enseigné par le Bouddha menant à l’abandon, au dépassionnement, à la cessation de dukkha. Il y a donc deux termes qu’il faut bien distinguer tanha et chanda.

Tanha et chanda sont interchangeables, comme je viens de le montrer. Mais tout mon effort consiste à distinguer le désir au sens de manque, de la volonté au sens d'exercice d'un pouvoir. Le manque renvoie plutôt à tanha, qui est presque toujours considéré comme source de souffrance, alors que chanda désigne plus souvent un facteur d'éveil que je traduis par "volonté". Car dans ce cas, chanda n'est pas un manque insatiable et douloureux, mais un effort d'agir habilement en vue de la libération

Citation:
seul "kama chanda" représente une partie de Tanha.

Non, même dhamma-chanda est une partie de tanha, d'après ce qui précède. Il est vrai que les textes ne parlent pas de « soif du Dhamma » (sauf en DN II. 58 et dans l’Abhidhamma, mais au sens de « soif d’états mentaux ») ; pourtant il y a une convoitise (râga) saine et un désir (kâma) sain : par exemple « le désir du Dhamma » (dhamma-râga, AN IV. 423 ; V. 345), ou « l’amour du Dhamma » (dhamma-kâma, AN V. 24, 27, 90, 201 ; Sn 92), qui sont des affects habiles, qui doivent être développés – même si, par ailleurs, râga est une cause de dukkha, un des « trois poisons » (akusala-mûla). Je ne confonds donc absolument pas la convoitise et le désir d'Eveil : je dis qu'ils sont la forme, respectivement, malhabile et habile, de tanha. (Et je ne fais pas de tanha un "être" absolu, un et unique : je dis au contraire qu'il s'agit d'"une" force multiple).
J’ai déjà montré que chanda a un aspect habile et un aspect malhabile : chanda est parfois une cause de dukkha (il remplace râga ou lobha en tant qu’une des trois « racines malhabiles », MN I, 119), mais il est aussi ce « désir approprié » dont parle Ananda, et qui apparaît dans les textes consacrés aux bases du pouvoir et aux efforts justes. Et non seulement chanda, râga et kâma ont chacun une forme saine et une forme malsaine -- mais j’ai aussi évoqué la distinction peu connue entre les affects « charnels » (āmisa) et les affects « spirituels » (dhamma) ou « nobles » (AN I, 93 ff. et Itv. 9Cool : il y a une forme charnelle et une forme spirituelle de l’« aspiration » (esanâ), la « recherche » (pariyesanâ) et le « pouvoir » (iddhi), et la différence entre eux provient des objets : la quête spirituelle (ariyâ pariyesanâ) est la recherche active du Nibbâna (MN I, 162 ff), par opposition à la recherche indigne, dirigée vers des réalités conditionnées. C'est-à-dire qu’une perception sensuelle, par exemple, peut entrainer une intention sensuelle, un désir, une passion et une recherche sensuelles, et finalement la souffrance ; tandis que :
Citation:
« En dépendance de la perception de renoncement, ici apparaît l’intention de renoncement ; en dépendance de l’intention de renoncement, ici apparaît le désir de renoncement ; en dépendance du désir de renoncement, ici apparaît la passion du renoncement ; en dépendance de la passion du renoncement, ici apparaît la recherche du renoncement. Engagé dans la recherche du renoncement, le noble disciple instruit se conduit correctement de trois manières – avec le corps, la parole et l’esprit » (SN 14 : 12)

Donc le désir et la passion SONT la voie ! Ou plutôt : une certaine forme de passion cause la souffrance, et une autre forme lui met fin. De la même manière que le désir nous est apparu partie intégrante de la méditation (en tant que base du pouvoir spirituel et un des facteurs de l’effort juste), il apparaît ici comme essentiel à la conduite pure.
Si chanda, râga et kâma ont un aspect sain et malsain, s’il y a des affects « charnels » et « spirituels », et si « il y a deux types de taṇhā : habile (kusala) et malhabile (akusala) », comme le dit un très ancien guide d’interprétation des sutta (le Nettippakaraṇa, rédigé en pâli au 1er ou 2è siècle ap. JC) : pourquoi ne pas se rendre à l’évidence ? Il faut reconnaître que le désir ne mène pas nécessairement à la souffrance, qu’une forme de « soif » peut avoir Nibbâna pour objet, et que tanha n’a pas toujours la forme d’un état de manque douloureux et insatiable. C'est pourquoi tanha est mal traduit par « désir », lorsqu’on l’entend au sens de manque : car le Bouddha parle également d’un "désir" noble, lucide et maitrisé, accompagnée de zèle, d’ardeur, d’énergie et d’effort juste, et c'est ce qu’il vaut mieux traduire par « volonté ». Tanha permet d’abandonner tanha, comme le dit Ananda, parce qu’il peut être habile ou malhabile, sain ou malsain, bénéfique ou néfaste : sinon comment expliquer ce paradoxe ?
Concernant le tanha habile, il est possible de la traduire par « soif », si on comprend qu’il ne s’agit pas d’une soif totalement insatiable et douloureuse, puisqu’elle s’étanche avec le Nibbâna. Qui ignore qu’il y a un jeu de mot entre Nibbâna et nibbuto ? Nibbuto est l’état de l’éveillé, et le terme veut dire également « désaltéré » ou « rassasié » (je vous renvoie à mon poste sur Nibbâna). C'est plus qu'un jeu de mots : c'est tout un réseau de métaphores, omniprésentes dans les textes, que l'on passe sous silence... La métaphore de la soif n'est donc pas forcément négative, de même que l'image de l'eau : il y a l'océan du samsâra, mais aussi le courant de la voie (c'est le sens des expressions "être entré dans le courant", etc.). Nibbâna n’est pas seulement la destruction complète ou l’annihilation totale de la soif, mais sa satisfaction, son étanchement, son « apaisement », « l’atténuation » dont j’ai déjà parlé. Le Bouddha enseigne la cessation du "désir" (tanha), c'est-à-dire de l'insatisfaction chronique, le manque insatiable et donc douloureux, et cela s’obtient en cultivant un "désir" habile, car capable d'être satisfait. Nous avons vu que même les éveillés cultivent la faculté d’énergie, et qui nierait qu’ils continuent d’exercer une forme de volonté ? Dans leur cas, le "désir" n'a plus la forme du manque. En conséquence, on peut distinguer :
1. tanha en lui-même, qui n’est ni bon ni mauvais, mais qui est la condition du tanha habile ou malhabile
2. tanha habile
3. tanha malhabile
4. La satisfaction de tanha
Concernant la volonté habile ou saine, que j’ai nommé dhamma-chanda, les textes leurs donnent plusieurs noms évocateurs, comme le « désir ardent d’entrer dans le domaine paisible », ou « l’effort d’éveiller la volonté d’accroissement, d’abondance, de développement et d’accomplissement des états habiles de l’esprit qui sont apparus ». Vous avez du mal à retrouver mes citations, parce que certaines (généralement toutes celles qui utilisent des chiffres romains) renvoient à l’ancienne édition du Canon, dont les références sont indiquées entre crochet sur le site accesstoinsight.org (par exemple : DN 2 = {D I 47}). Lorsque j’utilise deux points (par exemple SN 12 : 15), cela renvoie à la plus récente édition de la Pali Text Society. Par contre je ne sais pas pourquoi vous ne parvenez pas à trouver la référence à SN 22 : 153 (p. 980 dans la traduction PTS par Bikkhu Bodhi), à moins que vous n’ayez accès aux textes que par internet…
Taṇhā ne peut être apaisé qu’en cherchant une chose qui peut réellement apporter satisfaction, c'est-à-dire en menant la « recherche de l’excellence » (brahmacariya), dont nous avons déjà parlé, et dont le but est Nibbâna. On voit de nouveau que c'est l’objet qui détermine si le taṇhā est habile, malhabile ou neutre. C'est pourquoi je disais que nous connaissons dukkha tant que :
Citation:
« nous n’avons pas le courage d’assumer la pulsion fondamentale qui nous guide, ni l’habileté suffisante pour la diriger vers une chose réellement susceptible d’apporter satisfaction. »

ça fait beaucoup de question : « la pulsion fondamentale (c’est quoi ?) qui nous guide (vers où ?), mais il faut de l’habileté (dans quel domaine ?) suffisante pour la diriger (malgré que c’est elle qui nous guide ?) vers une chose réellement susceptible d’apporter satisfaction (justement quelle chose ?).


La pulsion est tanha ; elle nous guide vers les objets conditionnés, mais avec de l’habileté sur la voie (en conduite, concentration et sagesse), on peut la diriger (et ne plus se laisser diriger) vers Nibbâna. – Par ailleurs, c'est parce que la forme habile de tanha permet de mettre fin à sa forme malhabile que les textes parlent de « se vaincre soi-même » (Dhp, § 103), c'est-à-dire de dépassement de soi. Tanha n’est en soi ni bon ni mauvais, mais peut donner l’impulsion nécessaire pour atteindre l’Eveil et "renaître de soi-même", comme disent certains textes. Lorsqu’il est est habile, c'est-à-dire averti de la manière de satisfaire ses désirs plus profonds, plus humains et spirituels –, il devient dhamma-chanda, le désir actif ou la volonté de faire effort pour accomplir ces désirs plus profonds (c'est là tout le rôle de citta-bhâvanâ). Tanha, qu’il soit habile ou malhabile, est toujours une forme de recherche, un état d’effort ou de lutte pour se satisfaire temporairement, un besoin continuel de s’efforcer à atteindre certains objets et certaines fins. Cet effort est finalement apaisé (nibbuta) dans le Nibbâna, mais peut-être qu’il n’est pas apaisé totalement, sans quoi il faudrait admettre qu’un éveillé n’a aucune volonté ! Au contraire, nous savons que le Bouddha était un être particulièrement actif ; nous avons vu que les éveillés peuvent encore cultiver la faculté d’énergie (ce qui implique désir ou effort), et le texte qui le dit ajoute que c'est une manière, pour eux, d’honorer et de montrer leur respect pour l’Enseignement (SN 48 : 58 ; cf. AN II, 20-1) : ce respect pour l'enseignement (Dhamma) est peut-être aussi l’expression de dhamma-chanda. Le plus intéressant dans tout cela, c'est que c'est une forme de dukkha qui permet de transformer le désir malhabile en volonté habile, puisque dukkha est « la condition suffisante de la confiance (sâddha) », dans une chaine de facteurs qui mène à « la connaissance [ñāṇa] de la cessation des âsava » (12 : 23 et non pas 12 : 22, je rectifie). Autrement dit, quand on devient attentif au fait que la vie que nous menons ne satisfait pas des besoins plus profonds, alors s’éveille le désir d’agir habilement en vue d’obtenir Nibbâna, pour trouver satisfaction, être désaltéré (nibbuto). C'est pourquoi le Bouddha ne cesse de répéter qu’il faut connaître et comprendre la souffrance : sans souffrance et sans désir, pas d’Eveil !

Citation:
kusala ne signifie pas habile mais bénéfique, bon, sain.


En fait j’adopte alternativement la traduction par « habile » ou « sain ». La traduction par « habile » est courante (cf. http://dhammadana.org/lexique/k.htm).


Dernière édition par Chaosophe le Lun 02 Nov, 2009 21:37; édité 5 fois
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MessagePosté le: Sam 24 Oct, 2009 10:42    Sujet du message: Répondre en citant

Bonjour,
Merci chaosophe pour tous ces efforts de réponse.

C’est un sujet intéressant sinon fondamental qui je l’espère, va permettre de clarifier et si possible rectifier certaines choses.


Citation:
Le Bouddha a lui-même averti ses disciples du rôle du désir sur la voie, par exemple en en faisant une des « bases du pouvoir spirituel », donc un facteur d’Eveil, une des "ailes pour l'Eveil".
Ce qui devrait éveiller notre attention, c'est qu’à côté de tous les textes qui parlent de destruction du désir, il y a aussi tout un tas de déclarations concernant le rôle du désir sur la voie : cela ne devrait-il pas alerter ? Cela ne dérange-t-il personne qu’un texte prône la destruction du désir, et qu’un autre prône la culture du désir ?


Cette « apparente » contradition vient du mot « désir » qui est la traduction de plusieurs mots pali. Si on regarde la définition pali à sa source, alors son sens est cohérent avec tout l’enseignement. Il n’y a aura pas d’embrouille. Dans la mesure du possible, il est préférable de toujours donner la source pali du mot traduit en français. Vous pouvez citer plein de références contenant A (désir) et les relier par A = A alors que ce A ci n’est pas vraiment ce A là, mais en fait c’est B , C, ….

Mais comme je l’ai indiqué, votre édifice s’appuie sur votre interprétation de la phrase de Ananda.

Je réitère : pourriez vous poster le Bikkhuni sutta (en entier) et vos commentaires. Ainsi on pourrait éclaircir sur ce qu’entends Ananda par sa phrase ?

D’autre part votre problème vient de la non distinction de Tanha et de chanda : c’est à dire le non discernement de ce qui cause la souffrance et de ce qui est l’aspiration d’agir.

Tout ceci se déroule en soi-même, observez avec discernement.

Je posterai plus tard mes humbles « compréhensions » sur Tanha et chanda. (je serai absent quelques jours cause weekend Laughing )


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MessagePosté le: Jeu 05 Nov, 2009 23:15    Sujet du message: Répondre en citant

Le Nava sutta (le navire - SN 22.101) explique que le désir de libération, sans un développement correct ne mène à rien.

Par contre, même si on n'a aucun désir de libération, si on développe correctement la Voie, automatiquement quand les conditions sont mûres, on récoltera le fruit de la libération.

http://forumetta.free.fr/viewtopic.php?p=4261#4261


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MessagePosté le: Ven 06 Nov, 2009 17:56    Sujet du message: Répondre en citant

Citation:
"De même quand un bateau de haute mer, manipulé avec des mâts et des haubans, après six mois sur l'eau, sont laissés(quittés) sur le rivage pour l'hiver : ses haubans, altérée par la chaleur et le vent, humidifiés par les nuages de la saison des pluies, se fragilisent facilement et tombent en pourriture. De la même manière, quand un moine demeure en se consacrant au développement, ses chaînes se fragilisent facilement et tombent en pourriture ».


gigi dit:
C'est encourageant de lire ça,

le désir désire de lui-même,
cela nous pouvons l'observer,
mais il s'arrêtera, seulement de lui-même
et nous ne pouvons que l'observer,
observer qu'il n'y a personne qui désire vraiment

avec metta
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