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Forum Mettâ Bouddhisme originel
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Chaosophe
Inscrit le: 13 Avr 2008 Messages: 125
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Posté le: Ven 22 Juil, 2011 14:12 Sujet du message: La vertu cathartique de l'entretien bouddhique |
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Nous avons l’habitude de consommer les enseignements spirituels, de les utiliser dans un souci de performance ou de jouissance, et cela n’est pas une tendance nouvelle, propre à la modernité occidentale, puisque le Bouddha la mentionne déjà et la dénonce avec ironie. Lorsque des centaines de laïcs lui demandent avec désinvolture un enseignement qui conduise à leur « bien-être », le Bouddha leur rappelle, sur un ton énigmatique, la profondeur et la complexité de sa doctrine :
Citation: | Les laïcs : « Que le Bienheureux, Vénérable, nous exhorte et nous instruise d’une manière qui puisse mener à notre bien-être et notre bonheur pour longtemps ».
Le Bouddha : « Par conséquent, Dhammadinna, vous devriez vous entrainer vous-mêmes ainsi : "De temps en temps nous entrerons et demeurerons dans ces discours prononcés par le Tathâgata qui sont profonds (gambhîra), profonds en signification (gambhîrattha), supramondains (lokuttara), traitant de la vacuité (suññatâpaṭisaṃyutta)". C'est de cette manière que vous devriez vous entrainer vous-mêmes » (SN 55: 53) |
Une telle injonction n’est pas courante : s’adresser à des maîtres de maison pour leur recommander les enseignements les plus profonds n’est-il pas inapproprié ? N’est-ce pas rompre le principe selon lequel le message de l’Enseignant est toujours adapté aux tendances mentales de son auditoire ?
Ici – comme en de nombreuses autres occurrences – le Bouddha utilise la méthode forte : il provoque l’embarras dans son auditoire, il le place face à une difficulté, à la façon dont Socrate mettait son interlocuteur en situation d’aporie (vertu paralysante ou narcotique qui valait au sage grec d’être comparé à un poisson-torpille). L’embarras est visible dans la réaction d’un laïc, Dhammadinna :
Citation: | « Vénérable, il n’est pas facile pour nous – demeurant dans une maison pleine d’enfants, nous réjouissant du bois de santal de Kâsian, portant des guirlandes, des parfums, et des pommades, recevant de l’or et de l’argent – de temps en temps, d’entrer et de demeurer dans ces discours ». |
Par cet échange, nous assistons à un renversement total : les laïcs demandaient avec désinvolture et impatience un enseignement efficace, mais lorsque le Bouddha les renvoie à des enseignements complexes et impénétrables, ils reconnaissent amèrement leur faiblesse et leurs limites. Comme ils préjugeaient de leurs forces, et ne tenaient pas compte de l’étendue et des limites de leurs capacités, le Bouddha leur demande l’impossible, pour rabattre leur orgueil ! Démasquant le manque de sérieux de son auditoire, il le charge d’atteindre un but qu’il lui est impossible d’atteindre, pour lui faire prendre conscience de ses limites. Il révèle ainsi aux laïcs comment leur désir d’apprendre, leur requête impatiente et désinvolte – est le principal obstacle à l’enseignement et au progrès sur la voie. C'est ce que souligne le commentaire pâli :
Citation: | « Ainsi l’Enseignant a chargé ces disciples laïques d’une tâche insoutenable. Pourquoi ? Parce que, est-il dit, ils ont demandé une exhortation sans prendre position sur leur propre plan (na attana bhûmiyaṃ ṭhatvâ), mais ils ont demandé comme s’ils pouvaient endosser n’importe quelle tâche sans distinction ». |
(Une traduction alternative pourrait être : "sans s'en tenir à leur domaine").
C'est donc précisément parce qu’il tient compte des tendances mentales de son auditoire que le Bouddha parvient à les neutraliser en les retournant contre elles-mêmes, lorsqu’elles apparaissent néfastes à l’apprentissage. La preuve en est que les laïcs, prenant conscience de leurs limites, peuvent désormais les dépasser :
Citation: | Dhammadinna : « Puisque nous sommes établis dans les 5 règles d’entrainement, que le Bienheureux nous enseigne le Dhamma plus avant ».
Le Bouddha : « Vous devriez vous entrainer vous-mêmes ainsi : "Nous possèderons la pleine confiance dans le Bouddha [...] le Dhamma [...] la Communauté [...] les vertus chères aux nobles…" » |
Puisque l’auditoire fait preuve de sérieux, en demandant un enseignement adapté à ses capacités, le Bouddha se conforme à ses désirs, comme l’indique le commentaire pâli :
Citation: | « Lorsqu’ils demandèrent une exhortation après avoir pris position sur leur propre plan (avec les mots : « nous sommes établis… »), le maître accéda à leur demande ». |
La réponse du Bouddha consiste à rappeler aux laïcs l’importance de l’éthique et de la confiance dans la Voie. Lorsque les préceptes de conduite sont respectés, ils mènent à la concentration de l’esprit, et il faut avoir confiance dans le progrès que l’on peut ainsi accomplir. La fin du texte souligne que le premier pas est le plus important, comme si le commencement était la moitié du tout : lorsque les laïcs affirment posséder la confiance, le Bouddha les déclare « entrés dans le courant », autrement dit déjà embarqués vers l’Eveil :
Citation: | Dhammadinna : « Ces choses (la quadruple confiance) existent en nous, et nous vivons en accord avec ces 4 choses ».
Le Bouddha : « C'est un profit pour vous, Dhammadinna ! C'est bien obtenu par vous, Dhammadinna ! Vous avez déclaré le fruit de l’entrée dans le courant ». |
Il s’agit en somme d’apprendre à proportionner notre ambition à nos capacités et au type d’enseignements adaptés : un laïc ne peut prétendre à la fois au bien-être matériel et aux plus hautes réalisations mystiques, à moins qu’il n’ait parfaitement accompli les premières étapes de la Voie. Surtout, cet extrait livre des informations fondamentales sur la méthode d’enseignement du Bouddha : subtile ironiste et savant objecteur, il n’hésite pas à adapter son enseignement à son auditoire de façon critique et paradoxale, pour placer celui-ci dans l’embarras, non pour le paralyser mais pour stimuler sa recherche. En faisant prendre conscience à son auditoire de ses faiblesses et de ses limites, il lui procure une disposition favorable à la recherche : le désir d’apprendre mais aussi la confiance dans la progression sur le chemin de la connaissance. Par la contradiction et la révélation de l’aporie, le Bouddha encourage et aiguillonne la recherche. |
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idir
Inscrit le: 19 Fév 2010 Messages: 46
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Posté le: Mer 27 Juil, 2011 20:43 Sujet du message: |
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je crois que la plupart des gens savent quoi faire et comment répondre, et en plus d’une manière morale, aux préoccupations du quotidien, mais par malhonnêteté et paresse intellectuelles ils feignent ignorer l’attitude juste face aux sollicitations de l’existence. malheureusement je fais partie de ce «la plupart des gens». humain, trop humain disait le fou allemand |
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