Forum Mettâ

[Pieru]

Bonjour à tous,


Je voudrais vous faire part de quelques réflexions sur la transmission du Dhamma, après avoir lu les articles sur le hors série du magazine « le Point » consacré au Bouddha (Fev. Mars 2010).


On y lit des choses parfois surprenantes comme si les auteurs souhaitaient apporter résolument une nouvelle approche, qui révolutionnerait la compréhension du Bouddhisme…
Certes le Bouddhisme est une histoire de compréhension mais aussi de foi, comme celle que l’on peut avoir en la fidélité de la transmission, ou pas. Pour cela il est nécessaire de prendre en compte le contexte historique et spirituel, ce qui ne me semble pas être complètement fait.

A l'époque du Bouddha tout était plus « lent ». Les choses, les idées et les gens qui les transportaient voyageaient plus lentement. Il n’y avait pas cette masse d’informations dans laquelle nous baignons aujourd’hui. Il y avait donc plus d'espace pour les choses, pour qu’elles existent en profondeur, et non pas en surface comme cela peut l'être avec l’ère de « la mondialisation ». De plus la société de ce temps suivait des règles de hiérarchie très fortes telles que les castes, ce qui structurait fortement la vie des gens.
Les choses s'inscrivaient donc ainsi dans les consciences plus profondément et durablement.

Alors le message originel de Bouddha, à son apogée, c'est-à-dire à sa mort, a demeuré à travers le quotidien de ses disciples -les bhikkhu, dans leur cœur, et surtout dans leur réalisation spirituelle… l’achèvement d’arahant. Et c’est là que les choses débutent pour les auditeurs dans l’histoire « post-Bouddha » : la prise en compte de cette réalisation en rapport avec l’importance du message du Bienheureux maître (c'est-à-dire la sortie du monde conditionné –le samsara).
Avant sa mort, il évoque d’ailleurs qu’une fois décédé (c’est à dire en parinibbana) le maitre sera le dhamma – la discipline, la loi, la vérité …

Donc les auditeurs qui ont foi dans le triple joyaux (Bouddha, dhamma, sangha) peuvent bénéficier –par rapport à l’historien qui se veut non subjectif- de cette foi, et de cette confiance en la pleine réalisation et la portée immense du message.
Que font donc les plus proches disciples de Bouddha, tels Sariputta, Mahamoggallana, Mahakassapa et Ananda, après sa disparition physique ?
On peut évidemment penser qu’ils vont parfaitement perpétuer le dhamma qu’ils ont si bien assimilé.
Eux ne se roulent pas par terre de détresse en pleurant la mort du maître. Eux ne se réjouissent pas de sa disparition pour pouvoir enfin être libre de faire ce qui leur chante…
Non. Ils vont cristalliser cet enseignement en convoquant les nombreux disciples (500 ou 1000 selon les sources) pour un concile. Ils sont les dépositaires de cet enseignement, ils le font en son nom.

Pour les auditeurs qui connaissent un peu les discours du Bouddha que l’on trouve dans le canon Pali, il y a une cohérence, une profondeur spirituelle et une harmonie du message, résumé par les quatre Nobles Vérités.
Cependant « la sortie du monde » n’est pas évidente, car justement nous sommes « dans le monde », le monde des sens, du contact, de l’attachement aux phénomènes physiques et mentaux divers… Il suffit de se voir, de voir les gens, d’écouter la radio, la télé, ou tous les intellectuels qui se délectent dans leurs réflexions.
Et c’est là qu’il faut comprendre l’importance des bhikkhu, les renonçants, le sangha…
Ce sont eux les « professionnels » du dhamma, alors que les laïcs ne sont que des « amateurs »…. ! Les bhikkhu sont le dhamma vivant.
Bien sur un laïc peut, avec l’expérience, intégrer le dhamma et le vivre pleinement…
Néanmoins cela reste le privilège des (rares) bhikkhu réellement engagé dans cette recherche spirituelle (de la réalisation d’anatta – anicca – et dukkha).
Les pollutions mentales ont seulement deux options : soit elles diminuent, soit elles augmentent… Dure réalité… ! (Dans quelle catégorie êtes vous… ?)

Les bhikkhu du temps de Bouddha ont voyagé et transporté la parole du Bouddha, ainsi que leur réalisation du dhamma et leur personnalité.
Et un bhikkhu étant un être humain, il a aussi des défauts, et peut parfois avoir un comportement … arrogant, par exemple. Ce qui peut également exaspérer « les laïcs », qui dans un mouvement légitime de réformation transforment l’enseignement en quelque chose de plus ouvert et de moins rigide…
(Evocation de la création de nouveaux courant du dhamma).

Il est évident pour moi (et pour de nombreux spécialistes) que de nombreux textes de la littérature Bouddhique qui se réclament la parole de Bouddha, sont de par leur nature même (message dont le fond et la forme diffèrent, voir sont en opposition au message originel) des ajouts tardifs (et du coup portant une part de malhonnêteté).
L’attachement aux vues de l’esprit peut prendre alors ces formes de « Bouddhisme mystique »…

De nos jours il n’y a pas deux écoles qui se réclament « ancienne ». D’où ma pensée qu’elle est authentique, à la vu des contextes évoqués : la réalisation du dhamma par les bhikkhu (capable d’apprendre par cœur la triple corbeille et de la diffuser oralement), allié à la portée de cette réalisation (l’éveil - sortie du samsara et du monde égoiste), et l'expérience que l'on a soi-même de cette réalisation -la sagesse…
Même si on peut aussi penser que des éléments légendaires ont été introduit à travers l’histoire du canon Pali…

Le rôle des moines est donc primordial.
Que certains pensent (comme dans cette revue) que la lignée originale n’existe plus n’a pas d’importance. L’admirable cohérence du dhamma traverse le temps et se retrouve à notre époque avec des maitres comme Ajahn Chah.

Les différences doctrinales, ou philosophiques modifient beaucoup l’approche que l’on peut avoir du Bouddhisme (soit pragmatique / soit ritualisé, …), mais en dehors de la théorie si l’outil est correct, les résultats sont les mêmes dans la voie de l’attention.
On se trouve au départ de la voie découvrant ce radeau destiné à nous faire traverser la rive, et l’attachement se présente comme à son habitude. Découvrir que l’école du « grand véhicule » se nomme ainsi car comme le dit P. Cornu : «Elle clame sa grandeur de vues en taxant les écoles anciennes de hinayana « véhicule moindre » ; c’est le comble de l’arrogance, si comme on le pense elle fait référence en fait dans ce dénigrement à l’enseignement originel de Bouddha ! Que ceux qui continuent d’utiliser hinayana en prennent conscience.
Est-ce l’adaptation qu’il faut prendre en compte ou la vérité du message ?
Est-ce l’immédiat renoncement aux opinions ou la constatation de philosophies erronées ?

Heureusement nous pouvons progresser sur la voie, assez pour porter le message par soi même. Porter la vision en nous du dhamma, pur et lumineux, qui existe autant chez les theravadins que chez les mahayana…

Dans telle école, l’importance sera plus mise sur la compassion, et qu’un grand nombre la pratique est très bénéfique. Savoir d’où vient la source et quel est son fondement est aussi important pour chacun.

Le vajrayana se veut un mélange de diverses techniques plus efficaces et plus rapide pour atteindre l’éveil… pourquoi pas !?
Nous verrons bien ce que le futur apportera comme nouveaux véhicules hyper sophistiqués…
Attention aux dérapages qui sont toutefois plus dangereux… !

Le dhamma est fluide, intemporel, nous le portons tous de manière juste lorsque nous relâchons l’emprise de l’attachement.

Si j’ai le courage et le temps, et que cela intéressent certains, je continuerai ces idées…par rapport aux articles sur "Bouddha".


Bonne nuit…
_________________
"Qui connait la nature connait le Dhamma".

[cgigi2]

Pieru dit:

[manwe]

en effet,
c'est très intéressant,

je te souhaite d'avoir le courage et le temps pour partager la suite avec nous.
amicalement
manwe