Forum Mettâ

[Mettâ]

Bonjour,

Pour un laic, à quel point faut-il vivre hors du monde pour avoir une pratique correcte ?

Souvent, je me sens en décalage avec les autres, il me semble qu'une partie du malaise que je ressens avec beaucoup de gens vient du fait que je ne partage pas leurs valeurs, et que la démarche que j'ai entrepris avec Vipassana leur est totalement impossible à comprendre. Se pose alors la question de l'intérêt de persister dans les expériences "mondaines". Par exemple, beaucoup de mes amis me reprochent de ne "jamais sortir" en boite avec eux, de ne pas "m'éclater"... Jusqu'à quel point doit on pratiquer Sila sans trancher totalement avec les gens et les choses qui ne sont pas encore accord avec le Dhamma tel qu'on le percoit? Se retirer du monde sans s'être réconcilié avec lui, n'est-ce pas une forme de fuite/réaction ?

Voilà les questions qui m'assaillent parfois...

De plus, j'ai l'impression de rejeter les autres, comme si je me disais que je suis "dans la bonne voie" et pas eux... Comment dois je changer mes pensées pour être en harmonie avec ce qui m'entourent?

Que tous les êtres soient heureux.

Metta

[Pieru]

Bonjour Metta, et bienvenue sur le forum.


Très bonnes questions que je me pose également.

[cgigi2]

Bonjour metta bienvenue sur Metta

metta dit:

[thanatos]

Bonjour Mettâ,

ce sont effectivement de très bonnes questions que je me pose également souvent. Comme Pieru, je pense que c'est à chacun de trouver son équilibre entre vie mondaine et vie spirituelle. Cependant, comme le souligne Gigi, les activités sociales peuvent devenir des gênes.

En réalité, la vie sociale privée me semble la moins problématique car, comme Pieru l'a rappelé, il suffit de s'entourer d'amis de bonne moralité, partageant notre approche de la vie (même si ils ne sont pas forcément bouddhistes), et de fuir les amis de mauvaise compagnie (fêtards, soulards, bagarreurs, coureurs de jupons ou allumeuses, voleurs, etc.).

C'est la vie sociale professionnelle qui me pose personnellement le plus de problèmes, car on peut difficilement y échapper et la plupart des professions reposent sur des impératifs de productivité, de compétitivité, d'enrichissement et de jeux de pouvoir qui m'apparaissent de plus en plus inconciliables avec une vie laïque saine et harmonieuse.

De façon plus précise, je distingue les deux types de professions suivants:

- d'une part, les activités basées sur l'échange et l'entraide. Cela comprend surtout les activités "créatives" comme les activités artistiques, manuelles ou le bénévolat. Cet aspect de la vie sociale professionnelle peut facilement être concilié avec la pratique du dhamma, à mon avis, car ces activités permettent d'exprimer plus facilement sagesse, calme, bienveillance, altruisme et compassion.

- d'autre part, les activités basées sur la productivité et la compétitivité. C'est malheureusement l'aspect le plus souvent mis en avant dans nos sociétés où la télé, la publicité, les magazines et tout les médias nous présentent constamment comme idéal à atteindre la beauté, le luxe, le pouvoir et les plaisirs sensuels. Cet aspect là de la vie mondaine est effectivement en totale contradiction avec les principes de vie bouddhistes puisqu'il prône tout ce que le Bouddha considérait comme des entraves à la libération et au bonheur. Les professions et activités basées sur ces principes offrent donc, selon moi, de mauvaises conditions à la pratique et au développement de la sagesse, du calme, de la bienveillance, de l'altruisme et de la compassion. Il faut sans arrêt lutter contre le système ambiant car notre façon de penser est en contradiction avec la mentalité des autres, ce qui entraîne souvent des tensions et des conflits. Les risques d'être rejeté (comprendre: blâmé, harcelé moralement ou viré) sont également nombreux. En outre, si ce type de vie nuit au bien-être spirituel, le fait de suivre les préceptes bouddhistes peut également nuire au bien-être professionnel (puisqu'on est moins agressifs et avons plus de scrupules, donc moins compétitifs).

Au vu de ce qui précède, il semble donc possible de concilier harmonieusement une vie laïque ET sociale (professionnelle) à condition de se tourner vers les activités sociales du premier type. Malheureusement, ces activités sont souvent peu valorisées et marginalisées par nos sociétés car elles ne permettent pas de se rapprocher de cet idéal moderne de richesse et de pouvoir. Du coup, la pression sociale (et familiale) reste bien souvent grande pour qu'on s'oriente vers des activités du second type, plus valorisantes aux yeux des autres.

A chacun donc de se détacher de cette pression sociale et familiale pour s'orienter vers un mode de vie plus en accord avec les principes du dhamma (ce que je ne suis toujours pas arrivé à faire ). Mais cela m'est personnellement difficile car, comme tu l'as dit, cela implique de se détacher du regard des autres et de nager à contre-courant de la masse, ce qui entraîne forcément un certain isolement. Malheureusement, je n'ai pas encore trouvé d'autres alternatives à ces trois choix de vie:

- une vie spirituelle (très) limitée avec la masse, (vie mondaine active).
- une vie spirituelle plus développée combinée à une vie mondaine plus marginale (arts, artisanats, bénévolats, vie au foyer).
- une vie spirituelle très profonde... dans l'isolement.

J'espère avoir pu t'aider un peu.

avec metta
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buddham saranam gacchami dhammam saranam gacchami sangham saranam gacchami